« Par rapport aux années précédentes, nous avons constaté une baisse des ouvertures des bouches et poteaux d'incendie en 2021. L'été n'a pas été très chaud et des solutions ont été mises en place pour les limiter », indique Adeline Clifford, chargée de mission à l'Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement (Astee), responsable du suivi d'un groupe de travail sur la question.
En France, « la tradition s'est perpétuée, explique Sandrine Lemaire, responsable adjointe du service défense extérieure contre l'incendie et fontaines chez Eau de Paris. Des vidéos ont commencé à circuler en 2015, et des ouvertures sporadiques sont constatées. Puis le phénomène explose en 2017 : au mois de juin, trois jours caniculaires ont occasionné plus de 1 000 ouvertures à Paris, en Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine et Val-de-Marne ».
Le phénomène est désormais répandu dans toutes les grandes agglomérations. « Cela se produit dans les quartiers où les parcs sont peu nombreux, où la population est dense et en souffrance par rapport à la chaleur, explique Sandrine Lemaire. Bien souvent, c'est également une période durant laquelle les piscines sont en entretien… »
Un réseau d'eau potable fragilisé
Les conséquences de ces ouvertures sauvages sont en effet multiples. La baisse de la pression et l'augmentation des volumes consommés peuvent, tout d'abord, entraîner des défaillances pour la défense contre les incendies, mais aussi pour l'approvisionnement en eau potable dans les étages supérieurs des bâtiments. « Certains opérateurs ont dû acheminer des bouteilles d'eau à des personnes à mobilité réduite, confrontées à des coupures d'eau en période de canicule ; des hôpitaux ont également été placés en zone rouge », détaille Xavier Carpentier.
Autre impact potentiel : les ouvertures ou fermetures brutales des équipements engendrent des coups de bélier, qui peuvent fragiliser le réseau et entraîner des casses. Les bouches ou poteaux d'incendie peuvent également être endommagés par l'utilisation d'outils inadaptés lors des ouvertures sauvages. Du point de vue de la qualité de l'eau, les forts tirages peuvent également provoquer le décollement du biofilm présent dans la conduite d'eau potable.
Des dommages aux personnes et aux biens
Ces ouvertures peuvent également occasionner des dommages aux personnes et aux biens. Confrontés à des jets jusqu'à huit ou neuf mètres de haut, ceux qui ouvrent les poteaux ou les bouches sous pression s'exposent à des risques de blessures. Les écoulements d'eau sont susceptibles de gêner la circulation, notamment le passage de véhicules comme les ambulances, inonder les bâtiments à proximité ou encore provoquer des électrocutions. « Parfois, le point d'évacuation de l'eau n'est pas le réseau de la ville, mais la cave d'un restaurateur ou le parking d'une copropriété, des étages d'immeubles peuvent également être touchés, précise Xavier Carpentier. Et au bout du quatrième ou cinquième sinistre, solliciter les assureurs est parfois devenu impossible. »
Enfin, la fermeture des dispositifs s'avère parfois délicate. « Nos équipes d'intervention ont été confrontées à des agressions, regrette Sandrine Lemaire, responsable adjointe service défense extérieure contre l'incendie et fontaines chez Eau de Paris. Il est préférable, dans ces cas-là, de mobiliser une escorte policière. » Et, en définitive, l'ensemble des surcoûts occasionnés devra être assumé par les collectivités.