"L'évolution de nos activités vers le numérique s'est opérée de manière transparente", note Alain Anglade, ingénieur en technologies de l'information et de la consommation (TIC) et en efficacité énergétique à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). En effet, rares sont ceux qui ont conscience, aujourd'hui, de l'impact environnemental que représentent quelques clics sur Internet. Pourtant, ces activités ne sont pas anodines : selon un rapport de l'agence d'études et de conseil en environnement Bio intelligence services datant de 2008, les TIC représentaient, en 2005, 2% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en Europe. Un chiffre voué à augmenter, jusqu'à doubler d'ici 2020. En France, ces TIC contribuent à hauteur de 13,5% à la facture électrique, note Pierre Galion, de la direction de la communication de l'Ademe. "Or, alors que la consommation de TIC grimpe, celle du papier ne décroît pas : elle se contente de se stabiliser", ajoute-t-il.
Alors, facture électronique ou papier ? Mail ou lettre postale ? Bien que des conclusions tranchées soient difficiles à mettre en place, l'Ademe a mesuré l'impact de trois usages majeurs de l'informatique en termes d'émission de GES et donc d'impact sur le changement climatique (mesuré en grammes équivalent CO2), d'épuisement potentiel des métaux (gramme équivalent fer), et enfin d'épuisement potentiel de ressources fossiles (gramme équivalent pétrole). Les analyses de cycles de vie menées par l'agence prennent en compte la fabrication du matériel informatique (ordinateurs et data centers – centres de données), son usage, et la fin de vie des équipements.
Email : 20 grammes équivalent CO2
En 2013, 507 milliards de mails seront envoyés dans le monde. Au-delà de la fabrication des ordinateurs, qui contribue pour près de 80% à l'impact des mails sur le changement climatique, ce dernier tient aussi à la consommation d'énergie pour l'envoi du message et pour sa lecture, ainsi que pour le stockage des données dans les data centers. Résultats : l'envoi d'un mail d'un mégaoctet (Mo) à une personne est estimé à environ 20 grammes équivalent CO2, 5 grammes équivalent fer, et 5 grammes équivalent pétrole. Rapporté à une entreprise de 100 personnes dont chaque employé enverrait 33 mails par jour, le chiffre s'élève à 14 tonnes équivalent CO2 par an. L'impact gonfle si le mail pèse plus lourd, mais aussi s'il est envoyé à plusieurs destinataires : l'envoi d'un mail à dix personnes est quatre fois plus émetteur de GES. Quant à la pièce jointe, l'impact en termes d'émissions de CO2 et d'épuisement des métaux est deux à trois fois plus important si on l'imprime. A moins de ne pas passer trop longtemps à lire ces documents sur son écran… En effet, au bout de 3 minutes de lecture, l'Ademe estime qu'il est préférable de les imprimer en recto-verso, deux pages par feuille et noir et blanc (à condition de ne pas faire doublon avec l'ordinateur resté allumé…).
Requête web : 10 grammes équivalent CO2
Chacune représente 10 grammes en équivalent CO2, 5,5 grammes en équivalent fer, et 2,7 grammes en équivalent pétrole. Cet impact provient du temps passé devant son ordinateur, ainsi que du stockage des données indexées par le moteur de recherche. Le premier indicateur environnemental, relatif aux émissions de GES, grimpe à 288 000 tonnes en équivalent CO2 par an, pour l'ensemble des internautes français. Un chiffre certainement sous-évalué, puisque l'Ademe s'appuie sur une hypothèse de 2,6 recherches par jour et par internaute.
Clés USB : un gouffre tout azimut
La fabrication de ces objets, ainsi que celle des ordinateurs, sont les postes qui pèsent le plus dans leur bilan environnemental. Compte aussi pour beaucoup le temps d'utilisation des documents. Ainsi, lorsqu'on enregistre des fichiers d'une clé USB sur son ordinateur, puis qu'on lit les 200 pages de ces documents à raison de trois minutes par page, on consomme 804 grammes équivalent CO2, 490 grammes équivalent fer et 191 grammes équivalent pétrole. Ce bilan fluctue selon le temps de lecture, ce qui pose de nouveau la question de l'avantage de l'impression papier : cette dernière a un impact plus négatif en termes d'émissions de GES, dès lors qu'on lit chaque page en moins de deux minutes (8 minutes pour une impression recto couleur). Par ailleurs, le matériau de la clé, qu'il soit de l'aluminium, du PVC ou du bambou, joue très peu sur son impact environnemental.
Comment minimiser l'impact des TIC ?
Pour réduire les émissions et la consommation en métaux et énergies fossiles relatives aux TIC, l'Ademe recommande toutes sortes de bonnes pratiques à mettre en œuvre. Une partie d'entre elles consiste à rationaliser leur usage : éviter de distribuer systématiquement des clés USB publicitaires souvent légères, éviter d'envoyer des mails superflus à trop de destinataires, ou encore éviter d'imprimer systématiquement. Ainsi, "diminuer de 10% le taux d'impression des mails reçus par les employés d'une entreprise de 100 personnes permettrait un gain de 5 tonnes équivalent CO2 par an, soit l'équivalent d'environ cinq allers-retours Paris-New York", affirme l'agence. A retenir à titre indicatif : pour un document de quatre pages, lu en 12 à 15 minutes, il est préférable de lire à l'écran. Une des mesures de rationalisation serait également de réduire l'envoi de mails : ainsi, une diminution de 10% de courriels de 10 Mo au sein d'une entreprise de 100 personnes permettrait de gagner 8 tonnes équivalent CO2 par an.
D'autres petits réflexes peuvent être facilement applicables. Ainsi, trier régulièrement sa messagerie permet de minimiser l'impact du stockage des données. Mieux vaut également compresser au maximum les documents lourds envoyés par mail, et préférer l'envoi d'un lien hypertexte plutôt que d'une pièce jointe.
Côté requête web, l'Ademe préconise, plutôt que de naviguer au hasard, de noter directement l'adresse d'un site déjà connu ou, encore mieux, d'utiliser "mes favoris" : cette dernière démarche permettrait de diviser quasiment par dix son impact en termes d'émissions de GES. Enfin, il est préférable de conserver plus longtemps son ordinateur – passer de 4 à 7 ans d'utilisation réduirait de 20 à 35% les impacts environnementaux d'une requête web –, et d'être attentif à la fin de vie de ces appareils.