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Le street pooling : un phénomène urbain source de désordres... et de solutions (2/3)

Pour limiter les ouvertures sauvages des poteaux et bouches d'incendie, les acteurs de l'eau misent sur la sensibilisation, les solutions techniques et l'anticipation des besoins de rafraîchissement. Tour d'horizon des possibles.

TECHNIQUE  |  Eau  |    |  D. Laperche
Le street pooling : un phénomène urbain source de désordres... et de solutions (2/3)

Limiter le street pooling, phénomène diffus et mouvant, peut sembler un véritable casse-tête. Un certain nombre de réponses ont toutefois été apportées. Face à la vague d'ouvertures en série durant l'été 2017, le ministère de l'Intérieur a, en effet, sollicité différents acteurs – services incendie, collectivités, opérateurs d'eau ou fabricants – pour réfléchir à des moyens de l'endiguer. Un catalogue de mesures, issu de ces réflexions, a été diffusé aux préfets des départements concernés en 2018.

« En 2017, nous étions dans une situation d'extrême urgence. Nous avons été mobilisés pour trouver des solutions rapides, faciles à mettre en œuvre, tout en maîtrisant les coûts, souligne Xavier Carpentier, directeur régional Nord France de l'entreprise Bayard, spécialisé dans la gestion du débit d'eau. Une première série de solutions a été trouvée avec des éléments qui réduisent l'accès aux poteaux et bouches d'incendie. » Sans être complètement infaillibles, ces dispositifs d'inviolabilité présentent l'avantage de compliquer l'ouverture et constituent une barrière à des phénomènes de street pooling en série. « Avec un simple outillage classique de bricolage, une bouche à incendie classique peut être ouverte, rappelle Xavier Carpentier. Les équipements sécurisés nécessitent, en revanche, une clef normalisée. »

Des moyens juridiques peu dissuasifs

Car la solution ne viendra pas d'éventuelles sanctions. Premier point à noter : aucune disposition réglementaire ne réserve l'utilisation des bouches et poteaux aux seuls pompiers. « Les maires ou les présidents d'EPCI peuvent toutefois l'interdire à toutes personnes privées, note Sandrine Lemaire, responsable adjointe du service défense extérieure contre l'incendie et fontaines chez Eau de Paris. L'interdiction d'usage peut aussi être inscrite dans le règlement de service public de l'eau. »

Les pistes juridiques susceptibles d'être empruntées ne semblent toutefois pas assez dissuasives pour les amateurs de la pratique. Même si les peines peuvent être importantes et impliquer de l'emprisonnement et des amendes de plusieurs milliers d'euros. « Il est possible de sanctionner les ouvertures intempestives au titre d'un vol d'eau ou pour dégradation de biens destinés à l'utilité publique et appartenant à une personne publique, indique Pierre Kolditz, chargé de mission à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), au département cycle de l'eau. Il faut toutefois que les services concernés aient envie de se lancer, car la démarche est lourde. »

Une des difficultés tient à l'identification des responsables de l'ouverture. « Si nous portons plainte contre X, nous savons que cela va être compliqué de retrouver les personnes et de les faire condamner, souligne Sébastien Fayon, responsable du service gestion du patrimoine - schémas directeurs du syndicat des eaux d'Île-de-France (Sedif). Il vaut mieux miser sur la pédagogie, la sensibilisation et les dispositifs techniques. »

Un groupe de travail pour mutualiser les retours d'expérience

Pour échanger sur les pratiques les plus efficaces et poursuivre les réflexions engagées en 2017, la commission eau potable de l'Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement (Astee) a créé un groupe de travail sur le street pooling. Ce dernier a permis aux acteurs de partager leurs retours d'expérience sur les outils identifiés. Parmi ces derniers figurent les limiteurs de débit à un seuil choisi. Leur avantage est de limiter le volume d'eau perdu. Celle-ci ne jaillit plus en geyser, réduisant d'autant les envies de détournement ludique, mais également les risques d'accident. Autre point de sécurisation : son usage requiert une clef normalisée.

Certaines communes optent pour des solutions plus radicales et se prémunissent du risque en condamnant temporairement certains points d'eau incendie, identifiés comme sujets au street pooling.

