Le tri des textiles fait l'objet depuis plusieurs années de recherches. Et sur ce sujet, les voyants passent au vert : la seconde étude réalisée par le bureau d'études Terra pour Refashion tend à montrer que des procédés de tri automatisés sont au point. Reste dorénavant à les déployer à l'échelle industrielle. Et, là aussi, les nouvelles sont bonnes, puisque des projets devraient se concrétiser d'ici 2025.
Il y a deux ans, les professionnels déploraient encore les limites du tri manuel. Parfait pour identifier les habits réemployables en fonction de l'usure, de la marque ou de la mode, il ne permet pas d'identifier au toucher la nature exacte des textiles. L'application du tri mécanique aux déchets textiles était perçue comme une bonne option pour massifier le gisement recyclable, en séparant finement les textiles. Et cela à une cadence soutenue (une capacité de 30 000 tonnes triées par centre et par an était visée). Mais il s'agissait surtout d'une piste à l'étude, tant de nombreux doutes subsistaient.
De nombreux acteurs s'étaient lancés dans la course : Tomra (avec le projet SIPTex en Suède), Pellenc ST, le spécialiste du tri semi-automatique des textiles Valvan (le projet Fibersort, aux Pays-Bas), SpectralEngines (le projet finlandais Reiskatex), LLAInstruments (le projet Resyntex, porté par Soex, l'opérateur allemand de tri des textiles) et Iosys (avec le projet de Koopera en Espagne). Aujourd'hui, les principaux doutes sont levés, selon l'étude réalisée pour Refashion.
Les résultats rassurants du proche infrarouge
En l'occurrence la spectroscopie proche infrarouge (NIR, de l'anglais Near Infrared) a montré sa capacité à trier des matières textiles et semble avoir pris le dessus sur d'autres technologies envisagées (reconnaissance par identifiant numérique – QR code, RFID ou NFC). La technologie est jugée adaptée à la composition chimique des textiles (les différentes matières sont bien différenciables), les équipements sont considérés relativement abordables et il est possible d'employer des caméras hyperspectrales pour mesurer le spectre de la matière en plusieurs points (et détecter les textiles composés de plusieurs matières ou les superpositions d'articles).
Des équipements déjà disponibles
« Le tri des matières textiles par spectrométrie proche infrarouge, encore en développement il y a trois ans, commence à être utilisé de manière opérationnelle en Europe, avec plusieurs lignes automatisées en fonctionnement », constate l'étude, qui anticipe la concrétisation rapide de plusieurs projets de centres de tri. Si un modèle économique du tri des déchets émerge et si la demande en textiles à recycler décolle, alors la technologie basculera vers une industrialisation et un déploiement à plus grande échelle, prédit le cabinet Terra.
Concrètement, l'étude a identifié six machines de tri automatisées disponibles (proposées par Pelenc, Picvisa, Tomra et Valvan), capables de trier les textiles selon leur couleur et leur composition, deux tables de tri assurant un tri ponctuel (proposées par Matoha et Valvan) et quatre spectromètres portatifs (proposés par Matoha, Senorics, Spectral Engines et Trinamix). Les machines de tri, qui offrent le service le plus complet, sont en mesure de trier entre une et deux pièces à la seconde, ce qui représente de 1,2 à 2 tonnes par heure).
Au total, neuf lignes de tri automatisées en fonctionnement ou en projet ont aussi été répertoriées en Europe. Trois d'entre elles s'approchent ou dépassent l'objectif de 30 000 tonnes par an : le projet suédois SIPTex inauguré en 2022 constitue une unité de tri à l'échelle industrielle capable de trier 24 000 tonnes par an ; Synergies TLC, qui regroupe six opérateurs de collecte et de tri, compte lancer en France un pilote en 2023, puis une usine d'une capacité de 25 000 tonnes en 2025 ; et ReHubs, un projet porté par la Confédération européenne du textile (Euratex) et Texaid, un opérateur de collecte et de tri des textiles, compte inaugurer en 2024 une première unité capable de trier 50 000 tonnes par an (cinq centres de tri sont annoncées à terme).