Responsable Espaces protégés à la LPO
Actu-Environnement : Les réserves naturelles que la LPO gère en Charente-Maritime et Vendée ont subit de plein fouet la submersion engendrée par la tempête Xynthia…
Ségolène Travichon : Trois réserves naturelles ont été principalement touchées : Lilleau des Niges, Moëze-Oléron et les marais d'Yves. Pour les deux premières, les digues ont été déstructurées, d'énormes brèches ont été constatées. Pour les marais d'Yves, le problème est différent. Le cordon dunaire a été balayé. C'est grave : c'est une des dernières lagunes naturelles de l'Atlantique. Nous avions alerté sur le manque d'entretien des digues et les risques de submersion. Ces risques concernaient des zones naturelles et n'ont donc pas été considérés comme prioritaires. Pour la reconstruction des digues, c'est la même bataille. Nous ne sommes pas entendus.
AE : Quels ont été les impacts de la tempête sur la faune et la flore ?
ST : Au lendemain de Xynthia, nous avons constaté beaucoup de mortalité sur les espèces sauvages (lapins, amphibiens). Aujourd'hui, le lapin est revenu. Pour les amphibiens, il est trop tôt pour juger. Le milieu a été salinisé, ce qui peut être gênant pour les zones de reproduction. Cet automne, les effectifs étaient très faibles. Le printemps nous apportera les réponses. Quant aux oiseaux, si des départs massifs ont été constatés au lendemain de la tempête, nous ne constatons rien d'anormal aujourd'hui.
En revanche, nous avons perdu beaucoup d'animaux domestiques, des moutons, des vaches, des chevaux, qui étaient là pour l'entretien du milieu. Si à Moëze-Oléron, nous avons reconstitué le cheptel, nous devrons progressivement l'abandonner dans les marais d'Yves, le milieu étant fragilisé. Enfin, dans la réserve de Lilleau des Niges, c'est un éleveur qui s'en occupera désormais et il emmènera le troupeau seulement l'été pour préserver le site.
AE : La salinisation du milieu a entraîné le développement d'espèces halophiles (végétaux vivant en milieu salé). Quelles sont les conséquences ?
ST : Cela peut entraîner un changement d'habitats. La réserve d'Yves était particulièrement riche en faune et flore, avec de nombreuses espèces d'eau douce. Or, le site a connu une immersion d'eau salée de plusieurs jours, il risque donc de perdre des espèces patrimoniales qui ne seront plus adaptées au site. Les milieux vont changer, les espèces aussi. D'un point de vue scientifique, le suivi de l'évolution des milieux sera d'un grand intérêt.
AE : Quel est le rôle de ces espaces naturels lors des événements climatiques ?
ST : Ces réserves constituent d'abord des zones de délestage. Elles peuvent accueillir des masses d'eau et protéger ainsi les zones habitées. Elles peuvent également être des espaces de reconquête de la mer sur la terre.
AE : Un rapport parlementaire soulignait récemment le manque de soutien public aux associations assurant une mission de service public, comme la gestion de réserves naturelles. Est-ce votre cas ?
ST : Comme tous les acteurs, nous subissons effectivement une baisse des subventions de l'Etat. Pour mener à bien des actions, nous devons donc passer par l'autofinancement, soit en prélevant sur les fonds de la LPO, soit en faisant appel à des mécènes. Nous avons de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.