
Député européen, Vice-Présidente Commission Environnement
En Suède, le premier dispositif est apparu dès 1991, dans un contexte de ''réforme fiscale d'ensemble'', selon Emmanuel Combet, spécialiste des politiques fiscales au Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (CIRED). En contrepartie de la taxe carbone, le gouvernement a concédé une réduction de la taxe marginale de l'impôt sur le revenu à 50% maximum, une réduction de l'impôt sur les sociétés de 57% à 30%, et une généralisation de la TVA à un taux uniforme. Cette cohérence de la démarche politique a facilité l'acceptation sociale du nouvel impôt. D'un montant initial de 27 euros par tonne de CO2, la taxe s'élève aujourd'hui à 108 euros. Si les entreprises n'acquittent que 20 % de la taxe, ce taux devrait monter à 30% à partir de 2011, voire à 60% à l'horizon 2015. Dans le même temps, le PIB suédois a progressé de 44% entre 1990 et 2005. Le Danemark, la Finlande, la Norvège disposent eux aussi d'une taxe carbone. En Allemagne, une taxe sur l'électricité et les combustibles a été mise en place, et en Angleterre une taxe sur l'énergie existe également. Ainsi, indépendamment ou en complément du système de quotas, certains pays ont fait le choix d'une taxe carbone ou d'une taxe sur l'énergie. Dès lors, la question de l'imposition des produits importés se pose déjà directement.
En second lieu, la question se pose effectivement au niveau communautaire dans les secteurs comme le transport ou l'agriculture, qui ne sont actuellement pas couverts par la Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 sur la taxation de l'énergie. Une révision de cette directive obligerait les Etats membres à lever une taxe CO2 sur les carburants fixée à un niveau spécifié par l'exécutif européen (ou à un niveau supérieur). Cette taxe serait ajoutée, dès 2013, au prix de combustibles comme le gasoil, le kérosène ou le gaz naturel. Le sujet est d'autant plus d'actualité que le marché des quotas n'a manifestement pas tenu ses promesses et que, si l'Europe atteint presque les objectifs de Copenhague, elle le doit à la crise…et non pas aux quotas. De plus, le marché ne donne aucune garantie sur les prix, ce qui rend très difficile la visibilité et donc des investissements sur les solutions alternatives. Dès lors, le recours à la taxation plutôt qu'au marché est une vraie question.
En troisième lieu, après Copenhague, la question de la taxe carbone au niveau des frontières européennes est clairement posée. D'abord, le Président Obama envisage un système qui s'apparente à la taxe carbone. Sous le nom de surtaxe pollution, il s'agit de faire payer « l'achat » de chaque tonne de carbone. Le projet est donc très proche d'une taxe. En second lieu, la volonté manifestée par de nombreux responsables européens, non seulement de maintenir les 20% de réduction de GES, mais de parvenir à l'objectif de 30% pose la question de l'effort demandé aux entreprises européennes, ou tout au moins aux entreprises qui fabriquent sur le territoire européen par rapport à celles qui bénéficient d'un dumping social et environnemental. Comment répondre à ces exigences s'il est facile d'importer en Europe des produits carbonés sans avoir fait aucun effort de réduction d'émissions et n'avoir acquitté aucune taxe ? Ce serait non seulement injuste, mais de surcroît inéquitable. Certes, il faudra veiller à préserver les pays pauvres pour l'importation de leurs produits manufacturés (relativement peu abondants), mais la nécessité d'évoquer une taxe carbone est indispensable pour garantir que le marché de consommation européen pèse dans le débat général, et pour pousser à des objectifs contraignants partagés.
Ainsi, la question de la taxe carbone est-elle appelée à revenir sur le devant de la scène en Europe.
Corinne Lepage
Député européen Modem, Vice-Président de la Commission Environnement du Parlement Européen