Mardi 31 mai 2011, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Écologie, a présenté la Table ronde nationale sur l'efficacité énergétique afin d'élaborer "des mesures concrètes et partagées permettant d'alléger la facture d'énergie des ménages, de rendre les entreprises plus compétitives, de créer de l'emploi et d'améliorer l'efficacité de l'État et des collectivités territoriales."
"On ne pourra pas se mettre d'accord sur les meilleurs moyens de production énergétique", estime la ministre qui juge la question "polémique" après la catastrophe de Fukushima, l'annonce de l'abandon du nucléaire d'ici 2022 en Allemagne et le débat sur les hydrocarbures non conventionnels. Par contre il y a "consensus" sur le fait que "la meilleure énergie, c'est celle qu'on ne produit pas."
Doubler le rythme d'avant crise
L'objectif est d'identifier les mesures qui permettent de réduire la consommation d'énergie, alors que la hausse des prix de l'énergie est estimée à 13,7% pour 2010. Concrètement, la ministre espère doubler le rythme d'amélioration de l'efficacité énergétique par rapport à son niveau d'avant la crise économique. Il passerait ainsi de 1,5% par an avant 2008 à 3% par an en 2020. Un objectif comparable à la réduction moyenne de l'intensité énergétique finale, de 2 % par an d'ici à 2015 et de 2,5 % d'ici à 2030, prévue par la loi de juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique (Loi POPE). Un manque d'ambition depuis six ans ? Pas du tout estime la ministre qui explique que "la crise est passée par là" et qu'elle a mis un frein à l'effort entrepris alors.
Cet objectif pourrait se traduire par une réduction de la consommation énergétique française d'environ 35 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep), sur une consommation actuelle évaluée à 156 millions de Tep, estime Philippe Van de Maele, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Quant aux mesures envisagées, la ministre a indiqué "[ne pas avoir] d'idées préconçues." Interrogée sur la possibilité d'établir une tarification énergétique progressive, qui viserait un accès à bas coût à l'énergie nécessaire au confort minimal tout en décourageant la consommation au-delà via des tarifs croissants, la ministre a jugé sans grande conviction que cela "peut faire partie des discussions."
Un sixième collège
Concrètement, la Table ronde reprend le format du Grenelle de l'Environnement en introduisant un sixième collège. Ce "Grenelle modifié élargi", selon les propos de Nathalie Kosciusko-Morizet, inclut les représentants des consommateurs et usagers, étant donnée la progression de la précarité énergétique.
Trois groupes de travail seront constitués afin d'organiser les débats autour des problématiques propres aux utilisateurs finaux. La première table ronde "Ménages : comment réduire les factures ?" sera dirigée par Michèle Pappalardo, déléguée interministérielle au développement durable et commissaire générale au développement durable du ministère de l'Écologie de 2008 à avril 2011. Pierre-François Mourier, directeur général adjoint du Centre d'analyse stratégique (CAS) animera la groupe "Entreprises : comment gagner en compétitivité ?" Enfin, le sénateur Albéric de Montgolfier sera en charge du groupe "Pouvoirs publics : comment être moteur et exemplaire ?"
S'agissant du calendrier, l'objectif est de rendre les conclusions finales en décembre 2011. Pour cela, le ministère prévoit une concertation du 15 juin au 15 novembre, avec un point d'étape fin septembre, la remise des conclusions début novembre et une table ronde finale mi-novembre.
Les écologistes dénoncent un double discours
"Consommer moins tout en produisant plus ?" interroge Agir pour l'environnement qui "dénonce la duplicité d'un Gouvernement qui opte le lundi pour plus de production électrique d'origine nucléaire et le mardi pour moins de consommation électrique."
L'ONG regrette que la Programmation pluriannuelle des investissements en matière d'électricité rendue publique en 2009 "prévoit de stabiliser les consommations… tout en augmentant nos capacités de production !" Elle juge donc que la Table ronde débouchera sur "un énième plan sans lendemain" et elle "appelle le gouvernement à faire œuvre de cohérence."
Pour Yannick Jadot, "le sujet des économies d'énergie a déjà été discuté : c'était en 2007 lors du Grenelle de l'environnement !" L'eurodéputé Europe Ecologie Les Verts, juge que la ministre "n'a pu oublier les objectifs ambitieux qui ont été fixés aussi bien pour la rénovation thermique des logements que pour le développement des alternatives au transport routier."
"Depuis, le gouvernement a multiplié les projets autoroutiers, la part des modes de transport durables a baissé en France, et les rénovations des logements ne sont que des demi-rénovations", regrette Yannick Jadot qui considère que "cet exercice de communication n'a qu'un seul et unique objectif : faire oublier Fukushima et la sortie du nucléaire en Allemagne."