Il n'est pas nécessaire d'augmenter les moyens humains de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Leurs demandes "paraissent excessives", car les postes créés sur la période 2015-2017 sont supérieurs aux besoins. Ils doivent revoir leurs méthodes de travail pour être plus efficients.
Telles sont les principales conclusions d'un rapport officiel sur le financement (1) du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le document, publié lundi 30 mai, passe en revue la hausse récente des moyens financiers et humains dédiés, les besoins pour les années à venir et les économies envisageables. Cette mission avait été confiée en avril 2015 aux services des ministères de l'Economie, des Finances et de l'Environnement.
Une réserve de cinq à seize postes
Le 26 mai, à l'occasion de la présentation du rapport de l'ASN sur l'état de la sûreté nucléaire en France en 2015, Pierre-Franck Chevet avait estimé que l'ASN aurait besoin de recruter 140 à 150 personnes pour faire face aux "enjeux sans précédent" auxquels est confrontée l'Autorité. "On était devant un mur, maintenant nous y sommes", avait expliqué le président de l'ASN. Il demandait 30 postes supplémentaires en 2017 qui s'ajouteraient au dix déjà validés. Mais, ces dernières années, la sûreté nucléaire a déjà bénéficié d'"un soutien marqué" dans "un contexte budgétaire pourtant contraint", répond le rapport. Les ressources de l'ASN et à l'IRSN ont progressé de 19% entre 2009 et 2014, passant de 137 à 163 millions d'euros. De même, le Gouvernement a augmenté les effectifs de l'ASN de 30 postes sur la période 2015-2017 et ceux de l'IRSN de 18 postes au titre de 2015.
"Si les deux organismes auront à faire face à des charges réelles dans les années à venir (…), leurs demandes paraissent excessives", confirment les auteurs du rapport, "les besoins réellement justifiés de l'ASN et de l'IRSN peuvent être évalués à entre quatorze et 25 emplois temps plein (ETP) pour la première, et à 31 pour le second". L'attribution de 30 postes à l'ASN permet "non seulement de couvrir ses demandes avérées mais également le cas échéant de dégager une réserve comprise entre cinq et seize ETP, de nature à faire face aux besoins que la mission estime aujourd'hui insuffisamment justifiés". En revanche, treize postes supplémentaires pourraient être nécessaire à l'IRSN.
Alléger les procédures
Surtout, malgré des effort réels, "l'efficience du dispositif global (…) demeure encore trop embryonnaire". Le rapport formule cinq recommandations. L'ASN pourrait notamment redéfinir, "à niveau de sûreté au moins égal", le partage entre les modifications soumises à autorisation et celles soumises à déclaration. Aujourd'hui, l'ASN privilégie l'autorisation, mais la réglementation permet de soumettre les modifications mineures à une procédure allégée avec déclaration. Il est même envisageable de dispenser de procédure allégée les modifications mineures, "à condition que [l'exploitant] ait mis en place un contrôle interne présentant des garanties suffisantes de qualité, d'autonomie et de transparence", ajoute le document. Il ne précise pas quelles seraient les modifications qui ne seraient plus soumises à autorisation, évoquant simplement la lourdeur de la procédure applicable aux modifications temporaires des spécifications techniques d'exploitation d'EDF.
Le rapport propose aussi de confier certains contrôles à des organismes agréés. Actuellement, l'essentiel des contrôles sont réalisés par les agents de l'ASN, mais il serait possible d'externaliser ceux "à faible valeur ajoutée, tels que, par exemple, les contrôles de conformité par rapport à des référentiels bien établis". Cela permettrait en outre d'accroître leur fréquence. Quant au surcoût de cette démarche, il peut être supporté par les exploitants, d'autant que "le nucléaire de proximité (2) ne fait l'objet actuellement d'aucun prélèvement fiscal pour son contrôle, alors que 22% des moyens de l'ASN lui sont directement dédiés".
Les trois autres recommandations sont plus classiques : fidéliser les agents de l'ASN, optimiser l'utilisation des crédits et établir des priorités parmi les activités de l'ASN. A noter que lorsque le rapport suggère d'établir des priorités, il envisage que l'Autorité "[consacre] plus de ressources aux dossiers d'instruction nouveaux qu'aux dossiers d'instruction répétitifs". Cette démarche semble être l'opposée de celle évoquée par Pierre-Franck Chevet. Ce dernier a répété à plusieurs reprises que l'instruction des nouveaux dossiers, tels que celui de l'EPR "nouveau modèle", ne constituent pas une priorité.