"La situation [difficile] des opérateurs électriques et en particulier des centrales gaz ne peut être imputée aux énergies renouvelables. Elle ne doit pas être un prétexte à l'arrêt des soutiens aux énergies renouvelables, ou à leur intégration immédiate au marché de l'électricité. (…) Aussi, le système des tarifs d'achat doit être maintenu." Tel est en substance le message porté par le réseau pour la transition énergétique (Cler) à l'occasion de la consultation sur l'évolution des dispositifs de soutien aux renouvelables ouverte par le ministère de l'Ecologie en décembre 2013.
Le 27 février, l'association a rendu public ses propositions dans le cadre de la consultation. Le document de 26 pages, plaide pour le maintien dans une forme renouvelée des tarifs d'achat.
Les renouvelables évincent les énergies classiques
Dans un premier temps, le Cler présente sa vision de l'évolution du marché européen de l'électricité. Selon l'association, le développement des renouvelables ne peut pas expliquer l'ampleur des problèmes actuellement rencontrés par les principaux acteurs du marché européen de l'électricité.
En réalité, "la consommation d'électricité en Europe est aujourd'hui la même qu'au début des années 2000 [et] dans le même temps la capacité installée n'a cessé de croître". En conséquence, les renouvelables se substituent progressivement aux énergies fossiles et fissiles. Or, rappelle le Cler, "c'est l'objectif même des politiques énergétiques nationales et européennes".
Néanmoins, l'association ne nie pas l'existence de difficultés. C'est le cas avec la fermeture des centrales au gaz plutôt que les centrales au charbon, mais aussi le caractère erratique des prix de l'électricité ou encore l'intermittence de certaines sources renouvelables. Néanmoins, soit les problèmes sont largement surévalués (intermittence), soit ils peuvent être résolus sans remettre en cause les tarifs d'achat dédiés aux renouvelables (fermeture des centrales au gaz).
"Le marché de l'électricité européen est en mutation et présente assurément des dysfonctionnements, résume le Cler, mais pointer ainsi du doigt les énergies renouvelables revient à se tromper de coupable".
Le coût des renouvelables surévalué
Quant au coût des renouvelables pour la collectivité, il est "surévalué", juge l'association qui explique que le calcul ne prend pas en compte l'effet des énergies renouvelables sur le marché. Dans un marché marqué par la rigidité de l'offre et de la demande, l'apport des renouvelables dans un contexte de consommation atone fait chuter les prix de gros. Or, le "coût" des renouvelables mesure l'écart entre les tarifs d'achat et le prix de l'électricité sur le marché. Ainsi, chaque baisse du prix de l'électricité augmente d'autant le "coût" des renouvelables.
Selon le Cler, l'impact de ce biais sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE) est sensible : si le prix de référence de 2012 (57 euros par MWh) n'avait pas chuté par rapport au sommet de 2008 (66 euros par MWh), la compensation versée par la CSPE aurait été plus faible d'environ 300 millions d'euros. De même, si le prix de marché attendu pour 2014 est effectivement de 42 euros par MWh, alors les 38 TWh de renouvelables coûteront quelque 900 millions d'euros de plus à la collectivité, par rapport à un prix de marché équivalent à celui de 2008.
Ouvrir l'obligation d'achat à tous les fournisseurs
En conséquence, le Cler estime que la meilleure solution n'est pas d'abandonner les tarifs d'achat, mais plutôt d'améliorer le mécanisme.
En premier lieu, il conviendrait d'ouvrir le dispositif à tous les opérateurs du marché de l'électricité, comme pour l'injection de biogaz dans le réseau, afin de favoriser l'apparition d'offres commerciales "réellement vertes". En ouvrant l'obligation d'achat à tous les fournisseurs d'électricité, il devient possible d'établir des contrats gré à gré entre producteurs d'électricité renouvelable et fournisseurs. Autre option : transférer l'obligation d'EDF vers un opérateur neutre.
Le Cler propose ensuite de faire de la CSPE un outil permettant aux zones insulaires non interconnectées (ZNI) d'atteindre une production électrique totalement renouvelable. Aujourd'hui, environ 30% de la CSPE finance la production électrique, principalement à partir d'énergie fossile, des ZNI afin d'assurer la péréquation tarifaire. Or, "aujourd'hui beaucoup de territoires iliens se trouvent confrontés à des barrières et aux blocages répétés du gestionnaire électrique EDF SEI [qui], par le système de compensation par la CSPE, [a] tout intérêt à ce que la consommation d'électricité fioul continue de croître", avance le Cler. L'association plaide donc pour la levée de "certains blocages réglementaires", tels que la limite des 30% de capacité variable, certains aspects de la loi littoral ou le taux de rentabilité fixé par décret.
Enfin, des mesures simples limiteraient les coûts des renouvelables, estime le Cler. C'est le cas notamment de la création d'un tarif d'achat pour le photovoltaïque surimposé, de l'adaptation des tarifs d'achat selon la région de production, de l'installation d'éoliennes adaptées dans des zones moins ventées favorisant une meilleure répartition des éoliennes en France, ou de la révision des tarifs biomasses afin de supprimer le seuil de 5 MW en-deçà duquel le tarif est divisé par trois.