Lundi 22 janvier, le ministère de la Transition énergétique a publié le premier suivi de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Pour l'instant, la France ne parvient pas à atteindre les objectifs qu'elle s'est fixée. En 2016, les émissions de CO2 françaises ont dépassé de plus de 3% la cible fixée fin 2015, sur la base des chiffres de 2013. La forte progression des investissements attendue pour réduire les émissions de CO2 n'est pas au rendez-vous. Deux secteurs sont particulièrement en retard : les transports et le bâtiment. Les politiques mises en œuvre dans ces domaines "nécessitent des renforcements très substantiels pour atteindre l'ambition voulue", prévient le ministère de la Transition écologique.
Ce suivi s'appuie sur un tableau de bord de 184 indicateurs et une revue régulière de la prise en compte des recommandations de la SNBC. Il est publié alors que le gouvernement veut réviser la stratégie d'ici la fin de l'année. La nouvelle trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre visera la neutralité carbone à l'horizon 2050, conformément aux engagements du Plan climat gouvernemental.
Quatorze milliards d'euros manquent à l'appel
Le suivi des indicateurs de résultat montre que les émissions françaises de gaz à effet de serre de 2015 correspondaient exactement au budget indicatif du scénario de référence de la SNBC. Par contre, les émissions de 2016 dépassent de 3,6% la cible. La baisse de la consommation énergétique finale a été de l'ordre de 1% par an entre 2013 et 2015. Le scénario de référence envisage une baisse d'environ 1,5% par an, rappelle le document, suggérant que le rythme n'est pas à la hauteur de l'ambition.
Ces mauvais résultats s'expliquent notamment par l'absence d'effort en terme d'investissements. En 2014 et 2015, les investissements publics et privés en faveur d'une société bas-carbone étaient d'un peu plus de 30 milliards d'euros par an. Les besoins "sont estimés à 14 milliards d'euros supplémentaires, par rapport au montant 2015, chaque année sur la période 2015-2018", explique le document qui appelle à suivre "attentivement" cet indicateur.
La consommation des voitures reste trop élevée
Du côté des émissions par secteur économique, le rapport note les mauvais résultats dans le domaine des transports. "On observe dès 2015 des résultats déviant de la trajectoire SNBC", constate le document, précisant que le dépassement de l'objectif pour 2016 est de 6%. Plutôt que de diminuer, les émissions du secteur transports affichent une très légère hausse (moins de 1%) entre 2013 et 2015. Elles s'établissent à 140 millions de tonnes de CO2 (MtCO2) par an, soit environ un tiers des émissions françaises (environ 450 MtCO2).
Comment expliquer ce retard ? Les indicateurs de suivi des recommandations sectorielles livrent quelques pistes. L'amélioration de l'efficacité énergétique des véhicules, pour atteindre notamment les 2L/100 km en moyenne pour les véhicules particuliers vendus en 2030, est qualifiée d'insuffisante. En outre, la mise en œuvre de certaines recommandations de la SNBC est insuffisante. C'est le cas, entre autres, des engagements volontaires dans le domaine du transport de marchandises (telle que la
Un rythme de rénovation des bâtiments préoccupant
Le secteur du bâtiment constitue un deuxième point noir de la politique climatique française. "On observe dès 2015 des résultats déviant de la trajectoire SNBC et supérieures à la part sectorielle indicative des budgets-carbone malgré des conditions climatiques favorables", déplore le ministère. Ce dépassement est estimé à 11% par rapport à l'objectif annuel. En 2015, les émissions du secteur sont de l'ordre de 90 MtCO2. Selon les données corrigées des variations climatiques, "la consommation finale des énergies carbonées et notamment des pétroles raffinés s'écarte du scénario de référence dès 2011". En 2015, cet écart est de 40% pour les pétroles raffinés. Dans le domaine du tertiaire, "l'évolution la plus préoccupante est celle du développement des énergies renouvelables, beaucoup moins rapide qu'attendu, engendrant un écart de -45 % par rapport au scénario en 2015".
"Cette contre-performance s'explique pour partie par des éléments conjoncturels, tels que le faible prix des produits pétroliers (…) qui incite à la consommation et donc à la hausse des émissions", explique le suivi des indicateurs de résultat, ajoutant que le rythme de rénovations lourdes des bâtiments existants suscite des "préoccupations".
A noter que l'agriculture obtient elle aussi de piètres résultats : en 2016, le secteur affiche un dépassement de 3% par rapport à l'objectif annuel d'émission de CO2. En revanche, les résultats 2015 et les prévisions 2016 pour le secteur de l'industrie sont proches des objectifs visés. Globalement, la consommation finale d'énergie du secteur industriel évolue dans le bon sens : les courbes pour le charbon et le gaz sont en-deçà des trajectoires envisagées (marge de 11% et 12%) et la consommation d'électricité suit la trajectoire envisagée. Reste la consommation d'énergies renouvelables thermiques qui progresse moins vite que le scénario de référence (20% de moins qu'attendu en 2015).