Les tarifs d'achat permettent de limiter les coûts de l'éolien, car ils sont bien plus sécurisants que d'autres dispositifs de soutien. C'est en substance ce qui ressort de l'étude Eolien et intégration marché, étude comparée des schémas de financement, réalisée par le cabinet E-Cube strategy consultants et présentée par France énergie éolienne (FEE) le 30 octobre. Le cabinet avait déjà réalisé pour FEE une étude sur la valeur et les coûts de l'éolien, présentée en février dernier, qui soulignait les effets positifs de l'éolien sur la facture énergétique des Français d'ici 2025.
"Certaines réflexions actuelles sur l'évolution du financement des renouvelables proposent un rapprochement progressif du financement des filières les plus matures, dont l'éolien onshore, vers un mécanisme de « marché »", souligne E-Cube dans sa nouvelle étude, faisant allusion à la volonté du gouvernement de revoir les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables. Cette "convergence marché" viserait à limiter les distorsions liées au développement de l'éolien (surcapacités, prix négatifs) et à optimiser la production éolienne par rapport aux signaux du marché. Bien qu'il juge ces distorsions marginales, E-Cube compare quatre mécanismes de financement des énergies renouvelables, qui ont des convergences marché plus fortes que les tarifs d'achat.
En revanche, dans certains pays où la puissance éolienne installée est forte, ce phénomène est plus récurrent. "En Espagne, le taux de prix nuls dépasse 10% lorsque la production éolienne dépasse 25% de la consommation", indique E-Cube, ajoutant : "En dessous de 15% de production éolienne par rapport à la demande, l'apparition de prix négatifs est exceptionnelle sur un réseau sans congestions majeures. En France, le seuil de 15% n'a pas été dépassé en 2012. Il devrait l'être plus de 1500 heures par an en 2020". A cette échéance, les prix négatifs devraient apparaître plus souvent, une centaine d'heures.
Pratiqués en France, ceux-ci reposent en effet sur un opérateur unique, EDF, qui achète la production d'électricité éolienne à prix régulé. Il vend ensuite cette électricité sur le marché et "assure l'équilibrage entre l'offre et la demande".
D'autres pays préfèrent donner un "signal prix" aux producteurs. L'Allemagne et le Royaume-Uni appliquent ainsi la formule ex post, dans laquelle les producteurs vendent eux-mêmes leur énergie sur les marchés de gros et assurent l'équilibrage de leur production. "Une prime est calculée a posteriori pour compenser la différence entre un « prix cible » et un prix marché de référence". La troisième formule, appelée ex ante, prévoit que le producteur vende son énergie sur le marché et bénéficie d'une prime pour "bonifier ses revenus".
Enfin, la Suède applique un système de quotas, ou certificats verts, dans lequel "le producteur d'énergies renouvelables valorise la valeur « physique » de l'électricité sur le marché de l'électricité, et sa valeur « verte » sur un marché de certificats verts".
Le tarif d'achat : le "moins pire" des systèmes ?
Selon E-cube, ces trois dernières formules comportent un risque marchand pour les producteurs, lié aux variations des prix. De fait, il estime que les coûts de financement, dans un système de tarifs d'achat, sont limités et prévisibles, alors que les systèmes de prime ex ante ou de certificats verts (système de quotas) présentent des risques élevés, voire une explosion des coûts. Ceux-ci, pour le système des quotas, peuvent peser sur la dépense publique puisque la subvention est fixée par le marché, tandis que dans les autres systèmes, elle est connue d'avance. La formule ex post présente quant à elle des risques limités, bien que supérieurs à ceux des tarifs d'achat.
Ainsi, estime E-Cube, "les schémas présentant une convergence marché la plus forte, prime ex ante et quotas, répondent en partie aux enjeux de maîtrise des distorsions marché et d'optimisation mais font peser un risque fort de paralysie de la filière et de remise en cause de l'engagement des 3x20".
L'avantage de la prime ex ante, comme du système de quotas, est de limiter les prix négatifs. "Les prix ne peuvent pas descendre en dessous de, respectivement, la prime ou la valeur des certificats verts. Ces schémas permettent par ailleurs d'envoyer des signaux d'optimisation par rapport au marché".
Ce qui n'est pas le cas du système ex post. "La prime ex post est égale à l'écart entre le prix marché et un prix cible fixe. L'opérateur éolien bénéficie donc d'un revenu constant quand les prix sont négatifs ou quand les prix marché s'écroulent en situation de surcapacité".
Face à ces trois systèmes, le tarif d'achat "n'est pas toujours le plus efficace sur chacun des critères de notation, [mais] il présente au final un bilan équilibré comparé aux autres schémas de financement".
Pour FEE, "il ressort des conclusions de l'étude que [le tarif d'achat] est le garant du développement de la filière éolienne en France. Abandonner ce dispositif au profit d'une plus forte intégration au marché ne faciliterait quasiment pas l'optimisation de la production éolienne (elle plafonnerait à 3% à court terme). Ce scénario impliquerait, bien au contraire, une paralysie, voire un effondrement, de l'ensemble de la filière".
Introduction d'un bonus malus dans le tarif d'achat
Mais le cabinet d'études estime que le système des tarifs d'achat pourrait évoluer, afin d'être optimisé. Pour prévenir les prix négatifs, il préconise de moduler à la baisse la production éolienne lorsque les prix descendent sous un certain seuil négatif ou nul, modulation qui "doit être compensée pour ne pas dégrader l'économie de la filière".
La production éolienne dépend avant tout du vent, son optimisation est donc marginale, note E-Cube. Cependant, elle et est déjà pratiquée lors de la localisation du parc et via la maintenance qui est programmée en période de prix bas.
Mais d'autres leviers peuvent être activés par des signaux prix (prévisions, stockage et réduction de production). Pour améliorer le système de tarifs d'achat, il faudrait donc réaliser le transfert progressif du rôle de responsable d'équilibre aux exploitants et engager un test de participation volontaire et rémunéré de l'éolien aux réserves d'équilibrage à la baisse. "Ces leviers pourraient se positionner comme bonus/malus par rapport au [tarif d'achat]". E-Cube note un avantage : "Ces deux mesures pourront permettre un premier développement d'acteurs de l'agrégation et prévision en France. Ce développement simplifiera la transition des actifs sortant d'obligation d'achat vers le marché".
Pour FEE, "ces adaptations ne sont ni urgentes ni prioritaires. Le maintien, en l'état, du système actuel est plus à même de garantir un rythme suffisant de développement de la filière éolienne. Changer à nouveau les règles risquerait d'enrayer les améliorations constatées, notamment à la suite de la loi Brottes (suppression du seuil des 5 mâts et des zones de développement éolien par exemple)".