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Actu-Environnement

Faibles doses : les approches de la toxicologie prédictive

Lorsque les effets des produits chimiques ou toxiques ne sont plus observables, cela signifie-t-il qu'ils n'existent pas ? Philippe Hubert, chercheur à l'Ineris, présente les outils utilisés par la recherche pour approcher l'inobservable.

Risques  |    |  S. Fabrégat

La faible dose ne se quantifie pas. Celle-ci peut intervenir au niveau du microgramme, du gramme, selon la substance, la molécule… La faible dose, c'est la dose en dessous de laquelle les effets ne sont pas observables. Mais si avec les outils actuels, (observation clinique expérimentation animale, observation dans la nature, expérimentations sur cellules…) on n'observe rien, cela signifie-t-il qu'il ne se passe rien ? L'industrie utilise généralement ce seuil (NOAEL pour "no observable adverse effects level" = la "dose en dessous de laquelle il n'y a pas d'effet observable") pour assurer l'innocuité d'un produit. La toxicologie prédictive cherche au contraire à déduire les risques à faible dose. Depuis une quinzaine d'années de nouvelles méthodes sont développées "pour essayer d'y voir plus clair, trouver les mécanismes pour ne plus être en aveugle", explique Philippe Hubert, directeur des risques chroniques à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris).

L'épidémiologie et la toxicologie face à deux murs de verre

Les deux grandes voies d'investigation que sont l'épidémiologie et la toxicologie rencontrent des obstacles face aux faibles doses.

L'épidémiologie est freinée par la question de la significativité : les études ont besoin de puissance, c'est-à-dire qu'il faut beaucoup de temps et une large population test pour pouvoir détecter un effet. Philippe Hubert illustre ce "mur de verre" avec l'exemple des bombardements nucléaires d'Hiroshima et de Nagazaki sur lesquels il a travaillé : "L'absence d'effets significatifs évolue dans le temps. Ainsi, il a fallu quelques années pour constater un accroissement significatif des cas de leucémies malgré des soupçons dès les premiers temps. Il a fallu dix ans pour constater la significativité des cancers de la thyroïde, vingt ans pour les cancers du sein et du poumon, trente ans pour les cancers de l'estomac et du colon…".

La toxicologie fait face, de son côté, à un obstacle de signification des résultats. Lorsque l'on constate des réponses biologiques à faible dose, cela signifie-t-il qu'on est sur le chemin d'une pathologie ? Est-ce que l'effet est dommageable ? Philippe Hubert donne l'exemple d'une étude menée par l'Ineris et portant sur les champs électromagnétiques. A 100 W/kg, un rat dont le cerveau est exposé subit des brûlures. Entre 20 et 50 W/kg, la barrière hémato-encéphalique est perméable. Avec une exposition répétée pendant 2 à 6 mois à 6 W/kg en moyenne, avec des pics à 12 W/Kg, les chercheurs ont constaté une augmentation de l'activité astrocyte (système nerveux central) sans toutefois observer de changement comportemental chez le rat, ni d'impact pathologique reconnu.

Extrapolation, transposition, analogie…

Les scientifiques utilisent également l'extrapolation pour les faibles doses. Le principe ? Passer des doses auxquelles on a observé des effets et en déduire les effets à faible dose. La métabolisation reste-t-elle la même en baissant les doses ?"Mais comment rendre solide cette extrapolation ? Nous ne sommes plus dans la science dure à ce niveau, explique Philippe Humbert. L'extrapolation se consolide lorsque l'on met le doigt sur les mécanismes. Aujourd'hui, on considère que les cancérogènes sont linéaires et donc qu'une diminution des doses va également entraîner une diminution des effets du même ordre de grandeur".  C'est sur cette base que l'Agence environnementale américaine (EPA) a décidé récemment d'abaisser les seuils d'exposition au perchloroéthylène, de 250 μg/m3 à 40 μg/m3. .

Les chercheurs utilisent également régulièrement la transposition pour déduire les effets d'une substance à faible dose. Il s'agit de passer des populations, espèces ou voies d'exposition sur lesquelles on dispose d'observations à la population cible. Par exemple passer de l'animal à l'homme, de l'homme au nourrisson… "Se pose la question du pas à franchir : cela dépend du type de population et des mécanismes de toxicité", souligne Philippe Hubert. Pour les effets du Bisphénol A sur la santé par exemple, le chercheur souligne que le rat a un métabolisme différent de l'homme, qui rend le premier plus sensible à une exposition. En revanche, les primates et les humains ont un mécanisme et une toxicocinétique comparable. Les effets constatés chez le rat ne sont donc pas totalement transposables chez l'homme, tandis que les recherches sur les primates supérieurs permettraient de transposer les résultats. Toujours sur le BPA, les scientifiques ont constaté que l'enfant l'élimine moins bien que l'adulte (facteur 20 avant 3 mois), les effets ne sont donc pas transposables de l'un à l'autre.

Enfin, pour déterminer les effets à faible dose, l'analogie est également utilisée. Il s'agit de partir d'une substance dont les effets sont connus et de les attribuer aux substances ressemblantes. Par exemple, pour les métaux lourds, il est considéré qu'ils ont tous des effets neurotoxiques. Cette méthode est notamment utilisée dans le cadre du règlement Reach pour limiter le nombre de tests à effectuer. "Nous essayons de sophistiquer la méthode en développant les similitudes des molécules".

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