
''Tout ou partie du surplus énergétique véhiculé dans les réseaux d'eaux usées peut être récupéré'', a rappelé Serge Soleilhavoup, de la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement (DREAL) du Limousin, à l'occasion d'une journée technique de l'Office international de l'eau. Avec une température comprise entre 15 et 20°C toute l'année, les effluents peuvent être sources de chaleur via notamment l'installation d'une pompe à chaleur (PAC) ou d'électricité via la valorisation de leur énergie cinétique.
Plusieurs techniques existent ''comme le remplacement des brise-charge par des turbines hydrauliques ou le pompage de la chaleur des effluents des réseaux'', a expliqué M. Soleilhavoup. Mais avant ''toute réflexion sur la récupération'' des eaux usées, le problème des fuites, qui peuvent atteindre 15 à 20%, ''doit être traité'', a-t-il prévenu, permettant un véritable gain énergétique. Des économies sont également possibles au niveau des stations d'épuration (STEP). D'autant qu'un cinquième de la consommation d'électricité d'une commune est dédiée à ces installations. Alors comment tendre vers une STEP énergétiquement autosuffisante et consommer '' moins et mieux'' ?
Optimiser l'efficacité énergétique des STEP
''Une réduction de 75% des dépenses d'exploitation (sur 20 ans de la STEP) pourrait être réalisée grâce aux optimisations énergétiques sur les différents postes de consommation (pompage, production et distribution d'air,…)'', a précisé Pavel Chuboda de Veolia Eau Europe.
Des améliorations techniques sur ces postes ont notamment été opérées sur plusieurs grandes STEP exploitées par le groupe basées à Prague (en République Tchèque) de capacité supérieure à 100.000 Eh (Equivalent habitant). Résultats : la mise en place de soufflantes moins énergivores, dans la STEP de Pest-South, a permis de diviser de près de deux la consommation d'énergie passant de 8.800 kWh/j (kilowattheure par jour) à 4.800 kWh/j.
Tandis que la STEP de Pest-North a vu ses centrifuges (consommant initialement 5.670 kWh/j) remplacer par une table d'égouttage consommant désormais 600 kWh/j pour un investissement de 260.000 euros.
Outre le renouvellement intelligent du matériel, d'autres techniques existent pour optimiser les procédés d'épuration comme l'utilisation de capteurs de mesure en ligne adaptés. En mesurant le nitrate (NO3) et l'ammonium (NH4), ces capteurs régulent l'aération des installations de traitement en fonction des besoins, pouvant conduire à des économies d'électricité de 5 à 10 % au minimum.
Produire la propre EnR des STEP
Des optimisations peuvent aussi être réalisées sur la production d'énergie in situ de la STEP, souligne Pavel Chuboda de Veolia. A l'instar de la méthanisation des boues qui permet d'en réduire le volume et de produire du biogaz.
Le groupe Veolia a ainsi optimisé le rendement de digestion anaérobie et la production de l'énergie à partir des boues des 21 STEP d'Europe de l'Ouest et centrale. Celles-ci génèrent désormais au total 93,3 millions de m3 de biogaz par an pour une capacité installée de 36 mégawatts (MW). Alors que ces STEP consomment 280 GWh/an (gigawattheure par an d'électricité), elles en produisent 150 GWh/an, a précisé Pavel Chuboda.
L'une des pratiques appliquées est la co-digestion de biodéchets (résidus de cuisine, déchets de produits laitiers boisson,..), conduisant à une augmentation de la production de biogaz et d'électricité. Par exemple sur la STEP de Pest-South, la co-digestion a permis de produire 3 fois plus de biogaz tandis que sur la STEP de Gera, la production d'électricité est passée de 1,8 à 2,7 GWh par an.
Autre solution développée dans la STEP de Pilsen à Prague : le passage d'une digestion mésophile (37°C) en digestion thermophile (55°C), ce qui a permis d'accroître les productions de biogaz et de l'électricité de 30%. En même temps, différentes optimisations de la consommation d'énergie ont été réalisées (pompes, soufflantes, régulation, moteurs,…) permettant ''d'atteindre les niveaux d'autosuffisance énergétique de 80-90%'', a-t-il ajouté.
D'autres sources d'énergie renouvelable (panneaux solaires photovoltaïques, micro-turbines hydro-électriques, PAC, voire éoliennes …) peuvent équiper les STEP. Mais ces EnR présentent des ''limites de production et d"utilisation'', a prévenu Bruno Portero, chargé des formations et des études à l'Office international de l' eau, notamment le solaire photovoltaïque. Il s'agit d'une ''énergie difficile à stocker'' d'autant qu'il est nécessaire de disposer de batteries et d'accumulateurs ''chers et encombrants'', selon M. Portero. La production PV est aussi sujette aux ''aléas climatiques'' et est seulement de jour sans compter ''le coût de déconstruction des panneaux '', a-t-il expliqué, et la baisse du tarif d'achat… Si la mise en place d'éoliennes est par ailleurs un complément aux STEP ''intéressant pour des puissances de 50 kW'', cela nécessite néanmoins un investissement "important" et ''des démarches administratives pour l'implantation lourdes'', selon lui.