"L'industrie du recyclage en France occupe moins de trente-mille personnes à temps plein et le développement de cet emploi est contrarié par un certain nombre de facteurs qui pèsent à la fois sur l'amont, sur l'aval et sur la position compétitive du territoire français dans la filière." Tel est le constat dressé par un rapport officiel sur l'industrie du recyclage en France (1) qui propose de "changer de dimension pour créer des emplois". Les auteurs avancent que "ce défi peut être relevé, davantage toutefois par une approche globale de la filière que par une panoplie de mesures favorisant le recyclage de produits particuliers".
Le document, remis en septembre 2013 aux ministres de l'Ecologie, Philippe Martin, et du Redressement Productif, Arnaud Montebourg, et publié fin décembre, propose 18 recommandations à mettre en œuvre dès 2014, pour la plupart d'entre elles.
Globalement, le recyclage relève de l'économie circulaire de manière "très générale" car, en réalité, il "n'est guère circulaire et possède comme la plupart des autres industries un amont et un aval". Or, aujourd'hui, l'amont comme l'aval souffrent de difficultés qui dégradent la compétitivité du recyclage français et limitent la création d'emplois.
BTP, mise en décharge et REP pointés du doigt
"En amont, trop peu de déchets vont au recyclage", déplore le rapport qui souligne que "la recyclabilité théorique ne garantit pas le recyclage effectif et des déchets qui pourraient être recyclés finissent très souvent en décharge ou incinérés, ces deux modes de traitement nécessitant bien moins d'emplois que le recyclage".
Pour les rapporteurs, les déchets du BTP qui représentent "le plus grand potentiel de recyclage encore largement inexploité" constituent la priorité. Aussi, la première recommandation formulée vise à "engager une réflexion avec la profession du bâtiment et des travaux publics pour accroître significativement le recyclage des déchets produits par cette profession". Dans ce cadre, les pistes à privilégier sont : l'intégration d'un volet de recyclage de chantier dans des schémas régionaux de carrière, des incitations à la démolition sélective, l'encouragement à la réutilisation des matériaux inertes entre chantiers urbains concomitants, l'abolition du compte prorata (2) pour la gestion des déchets de chantiers, une évaluation du dispositif des diagnostics déchets avant démolition et des formulaires de recollement, et l'introduction d'une rubrique sur la destination des déchets produits dans les déclarations d'achèvement des chantiers importants.
Autre problème, la mise en décharge "est encore trop peu coûteuse et forme donc dans bien des cas une solution de facilité économique". Le rapport suggère donc, de décourager la mise en décharge par une interdiction d'enfouissement pour les principaux flux de matière recyclable, une forte augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) touchant l'enfouissement, et une révision à la baisse ou une suppression des modulations de cette taxe.
Enfin, les éco-organismes des filières de responsabilité élargie du producteur (REP) "ne visent pas toujours à optimiser le recyclage", constatent les fonctionnaires de Bercy et Roquelaure. Pour améliorer la situation deux mesures sont proposées : l'extension de l'obligation d'agrément à tous les éco-organismes des filières REP et l'inclusion d'objectifs à atteindre en matière de réemploi, réutilisation et recyclage dans les cahiers des charges de tous ces éco-organismes. Mention spéciale pour la REP déchets d'emballages, dont le périmètre devrait être étendu à tous les déchets d'emballages ménagers et aux emballages professionnels comparables.
Encourager l'usage des matières recyclées
Côté aval, le rapport dénonce un intérêt "encore trop faible" pour les matières recyclées. "Les interdictions d'utilisation de matière recyclée demeurent et sont le plus souvent injustifiées", regrettent les auteurs ajoutant qu'"à l'inverse, l'exigence d'emploi de matières recyclées est encore rare dans les cahiers des charges".
Les auteurs regrettent en particulier que les industriels ne communiquent pas sur l'incorporation de matières recyclées dans leurs produits. Ils recommandent donc d'étiqueter certains produits afin d'afficher le pourcentage de matière recyclée dans le produit ou dans son emballage. L'agro-alimentaire pourrait donner l'exemple et l'automobile pourrait faire l'objet d'"une norme obligatoire de publication (…) de leur utilisation de matière recyclée". De même, la norme NF environnement pourrait être améliorée en introduisant ou renforçant le critère d'utilisation de matières recyclées dans les référentiels de certification. Certains secteurs (automobile, papiers, verre, ameublement en particulier), pourraient faire l'objet d'"une réflexion (...) sur l'intérêt et la faisabilité des obligations d'incorporation de matières recyclées". Dans la même veine, les interdictions d'utilisation de matière recyclée "doivent devenir exceptionnelles" et les obligations d'utilisation de matière recyclée doivent être développées dans la commande privée comme publique.
Le troisième problème de l'aval est la libre circulation des déchets non dangereux, dont le principe n'est pas remis en cause dans le rapport, qui crée "le paradoxe d'une éco-industrie mondiale qui recourt abondamment aux transports, et souvent aux installations de traitement peu respectueuses de l'environnement ou des conditions de travail". Pour y remédier, les auteurs suggèrent d'introduire dans le cahier des charges des éco-organismes une clause favorisant le recyclage de proximité, par le biais d'une rémunération plus favorable. Par ailleurs, ils proposent que l'Union européenne mette en place une certification obligatoire des installations de traitement de déchets non dangereux exportés hors de l'Union, afin d'assurer la conformité de ces installations aux principes environnementaux et sociaux de l'Union.