"Nous arrivons à la fin de la résilience de cette filière de production de l'électricité. Avec un prix de marché durablement bas, nous sommes aujourd'hui à la limite pour notre outil de production", a indiqué Anne Pénalba, présidente de France Hydro Electricité, lors de la présentation à la presse du livre blanc de l'hydroélectricité, le 27 juin.
En vue de la prochaine loi des finances, ce syndicat professionnel représentant la petite hydroélectricité, associé à l'Union française de l'électricité (UFE) et au syndicat des énergies renouvelables (SER), fait ses doléances pour la filière hydroélectrique. Insistant sur le "rôle pivot" de ce mode de production dans le système électrique français, ces acteurs rappellent que "le parc existant est à préserver". Or, avec la baisse des prix de l'électricité et la hausse des taxes locales "qui atteignent un tiers du prix de marché", la filière est difficilement en mesure d'engager les investissements nécessaires à une exploitation optimale du parc de production. "La flexibilité et le stockage sont des atouts maîtres de l'hydroélectricité. On ne pourra pas engager la transition énergétique si elle n'est pas capable d'assurer ce rôle là", souligne Anne Pénalba.
Exonérations et mécanismes de soutien stables
Ces acteurs demandent une réorientation des choix économiques et de la fiscalité pour inciter au maintien et au développement de la filière. Ils plaident notamment une exonération de la taxe foncière sur les aménagements destinés à répondre aux enjeux de biodiversité et de continuité écologique, comme les passes à poisson par exemple. "Il faut alléger la fiscalité sur les installations existantes et faciliter l'émergence de nouveaux projets avec une exonération de la taxe foncière pendant dix ans", précise Anne Pénalba.
La filière souhaite également une stabilité des mécanismes de soutien. Cela passe par la pérennisation des appels d'offres pour les installations de plus de 1 MW, prévus aujourd'hui pour une période de trois ans. La mise en place d'un mécanisme de soutien pour la rénovation des centrales situées entre 1 et 4,5 MW est également demandée, comme il en existe pour les centrales de moins d'un mégawatt. Enfin, l'hydroélectricité nécessite l'application du principe de certificat de projet, estime Anne Pénalba, qui permet de "figer la réglementation" au démarrage du projet.
"Il est également nécessaire de rémunérer les services rendus au système électrique" tels que le stockage et le flexibilité, note Jean-Louis Bal, président du SER. "La PPE [programmation pluriannuelle de l'énergie] a pour objectif de construire 1 à 2 GW de STEP [stations de transfert d'énergie et de pompage], il nous paraît important de lancer des appels d'offres en l'absence de réel modèle économique pour ces installations", ajoute-t-il. Pour préserver le parc de STEP existantes, la filière défend une exonération de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et une adaptation du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe). Enfin, une hausse du prix du CO2 permettrait de favoriser les modes de production décarbonés, dont l'hydroélectricité, rappelle Jean-Louis Bal.
La continuité écologique dans le collimateur
La filière souhaite également une plus grande cohérence entre les différentes politiques publiques : "La révision de la directive cadre sur l'eau (DCE) doit être l'occasion de concilier politiques énergétique, environnementale et économique", analyse Christine Goubet-Milhaud, présidente d'UFE. Le parc de production actuel produit 67 TWh/an et pourrait être complété par 11,7 TWh supplémentaires "mais les deux tiers sont bloqués par des réglementations environnementales", et notamment la loi sur l'eau, indique Anne Pénalba. La politique de l'hydroélectricité devrait être placée entièrement sous la tutelle de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), estiment ces acteurs. Ils souhaitent par ailleurs une évaluation d'impacts économique et énergétique de l'ensemble des mesures environnementales prises et de la politique de continuité écologique, sur des bases scientifiques et raisonnées.
Selon eux, la gouvernance de l'eau, qui incombe aujourd'hui à de multiples instances, conduit à une inflation des normes. Une meilleur hiérarchisation et coordination permettrait d'éviter cette dérive. Enfin, la filière regrette la "mise en sommeil" de la Convention pour le développement d'une hydroélectricité durable à l'échelle nationale. Au niveau local, la mise en place de conférences de projets pilotées par le préfet permettrait une meilleure concertation entre les acteurs.