
Vendredi 25 mars, le Conseil européen a adopté un texte réaffirmant sa volonté de procéder à des tests de résistance sur les 143 réacteurs de l'Union européenne (UE). Si les conclusions du Conseil reprennent l'engagement du 15 mars, il apparaît que peu de progrès sont enregistrés concernant les détails concrets des tests.
Désaccord sur la prise en compte de l'age des réacteurs
Les conclusions du Conseil prévoient "une évaluation globale et transparente des risques et de la sûreté", qui doit être réalisée "à la lumière des enseignements tirés de l'accident qui s'est produit au Japon." Quant aux critères qui seront retenus, le Conseil ne donne aucun détail et précise simplement que "les normes les plus élevées en matière de sûreté nucléaire devraient être appliquées et améliorées en permanence au sein de l'UE." À la fin de l'année, la Commission européenne devrait soumettre au Conseil un premier rapport compilant les résultats des tests.
Afin de rédiger le cahier des charges des "tests de résistance", la Commission européenne et le Groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire (ENSREG) "sont invités à définir le plus rapidement possible l'étendue et les modalités de ces tests." Ce travail se fera par ailleurs "avec la participation pleine et entière des États membres."
Cet accord à minima traduit les désaccords entre les Etats membres. Si le commissaire européen à l'énergie, Günther Oettinger, aimerait que les tests tiennent compte de l'age des réacteurs, la France et l'Angleterre estiment que cet élément n'est pas essentiel. Pour Nicolas Sarkozy, la principale leçon à tirer de la catastrophe japonaise est "la lutte contre les tsunamis", rapporte l'AFP.
Autorités nationales ou équipe internationale ?
S'agissant de la réalisation des tests, le Conseil propose de les confier à "des autorités nationales indépendantes." La Commission européenne souhaiterait pour sa part que soit constituée une équipe réunissant des spécialistes de différents pays. Cependant, cette proposition n'est pas du goût de la France et de certains états, tels que l'Angleterre, qui souhaitent que les centrales soient auditées uniquement par les autorités nationales de sûreté nucléaire. Toutefois, la France semble disposée à assouplir sa position en acceptant la présence d'observateurs étrangers.
Quant à l'impact qu'auront ces tests, l'Allemagne (17 réacteurs), l'Espagne (8 réacteurs) et la France, (58 réacteurs) ont indiqué qu'ils fermeraient ceux qui ne satisferaient pas aux tests. "Si une centrale, et je parle pour la France, ne passait pas ces tests, elle serait fermée", a indiqué Nicolas Sarkozy à l'issu du Conseil.
De même, la réalisation de ces tests pourrait aboutir à une révision du cadre réglementaire européen puisque "la Commission procédera à l'examen du cadre législatif et réglementaire existant en matière de sûreté des installations nucléaires et proposera d'ici la fin de 2011 toute amélioration qui pourrait se révéler nécessaire."
Les opérateurs et les régulateurs au cœur du processus
Par ailleurs, pour la WENRA, les rôles des différents acteurs semblent d'ores et déjà établis. "L'opérateur est le premier responsable de la sécurité", estimait l'association à la veille du Conseil, ajoutant que "c'est à l'opérateur d'assurer les réexamens et aux organes de régulation de les vérifier indépendamment."
Pour Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie, "on peut s'interroger sur la fiabilité et la cohérence de ces tests, sachant que la mise en route de ces tests et les critères retenus vont l'être en accord avec la filière nucléaire, en laissant chaque autorité nucléaire de chaque pays faire ses propres contrôles."
François Fillon lance les tests français
Enfin, François Fillon a écrit à André-Claude Lacoste, président de l'ASN, pour mettre en œuvre des tests en France. Dans ce courrier, daté du 23 mars 2011, le Premier ministre demande au président de l'ASN de réaliser des audits "installation par installation" et cela "sur cinq points : les risques d'inondation, de séisme, de perte des alimentations électriques et de perte du refroidissement ainsi que la gestion opérationnelle des situations accidentelles."
En anticipant de deux jours le sommet européen chargé de discuter des tests de résistance, la France semble vouloir assurer le contrôle de l'ASN sur la vérification des installations françaises. La lettre de François Fillon, confirme indirectement que l'audit de l'ASN tiendra lieu de test européen puisqu'il est demandé à André-Claude Lacoste "de veiller à assurer la cohérence de cette démarche avec les travaux menés sur le plan européen."
Un objectif paradoxal car l'ASN doit établir le cahier des charges "sous un mois" alors que celui des tests européens ne devrait être connu qu'en juin 2011.