Dans la boîte à outils se trouvent également des capteurs de détection des ouvertures. « Les capteurs permettent de repérer les suspicions de fuite, même si la meilleure alerte est le passant qui voit le geyser ou les habitants des immeubles voisins, car la bouche aspire l'eau au détriment de l'alimentation des étages supérieurs », indique Sandrine Lemaire, d'Eau de Paris. Pour les plus petites communes ou en milieu rural, la détection peut toutefois s'avérer moins aisée et les capteurs permettent une réaction plus rapide. Point important pour l'ensemble des acteurs, l'outil donne également accès à une estimation des volumes d'eau qui se sont échappés.

Des dispositifs de rafraîchissement amovibles pour anticiper les besoins

“ Les communes devront réfléchir à créer des points d'eau qui ne soient pas exclusivement réservés à la lutte contre l'incendie ” Sandrine Lemaire, Eau de Paris
Une autre piste adoptée est d'anticiper le besoin de rafraîchissement et de proposer des jeux d'eau et des dispositifs amovibles de rafraîchissement sur la bouche d'incendie. Certaines villes comme Paris ont ainsi testé des fontaines, qui se clipsent sur des bouches d'incendie. Celles-ci jouent à la fois un rôle ludique d'aspersion, mais également celui de fontaine pour boire. D'autres villes, comme Gennevilliers (Hauts-de-Seine), ont opté pour des dispositifs créant un jet d'eau en forme d'éventail, installé de façon transitoire sur la bouche. « Quelle que soit la solution, son déploiement doit se faire en association avec le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) pour qu'il puisse référencer les bouches », pointe Xavier Carpentier.

Le groupe de travail de l'Astee a également travaillé sur la gestion de l'ouverture des points d'eau incendie. « Il faut dimensionner la crise, précise Sandrine Lemaire. Cela implique de tracer le nombre d'appels, regarder les réactions des capteurs, les débits mis en distribution, le fonctionnement des installations de production, etc. » Ceci permettra notamment d'évaluer le niveau de crise et de prendre des décisions adaptées.

Une adaptation nécessaire

Ce phénomène demande une grande capacité d'adaptation des parties prenantes, à la fois sur le plan technique mais aussi pour réduire le problème à plus long terme. « Il ne faut pas se leurrer, les jeunes commencent à comprendre comment fonctionnent les dispositifs d'inviolabilité ; certains attaquent les équipements à la disqueuse, d'autres visent les boulons qui fixent les équipements sur les bouches à incendie. C'est très grave car ils touchent au corps de la bouche, ce sont des appareils soumis à de fortes pressions, de 3 bars jusqu'à 13 bars pour certaines… S'ils sont heurtés au visage par un appareil, ils ne s'en sortent pas », prévient Sandrine Lemaire.

Les fabricants préparent d'ores et déjà de nouveaux équipements. « Nous étudions plusieurs pistes ; nous ne pouvons pas encore communiquer, mais dans les grandes lignes, nous sommes en train de travailler avec les pompiers pour sécuriser l'accès à un débit maximum, avance Xavier Carpentier. Par ailleurs, nous sommes entrés dans l'ère du numérique : un gros travail parmi les développements de demain est de déclencher à distance des actions. Par exemple, l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle a pris des mesures drastiques après 2017 et a équipé les poteaux et les bouches à proximité du site de systèmes pilotés à distance pour sécuriser l'aéroport. »

Intégrer les besoins de rafraîchissement dans les aménagements

L'étape suivante pour les acteurs sera de réfléchir aux aménagements à apporter lorsque les ouvertures sont récurrentes sur un point d'eau incendie. Certains espaces se prêtent, en effet, plus facilement à des jeux d'eau en lien avec le street pooling. « Nous avons constaté que des bouches étaient plus particulièrement ouvertes car l'endroit permettait de créer une flaque d'eau, de traverser le jet sans risquer d'être percuté par une voiture, etc., pointe Sandrine Lemaire. Les communes devront réfléchir à créer des points d'eau qui ne soient pas exclusivement réservés à la lutte contre l'incendie. »

La végétalisation des espaces urbains et la réduction des îlots de chaleur feront également partie de l'équation. « Une autre réflexion s'engage pour réaménager les espaces publics, pour apporter ce confort d'été qui au fil des années n'a plus été pris en compte », estime Xavier Carpentier, chez Bayard. Et dans cette perspective, l'eau ne devra pas être oubliée. « Dans les projets de développement de zone d'aménagement concerté (ZAC) par exemple, il est nécessaire de réfléchir en amont à des ouvrages de rafraîchissement et pas seulement à la végétalisation », complète Lemaire.

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