Des opérateurs ensembliers capables de faire réaliser les travaux de rénovation énergétique de logements avec le niveau de performance attendu, de les financer et de s'engager sur des économies d'énergie. Tel était le type d'acteurs à développer, selon France Stratégie et ses travaux d'octobre 2020. L'idée défendue par le cercle de réflexion rattaché à la Première ministre a depuis fait son chemin. « Le concept de l'opérateur ensemblier est très proche du dispositif existant des sociétés de tiers-financement », a résumé Vincent Aussilloux, directeur du département économie et finances de France Stratégie, à l'occasion d'une rencontre professionnelle organisée le 18 avril dernier, à Paris, par Sonergia, spécialiste de l'efficacité énergétique, dans le cadre de son projet Concerto Rénov.
L'opérateur ensemblier à la fois maître d'œuvre et financeur
Concrètement, l'opérateur ensemblier (une entreprise privée ou une société d'économie mixte) aurait à charge, pour le compte des ménages demandeurs, d'établir le diagnostic de performance énergétique (DPE) de leur logement, de calculer la rentabilité anticipée de l'opération de rénovation, d'avancer la totalité du financement des travaux, de les réaliser et d'établir un contrat de partage des gains liés aux économies d'énergie avec le ménage bénéficiaire. Une approche qui rappelle le principe du contrat de performance énergétique (CPE) avec les garanties associées. À l'instar du dispositif de tiers-financement, l'opérateur se rembourserait sur la baisse de la facture énergétique des résidents du logement rénové en récupérant le montant des économies réalisées. « Les particuliers ne dépenseraient donc pas plus, n'auraient pas à puiser dans leur épargne ou à s'endetter, tout en améliorant leur confort. Ce mécanisme aligne l'intérêt de l'entreprise sur l'intérêt des particuliers de réaliser une rénovation énergétique la plus performante possible, au meilleur coût, puisque sa rentabilité est directement impactée par ces deux aspects », détaille Vincent Aussilloux. Celui-ci estime qu'une partie des rénovations énergétiques pourraient être réalisées de cette manière.
Avant la hausse du prix de l'énergie, France Stratégie avait ainsi calculé qu'un tiers des opérations de rénovation énergétique performante pouvait être financé grâce aux économies d'énergie réalisées, « en complément des aides publiques sur une période de moins de vingt ans », rappelle-t-il.
Un nouvel appel à projets de l'Ademe pour mobiliser ces acteurs
En France, depuis la création du concept par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, seules six structures de tiers-financement locales existent. En 2022, elles se sont réunies à l'échelle nationale autour du réseau associatif des
Dans le cadre de France 2030, l'Ademe lancera, ce mois de mai 2023, un appel à projets pour trouver des solutions auprès de groupements qui comporteraient des concepteurs et des réalisateurs de travaux ainsi que « des syndics, des assureurs ou des banquiers », a annoncé de son côté, Jonathan Louis, coordinateur innovation de l'Ademe. L'objectif de cet appel sera d'accompagner financièrement les consortiums candidats qui rassemblent les compétences incluant l'ingénierie financière, la conception-réalisation de travaux et « l'accompagnement des ménages dans la sobriété énergétique », a-t-il expliqué. Les groupements testeront, sur des démonstrateurs réels en maisons individuelles, copropriétés, des solutions d'opérateurs ensembliers, depuis la conception jusqu'à la « performance réelle » atteinte après les travaux de rénovation. « Sur cet appel, on est sur des projets de trois ans, mais ils peuvent durer plus longtemps », a indiqué Jonathan Louis.
« Il faut être très ouvert pour favoriser l'apparition d'opérateurs ensembliers capables de garantir un prix, une qualité, un délai, un résultat énergétique et une assurance contre le risque de défaillance financière du maître d'ouvrage. Nous espérons trouver suffisamment de groupements pour expérimenter et voir ce qui bloque, a précisé José Caire, directeur villes et territoires durables de l'Ademe, auditionné, le 27 mars dernier, par la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique. Nous accompagnerons cela d'une étude permettant de concevoir et de dimensionner un fonds de garantie pour ces opérateurs ensembliers. Après, il faudra du temps pour expérimenter le fonctionnement de ces groupements sur des cas réels, avant de généraliser et, le cas échéant, d'actionner la réglementation. »
Franck Annamayer, président de Sonergia, a déjà annoncé vouloir se porter candidat à cette expérimentation, avec notamment l'association Soliha (Solidaires pour l'habitat). Les deux partenaires coordonnent le projet européen Concerto Rénov, retenu fin 2022 par la Commission européenne dans le cadre du programme Life. Leur projet, de trois ans, a pour but de faciliter les démarches des particuliers pour rénover énergétiquement leur habitation en les accompagnant depuis le diagnostic énergétique initial jusqu'au suivi des économies d'énergie post-travaux. « L'idée est que le modèle d'opérateur ensemblier aide les dispositifs MaPrimeRenov' et les certificats d'économies d'énergie (CEE) à évoluer vers du financement proportionnel aux économies réelles (générées par les travaux effectués), sans réduire leur importance », plaide notamment Franck Annamayer.
Une autre piste pour massifier l'offre de rénovation énergétique des logements est avancée par l'Ademe. Elle concernerait la création d'un « contrat de rénovation », notamment en maison individuelle, qui intègrerait la garantie de performance énergétique. « Souvenons-nous de l'apparition, au début des années 1990, d'un contrat de construction de maison individuelle comportant la garantie d'un délai, d'une qualité et d'un prix. Il faudrait transposer cette façon de faire à la rénovation », a aussi évoqué José Caire devant les sénateurs.