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AccueilStéphanie DujardinQuel point de départ de la prescription dans le contentieux consécutif au moratoire photovoltaïque ?

Quel point de départ de la prescription dans le contentieux consécutif au moratoire photovoltaïque ?

Quel évènement marque le début du délai de prescription dans le contentieux qui suit le moratoire PV ? Le décret de fin 2010 ? Le courrier d'ERDF aux producteurs ? L'arrêté de mars 2011 fixant les nouveaux tarifs d'achat d'électricité ? Eléments de répon

Publié le 04/01/2016
Environnement & Technique N°355
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°355
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L'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 instituant un moratoire de trois mois sur l'obligation d'achat d'électricité produite par les installations photovoltaïques, suivi de l'arrêté du 4 mars 2011 fixant les nouvelles conditions d'achat de cette électricité a généré un contentieux  de masse devant le juge consulaire et, dans une moindre mesure, devant le juge administratif.
De nombreux producteurs d'électricité photovoltaïque, particuliers ou sociétés ayant un projet de production - perdant le bénéfice du tarif d'achat d'électricité qu'ils pensaient avoir acquis avant le moratoire - ont, en effet, engagé une procédure devant les tribunaux de commerce aux fins de se voir indemniser leur préjudice sur le fondement de la faute commise par le gestionnaire de réseau constituée par le traitement tardif de leur demande de raccordement.

D'autres producteurs ont attaqué directement la légalité du décret du 9 décembre 2010 en demandant son annulation devant le juge administratif. Après avoir jugé légale la suspension de l'obligation d'achat (CE, 16 novembre 2011, société Ciel et Terre), le Conseil d'État a, récemment, retenu que la suspension de l'obligation d'achat d'électricité solaire photovoltaïque n'était pas constitutive d'une responsabilité de l'État (CE 25 septembre 2015, société Planet Bloo).

Les procédures judiciaires engagées par les producteurs d'électricité à l'encontre du gestionnaire de réseau ont, en revanche, donné de meilleurs résultats. En effet, par un arrêt du 9 juin 2015, la Cour de cassation a, non seulement, confirmé que le non respect du délai de transmission de l'offre de raccordement par ERDF était constitutif d'une faute, mais également, validé l'évaluation faite, par les juges du fond, du quantum du préjudice. Pour mémoire, la Cour d'appel de Versailles a jugé, le 11 février 2014, que le préjudice était indemnisable à hauteur de 80% des sommes demandées au titre de la "perte de l'espérance légitime" de bénéficier d'un tarif d'achat plus avantageux.

Les tribunaux de commerce saisis d'un recours indemnitaire par les producteurs d'électricité photovoltaïque sont, ainsi, désormais en mesure de se prononcer sur la solution des litiges et plus précisément sur la juste indemnisation de chaque producteur lésé. L'action indemnitaire sera, en revanche, bientôt irrecevable à l'égard des producteurs, des particuliers ou, encore, des sociétés agricoles s'estimant lésés mais n'ayant pas, à ce jour, introduit d'action en justice. Les termes de l'article 2224 du Code civil sont, à cet égard, très clairs : "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". Dit autrement, le justiciable dispose d'un délai de cinq ans à compter de la révélation du dommage pour agir en justice.

Dernier délai pour les recours

Quel est, alors, dans le cadre de ce litige, le point de départ de la prescription et plus précisément quel est "le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer" ? La publication du décret moratoire du 9 décembre 2010 (l'action serait, dès lors, d'ores et déjà prescrite) ? Le courrier d'ERDF informant les producteurs, particuliers ou sociétés qu'ils devaient déposer une nouvelle demande de raccordement ? L'arrêté du 4 mars 2011 fixant les nouveaux tarifs d'achat d'électricité d'origine solaire ?
Il convient ici de souligner, qu'en matière de prescription, le juge saisi apprécie souverainement le moment auquel il estime que la victime d'une faute a eu connaissance des faits lui permettant d'engager une action ou "aurait dû connaître" ces faits. Cette question a, d'ailleurs, suscité un important contentieux dont il apparaît difficile de tirer un principe général1.

La détermination du point de départ de la prescription relève donc, in fine, de l'appréciation souveraine des juges. Dès lors, il ne serait pas surprenant que cette question, appliquée au contentieux moratoire photovoltaïque fasse, à elle seule, l'objet de débats devant le juge consulaire. Néanmoins, il est d'ores et déjà possible d'anticiper l'issue de ces débats et d'arguer en faveur d'un point de départ de la prescription au détriment d'un autre. Il s'agit, tout d'abord, de définir ce qui constitue, en l'espèce, le dommage subi par les producteurs, personnes et sociétés projetant de le devenir, pour ensuite déterminer le moment où ils ont eu ou auraient dû avoir connaissance des faits leur portant préjudice. Au regard du contentieux en cours devant les tribunaux de commerce, il est évident que le dommage est constitué par la baisse du tarif d'achat d'électricité créant, pour certains, un différentiel de gains très substantiel entre le tarif d'achat promis et le tarif appliqué voire remettant totalement en cause, pour d'autres, la viabilité économique de leur projet.

Le décret du 9 décembre 2010 pouvait-il permettre aux producteurs ou futurs producteurs d'électricité d'anticiper le préjudice qui allait en découler ? Le décret moratoire prévoit, en substance, que l'obligation d'achat d'électricité photovoltaïque est suspendue pendant une période de trois mois et qu'à l'issue de cette période, une nouvelle demande de raccordement devra être déposée. La seule lecture du décret permettait, donc, aux producteurs ou futurs producteurs d'électricité de comprendre que la demande de raccordement qu'ils avaient déposée avant le moratoire était caduque, s'ils n'avaient pas accepté la proposition technique et financière de raccordement avant le 2 décembre 2010. Toutefois, à considérer que ces derniers pouvaient en déduire (ce qui n'était pas évident) que le tarif d'achat qui leur avait été promis au moment de leur première demande allait nécessairement baisser, avaient-il réellement, à cette époque, un fondement pour introduire une action en justice ? C'est loin d'être certain dans la mesure où la démonstration de l'existence d'un préjudice réparable implique d'apporter, notamment, la preuve d'un dommage direct, certain et actuel. Ce qui n'était pas le cas.

Seul l'arrêté du 4 mars 2011 fixant les nouvelles conditions d'achat de l'électricité d'origine solaire et partant, les nouveaux tarifs d'achat de cette électricité - revus nettement à la baisse - a permis d'établir l'ampleur du préjudice tout en lui donnant un caractère certain et actuel.
La publication, le 5 mars 2011, de cet arrêté semble, ainsi, marquer le point de départ de la prescription de l'action en justice des producteurs, particuliers et sociétés lésés. Autrement dit, ceux qui n'ont pas encore introduit de recours devant le juge consulaire ont jusqu'au 5 mars 2016 pour le faire, après quoi, leur action sera jugée irrecevable car prescrite.

1 Rapport annuel de la Cour de Cassation, Le temps, La Documentation française, 2014.

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