Le 22 mai dernier, 14 associations de défense de l'environnement ont remis le livre blanc « Pour que vive la nature » à la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne. Son ambition : peser dans l'élaboration de la Stratégie nationale pour la biodiversité pour la période 2021-2030.
Constat d'échec
C'est d'abord le constat d'échec des politiques précédentes, mondiales ou nationales, qu'ont tenu à rappeler les associations présentes lors d'un webinaire avec la ministre. « La France est le dixième pays à compter le plus grand nombre d'espèces menacés, alerte Allain Bougrain-Dubourg. Les populations d'oiseaux dans les espaces agricoles ont baissé de 38 %, autant que les populations de chauves-souris, sur le territoire national ». Le président de la Ligue pour la protection des Oiseaux a poursuivi l'énumération de chiffres « pathétiques et dramatiques », regrettant que la « biodiversité soit restée sur le bord du chemin » alors que le déclin de la biodiversité s'accélère dans le pays. « Après une stabilisation, l'artificialisation des sols reprend de plus belle ; 11 % des surfaces de prairies permanentes ont disparu ces dix dernières années », a pour sa part précisé Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement.
Huit ambitions « pour que vive la nature »
Compte-tenu de la crise sanitaire mondiale du Covid-19, les associations ont intégré dans leurs analyse les responsabilités humaines dans l'apparition des zoonoses, et formulé des propositions d'actions dans une perspective plus globale et systémique. Concrètement ce sont huit ambitions (déclinées en 30 objectifs et 142 actions), qui sont présentées dans ce livre blanc. Elles proposent notamment de mobiliser la gouvernance en matière de biodiversité, avec la mise en place d'outils économiques et fiscaux au service de la protection de la nature, et d'intégrer la biodiversité dans l'ensemble des politiques sectorielles. La sensibilisation, la formation et la mobilisation des citoyens et de tous les acteurs, est un autre volet important porté par les ONG. Des associations qui espèrent que la crise actuelle fera bouger les lignes, et que la France portera leurs propositions lors du congrès mondial de la nature de l'UICN à Marseille, puis lors de la COP-15 biodiversité en Chine, deux événements reportés en 2021.
Des objectifs européens contraignants
Adoptée en pleine pandémie de Covid-19, la stratégie constitue « un élément central du plan de relance de l'Union, dans la mesure où elle est essentielle pour prévenir l'apparition de futures épidémies et renforcer notre résilience face à de telles maladies », précise la Commission, tout en offrant « des perspectives commerciales et des possibilités d'investissement immédiates afin de relancer l'économie de l'Union ».
L'instance européenne propose d'abord « d'apporter une protection juridique à un minimum de 30 % des terres et de 30 % des mers de l'Union, et d'intégrer des corridors écologiques dans le cadre d'un véritable réseau transeuropéen de la nature ». Une « protection stricte » doit, de plus, être adoptée pour au moins un tiers des zones protégées de l'Union, englobant toutes les forêts primaires et anciennes encore présentes. Pour la première fois, « des objectifs juridiquement contraignants » seront proposés en matière de restauration des écosystèmes européens, à l'issue d'une analyse d'impact, dès 2021.
Baisse drastique des fertilisants et phytosanitaires
Parmi les autres principales propositions, la Commission propose de convertir 10 % des terres agricoles en paysage « à haute diversité biologique », de réduire de 50 % « l'utilisation des pesticides chimiques en général et les risques qui leur sont associés », et de diminuer de 20 % l'utilisation de fertilisants. Autres ambitions : restituer l'écoulement de 25 000 km de rivières, ou encore doter « d'un plan d'écologisation de l'espace urbain ambitieux » les villes de plus de 20 000 habitants. Bruxelles propose également de planter 3 milliards d'arbres d'ici à 2030, et d'interdire l'importation des produits qui contribuent à la déforestation.
Des ambitions pour la biodiversité européenne globalement bien accueillies par les ONG, à condition de se mettre d'accord sur les moyens pour les atteindre. « Les objectifs européens rejoignent ceux de la France, mais comment va-t-on trouver des stratégies efficaces, s'interroge Bernard Chevassus-au-Louis, président d'Humanité et Biodiversité. La ferme France est encore en excédent sur le recours aux nitrates et n'est pas parvenue à baisser l'utilisation des produits phytosanitaires. Comment arrivera-t-on à persuader les agriculteurs de s'approprier ces nouveaux objectifs fixés par Bruxelles ? »
« Un financement de 20 milliards d'euros par an sera débloqué en faveur de la biodiversité au moyen de diverses sources, y compris des fonds de l'Union européenne et des financements nationaux et privés », précise la Commission.