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Actu-Environnement

Les activités humaines influent plus que prévu sur le stockage de carbone par les écosystèmes forestiers

Une équipe de l'Inra de Bordeaux vient de démontrer que l'exploitation des forêts et les émissions anthropiques d'azote influencent la capacité des forêts à stocker le carbone atmosphérique et par conséquent leur rôle de puits de carbone.

Gouvernance  |    |  F. Roussel
Comme tous les végétaux, les arbres captent du carbone atmosphérique à travers la photosynthèse, l'incorporent dans les matières organiques pour leur croissance. Inversement, ils rejettent du carbone par leur respiration et indirectement par la décomposition de la matière organique qu'ils apportent au sol (débris, feuilles mortes, racines mortes, etc.). Diverses études ont démontré que pour les écosystèmes forestiers, le bilan de ces flux entrants et sortants se traduit généralement par une fixation nette de carbone ce qui place les forêts au cœur de la problématique du climat, à travers leur rôle de puits de carbone.
Cependant, les flux gazeux entre les arbres et l'atmosphère varient suivant de nombreux paramètres qui font l'objet de recherches afin d'évaluer le plus précisément possible les réelles capacités de stockage des écosystèmes forestiers. Plusieurs études ont par exemple démontré l'influence des fortes températures et des sécheresses qui auraient tendance à favoriser les émissions de CO2 par les forêts mais aussi plus récemment l'influence de la latitude : seules les forêts tropicales auraient des effets très bénéfiques contre les changements climatiques*. Les chercheurs de l'INRA de Bordeaux, en association avec des laboratoires du projet européen CARBOAGE/CARBOEUROPE** et leurs homologues américains du réseau Fluxnet viennent d'apporter de nouvelles données. Selon leurs travaux, les activités humaines influeraient de façon importante sur la fixation nette de carbone, essentiellement par l'exploitation de la forêt et l'apport d'azote dans l'air et les sols.

Les chercheurs européens ont cherché à connaître les impacts des perturbations naturelles (incendies, tempêtes) ou anthropiques (coupe du bois) sur la capacité des forêts à stocker le carbone. Pour cela, ils ont mesuré les flux de carbone pour plusieurs essences européennes : pin maritime, épicéa, chênes, pins sylvestres pendant des cycles de vie de 20 à 50 ans, correspondant à la fréquence des coupes et des incendies. Résultat, la capacité de stockage des forêts varie en fonction de l'âge des arbres mais aussi des perturbations. Au cours du cycle de vie, la fixation nette de carbone décrit une courbe en forme de « S », en partant de valeurs négatives. En effet, après la coupe ou les incendies, la forêt rejette du carbone du fait de la minéralisation des débris organiques laissés au sol, rejet que ne compense pas la fixation de carbone par les jeunes arbres, ce qui donne un bilan négatif. La fixation nette de carbone devient positive au bout d'un laps de temps variable, de 2 à 10 ans pour les essences à croissance rapide comme le pin maritime, à plusieurs dizaines d'années pour certaines forêts boréales. Enfin, la fixation nette diminue lorsque les arbres vieillissent.
En regroupant leurs résultats avec ceux obtenus par des équipes américaines sur un ensemble de 15 écosystèmes différents, les chercheurs ont évalué la valeur moyenne de fixation nette de carbone au cours d'un cycle de vie complet d'une forêt : cette valeur moyenne serait égale à 56% des valeurs maximales de fixation de la forêt adulte.

En se basant sur cette valeur de fixation moyenne destinée à se soustraire de l'influence de l'âge de la forêt, les chercheurs de l'Inra ont pu étudier l'influence d'autres paramètres tels que la température ou les précipitations. C'est ainsi que les chercheurs ont montré l'importance d'un nouveau paramètre, à savoir la quantité d'azote apportée par voie atmosphérique. Ils ont en effet observé une corrélation positive entre la fixation nette de carbone calculée sur un cycle de vie entier et la quantité annuelle moyenne de dépôts azotés atmosphériques calculée sur les différents sites expérimentaux. Ces dépôts azotés atmosphériques proviennent des rejets automobiles, industriels et agricoles. Ils parviennent aux plantes sous forme de gaz ou en solution dans l'eau de pluie et les brouillards.
Les chercheurs avancent même l'hypothèse que cet apport extérieur d'azote pourrait être l'une des causes principales de la fonction de puits de carbone des forêts dans l'hémisphère Nord. En effet, les scientifiques rappellent que chez les végétaux l'azote est nécessaire à la synthèse des protéines et favorise la photosynthèse. Or, les sols des forêts sont en général pauvres en azote qui constitue donc un facteur limitant pour la croissance des arbres. L'apport additionnel d'azote d'origine humaine permettrait par conséquent l'augmentation de la fixation nette de carbone et son accumulation dans la biomasse, notamment le bois, et le sol.

Ainsi, il semblerait que le rôle de puits de carbone joué par les écosystèmes forestiers soit bien plus complexe que prévu. Le risque de surestimer ce rôle dans les modèles climatiques est donc bien réel. Rappelons également que la notion de puits de carbone a été intégrée dans le protocole de Kyoto au titre de la compensation des émissions et peut donner lieu à des crédits carbone. La bonne connaissance des phénomènes biologiques et la fiabilité des calculs du CO2 stocké sont donc des problématiques majeures qui risquent de ressurgir lors des négociations sur l'après Kyoto.


* Étude parue le 9 avril 2007 à l'Académie américaine des sciences (Pnas), 10 avril 2007.
**CARBOAGE (5eme programme-cadre) et sa suite, le projet CARBOEUROPE développé dans le cadre du 6ème programme-cadre ont pour but de quantifier les échanges de gaz carbonique en Europe et de déterminer leurs effets à l'échelle du continent. Ils impliquent 190 scientifiques, 69 instituts de recherche de 15 pays européens ainsi que le Brésil et la Russie.

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