Alors que les travaux de révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sont en cours, le Commissariat général au développement durable (CGDD) s'est penché sur les solutions de stockage d'électricité. L'arrivée de gros volume d'électricité renouvelable sur le réseau dans les années à venir va rendre la question de la variabilité de la production prépondérante. Ces énergies représenteront entre 28 et 31% de la production d'électricité à l'horizon 2023. Or, en France, les productions éoliennes sont maximales les mois d'hiver, alors que les productions photovoltaïques le sont en été. La demande d'électricité fluctue également avec des cycles journaliers, hebdomadaires et saisonniers (pointe de consommation en hiver).
Le CGDD a donc réalisé un panorama des possibles en matière de stockage qui servirait à gérer l'équilibre offre-demande. Il en conclut qu'"au vu des évolutions technico-économiques projetées (progrès techniques, coûts, etc.), les batteries pourraient fournir une solution intéressante pour traiter les fluctuations journalières ; les réservoirs hydrauliques (STEP) pour les fluctuations hebdomadaires". Au regard du profil français avec ses pics de conso en hiver, le duo éolien-STEP sort grand gagnant de ces réflexions.
Un gisement de 0,8 à 1,5 GW à horizon 2030
Le principe des STEP est simple. Lorsque la production électrique est excédentaire, elle sert à pomper de l'eau d'un réservoir aval à un réservoir amont. Lorsque la demande d'électricité est forte, cette eau est turbinée pour produire de l'électricité. A l'heure actuelle, les STEP représentent 7 TWh de stockage en France soit 1,5% de la consommation annuelle. Une étude de l'Ademe de 2013 concluait déjà à l'intérêt de développer les STEP : "Les stations de transfert d'énergie par pompage semblent ainsi un bon compromis entre des coûts d'investissement raisonnables, une bonne capacité de stockage d'électricité et la possibilité de cycler régulièrement au cours de l'année afin de trouver une rentabilité suffisante". Le gisement potentiel additionnel était évalué entre 0,8 GW et 1,5 GW à horizon 2030, en France métropolitaine. Un développement de ces stations est d'ailleurs prévu par la PPE 2018-2023 : 1 à 2 GW supplémentaires d'ici 2030 (métropole et Dom-Tom) soit entre 2 et 4 TWh supplémentaires. Reste à savoir où les installer, le nombre de sites étant limité.
La région PACA évalue son potentiel
En métropole, certaines régions ont commencé à s'intéresser à ce sujet. L'observatoire régional de l'énergie, du climat et de l'air de Provence-Alpes-Côtes-d'Azur (Oreca) a publié en octobre 2017 une évaluation du potentiel de stockage par STEP sur son périmètre. Il a réalisé un inventaire du potentiel notamment parmi les centrales hydroélectriques existantes. En PACA, seul le barrage de Sainte-Croix posé sur le Verdon possède déjà une turbine réversible par exemple. L'Oreca a ensuite identifié les centrales possédant déjà un réservoir (pour limiter les investissements). Sept centrales d'une puissance globale de 87 MW ont été sélectionnées. 58,9 millions d'euros seraient nécessaires pour les équiper d'une STEP. Problème : elles sont toutes en concession. Ce qui constitue un point juridiquement sensible à l'heure de leur renouvellement.
Autre problème soulevé : alors que les installations d'ENR sont le plus souvent raccordées sur le réseau de distribution, ces centrales sont branchées sur le réseau de transport et sont situées loin des centres de production ENR. "Cela se traduira par des pertes dans les transformateurs de tension et dans les lignes qui diminueront encore le rendement du cycle pompage-turbinage, ce qui pourrait conduire à renforcer les lignes", s'inquiète l'Oreca. L'observatoire a d'ores et déjà prévu d'étudier le potentiel de mini-STEP réparties sur le territoire. Une synergie avec les besoins d'irrigation, de production de neige ou de soutien d'étiage pourrait émerger et améliorer un bilan économique encore incertain.
Bientôt un soutien public dans les ZNI
A l'heure actuelle, les prix de l'électricité sont trop bas pour garantir que le coût du pompage en période creuse soit moins élevé que le prix de vente en période de pointe. Pour l'Oreca, "la seule solution serait le lancement d'un appel d'offres par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) permettant aux investisseurs de demander un prix d'achat de l'électricité prenant en compte tous les coûts".
Sur ce sujet, les réflexions avancent surtout pour les zones non interconnectées (ZNI) comme la Corse et les Dom-Tom. Des appels d'offres pour la construction de centrales solaires assorties de stockage ont déjà été lancés. Sachant que la loi de transition énergétique a fixé un objectif de 50% d'ENR dans ces îles d'ici 2020, la CRE en a fait une priorité. Mais les STEP ne sont pas les solutions retenues. Comme le rappelle le CGDD, les batteries sont une solution plus intéressante pour traiter les fluctuations journalières du photovoltaïque.
Pourtant, ces îles pourraient être un terrain de développement intéressant pour les STEP au regard de leur relief. Des projets ont d'ailleurs été imaginés à la Réunion et en Guadeloupe. Il s'agirait alors de STEP marine. Un réservoir serait construit sur les hauteurs pour créer une chute d'eau turbinable. Pour l'instant, aucun projet n'a vu le jour et le développement des STEP n'est pas inscrit dans les PPE de ces deux îles. Mais cela pourrait évoluer. La loi LTE a ouvert la voie au financement d'installations de stockage d'électricité pilotées par le gestionnaire de réseau (GRD). La CRE a créé un guichet de saisine unique assurant une mise en concurrence et un classement de l'ensemble des projets : 46 dossiers sont entre ses mains (9 en Corse, 10 en Guadeloupe, 7 en Guyane, 8 en Martinique et 12 à la Réunion) déposés par onze porteurs de projets représentant la diversité des acteurs de l'énergie dans les ZNI. Et plusieurs comportent des projets de STEP, qui pourraient voir le jour dans les mois à venir.