La mission d'information parlementaire sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate a publié, le 15 décembre, son rapport final. Et les conclusions sont plutôt positives, à rebours des nombreuses critiques regrettant un recul de la part du Gouvernement sur une sortie définitive du glyphosate fin 2020. « Le volume de glyphosate utilisé a commencé de diminuer, le nombre d'[autorisations de mise sur le marché (AMM)] a été fortement réduit et les rapporteurs qui, depuis deux ans, auditionnent différents acteurs du monde agricole, ont senti l'évolution des mentalités et un état d'esprit positif », soulignent les deux rapporteurs, Jean-Baptiste Moreau (LREM, Creuse) et Jean-Luc Fugit (LREM, Rhône). Ils préconisent d'améliorer encore la remontée des données sur l'utilisation du glyphosate, d'accroître le soutien aux agriculteurs et d'inscrire la sortie du glyphosate dans une démarche européenne.
Une baisse amorcée ?
En 2018, les ventes de glyphosate à usage agricole avaient augmenté à 9 716 tonnes. En 2019, ce volume a baissé de 37 %, pour atteindre 6 067 tonnes, constate la mission. Soit le niveau le plus bas depuis 2009. « Ces données ne renseignent néanmoins pas sur l'usage effectif de la substance, notamment par type de culture, d'où la proposition réitérée des rapporteurs de créer une plateforme nationale d'enregistrement des produits phytopharmaceutiques utilisés, dans la continuité du registre aujourd'hui utilisé par chaque exploitant ».
Cependant, les rapporteurs constatent que l'indicateur du nombre de doses unités (Nodu) de produits vendus a suivi la même tendance en 2019 (-35 % par rapport à 2018). « La baisse des ventes du glyphosate dans les mêmes proportions que la baisse du Nodu laisse supposer qu'il n'y a pas eu de remplacement du glyphosate par d'autres substances actives », analysent-ils.
En parallèle, l'agence de sécurité sanitaire (Anses) n'a pas renouvelé les AMM pour les usages pour lesquels des alternatives existent. « Une réduction de 60 à 80 % des quantités utilisées est attendue. Les quantités maximales autorisées à l'hectare des usages qui demeureront autorisés seront réduites », soulignent les rapporteurs. En effet, pour la viticulture, l'arboriculture, les grandes cultures ou la forêt, certains usages sans alternative crédible pourront être maintenus, sous certaines conditions. Pour poursuivre dans cette voie, « les rapporteurs demandent que les AMM délivrées en 2020 par l'Anses puissent être revues d'ici 2022 en cas d'élément scientifique nouveau ou de découverte d'une nouvelle alternative ».
Accroître et pérenniser les soutiens aux agriculteurs
L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a évalué, pour plusieurs filières, les surcoûts liés à une sortie du glyphosate. Ces coûts pèseront « lourdement sur les exploitants dont l'équilibre économique est souvent précaire, estiment les rapporteurs. L'adaptation des pratiques agricoles, qui peut durer plusieurs années selon la filière concernée, rend souvent nécessaire d'embaucher ou de former la main d'œuvre, d'acquérir de nouveaux équipements et de réaménager les exploitations », indiquent-ils.
Ils saluent l'annonce, par le Gouvernement, de nouveaux soutiens pour les agriculteurs s'engageant à se passer de glyphosate via un crédit d'impôt, pour l'achat d'équipements performants ou encore pour les exploitations atteignant le plus haut niveau de la haute valeur environnementale (HVE). Ils demandent à ce que le soutien à l'acquisition de matériel soit étendu au marché de l'occasion et souhaitent qu'un crédit d'impôt soit mis en place en 2023. « Le coût économique de la sortie du glyphosate continuera de peser sur les exploitations agricoles au-delà de 2022. [Le nouveau crédit d'impôt] pourrait être calculé à partir de la perte annuelle d'excédent brut d'exploitation des entreprises agricoles, de manière à compenser au plus près les surcoûts pesant sur chaque exploitation », expliquent-ils.
Pour éviter toute distorsion de concurrence avec les agriculteurs européens, la France devra soutenir, au niveau européen, une généralisation de l'interdiction du glyphosate dès lors qu'il existe des alternatives crédibles. « Cette interdiction doit s'accompagner d'un renforcement des aides européennes en faveur de la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Dans le cadre des négociations qui vont désormais pouvoir s'ouvrir sur la prochaine [politique agricole commune (PAC)], la réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques devra constituer un objectif prioritaire ».