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AccueilThierry LepercqAu-delà de la parité réseau : le solaire compétitif, vecteur de changement systémique

Au-delà de la parité réseau : le solaire compétitif, vecteur de changement systémique

Thierry Lepercq, Président de Solairedirect, nous apporte son éclairage sur les effets systémiques d'une énergie photovoltaïque industrielle, devenue depuis la fin 2014, la source d'énergie électrique la moins chère sur tous les continents.

Publié le 10/02/2015
Environnement & Technique N°345
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°345
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En 2008 Anton Milner, président-fondateur de Q-Cells, une entreprise allemande qui était à l'époque le leader mondial des cellules photovoltaïques avec plus de 10 milliards d'euros de capitalisation boursière, avait prédit : "ce n'est pas la parité réseau, ce moment où l'électricité solaire devient une énergie parfaitement compétitive, qui est en soit pertinente. Ce qui compte, c'est ce qui arrive au-delà. Dès lors l'unité de mesure pour le solaire, ce n'est plus le gigawatt, mais le térawat".

L'histoire a été cruelle avec Q-Cells, qui a déposé son bilan en 2011 – alors même que la prédiction de son président devenait une réalité.

PV : l'électricité déjà la moins chère

C'est aujourd'hui une nouvelle encore passée inaperçue, d'une ampleur plus considérable que le développement des hydrocarbures de schiste et la baisse du prix du pétrole : le solaire photovoltaïque industriel (systèmes au sol d'une puissance supérieure à quelques mégawatts) est devenu fin 2014 la source d'énergie électrique la moins chère sur tous les continents.

L'effet systémique de cet événement historique sur les marchés de l'énergie va rapidement devenir aussi majeur que le prédisait Anton Milner.

D'abord les faits, pour ceux qui auraient des doutes. Ce sont des appels d'offres et/ou des contrats privés (PPAs ou Power Purchase Agreements) qui ont été attribués à des grands acteurs du secteur, portant au total sur plus de 2 gigawatts (et autant de milliards d'euros) :

  • Afrique du Sud (appel d'offres REIPP Round 3, novembre 2013) : 60 euros/MWh
  • USA (appel d'offres Austin Energy (Texas), mars 2014) : 42 euros/MWh (ou 62 euros/MWh hors effet de l'Investment Tax Credit)
  • Brésil (appel d'offres de l'Etat, décembre 2014) : 70 euros/MWh
  • Chili (appel d'offres de l'Etat, décembre 2014) : 70 euros/MWh
  • Inde (appel d'offres de l'Andhra Pradesh, novembre 2014) : 67 euros/MWh
  • Emirats Arabes Unis (appel d'offres DEWA, novembre 2014) : 50 euros/MWh

Et c'est même le cas en France, qui connait depuis 2013 un rebond sensible des capacités solaires installées grâce au tarif d'achat dit T5 (grands systèmes) - qui vient de passer à 66 euros/MWh pour les nouveaux projets.

A ce niveau-là le solaire est devenu (pour les nouvelles capacités) partout moins cher - sauf naturellement dans les zones à faible ressource solaire - que la plupart des autres sources de production d'électricité (gaz, charbon, nucléaire, éolien et même hydraulique). Il est même aussi devenu le plus souvent moins cher que les capacités existantes amorties. Et ses coûts continuent de baisser inexorablement…

Innovation, industrialisation, financement

Comment cela est-il arrivé ? Le solaire photovoltaïque est la seule énergie électronique et non mécanique et de fait est sujet aux facteurs propres à l'industrie électronique : croissance régulière des rendements des cellules selon une règle proche de la loi de Moore et massification des unités de production. La baisse corrélative des prix des cellules et modules, phénomène bien connu, est supérieure à 80% depuis qu'Anton Milner avait émis sa prédiction.

Mais cette évolution est aussi le résultat d'une industrialisation à marche forcée de l'aval de la filière photovoltaïque, qui a permis la baisse - dans des proportions similaires - de facteurs de coûts moins connus : le Balance-of-System (onduleurs, équipement électriques, structures et génie civil) et les soft costs (développement, structuration juridiques et financière).

Et bien sûr, s'agissant d'une énergie très capitalistique, la capacité à diminuer les risques réels et perçus et la baisse des coûts de financement ont joué un rôle clé.

Et maintenant : avec 45 GW de nouvelles capacités installées en 2014 (source IHS) le solaire se positionne comme une des principales sources de nouvelles capacités électriques dans le monde, derrière le gaz et le charbon.

L'Agence Internationale de l'Energie elle-même prévoit dans un rapport récemment publié que le solaire sera en 2050 la principale source d'énergie dans le monde avec 26% du mix mondial. Sauf que… cette prévision se fonde sur des estimations de coûts bien plus élevées que celles qui ressortent des dernières données de marché : le basculement est donc bien plus proche.

Comment peut-on apprécier au juste l'effet systémique du solaire compétitif ? Deux angles doivent être examinés : les modèles économiques et l'intégration aux réseaux.

Quels effet systémique d'une énergie solaire compétitive ?

La compétitivité de l'électricité solaire ouvre un éventail très large de nouveaux modèles économiques, au-delà des traditionnels tarifs d'achat et appels d'offres publics : PPAs privés (Etats-Unis notamment), vente directe d'électricité sur les marchés spot (comme dans plusieurs pays d'Amérique Latine), autoconsommation par systèmes au sol – le surcoût massif de la production sur toiture en limitant l'intérêt hors subvention.

L'avantage principal du solaire est sa capacité à garantir des prix bas sur très longue période (10 ans ou plus). Dans le cas spécifique de la France, où la fin des tarifs réglementés fin 2015 est susceptible de se traduire par une augmentation sensible des factures pour les entreprises et collectivités, le solaire compétitif s'annonce comme un outil de choix de maîtrise des dépenses – et devrait faire basculer d'importantes parts de marché au détriment d'autres sources d'énergie plus onéreuses.

Les réseaux électriques fonctionnent quant à eux sur la base d'une double règle économique : le merit order et la distinction base/pointe.

Le principe du merit order spécifie la priorité d'accès au réseau aux énergies à coût marginal nul (comme le solaire ou l'éolien) ou faible (nucléaire ou charbon) par rapport aux énergies à coût marginal élevé (gaz ou fuel).

La base est quant à elle assurée par les énergies à coûts moyen plus faible, souvent non flexibles ou variables, (historiquement nucléaire et charbon, et désormais le solaire) et la pointe par les énergies flexibles – souvent les plus chères (gaz notamment). L'équilibre du réseau est assuré par un bon mix entre les différentes sources, la gestion de la demande (et demain le stockage) permettant de l'optimiser et d'augmenter la part d'énergies variables.

L'expérience des régions les plus solarisées d'Europe comme la Bavière, la Lombardie ou la Vénétie montrent que les réseaux électriques peuvent sans difficulté particulière absorber jusqu'à 20% de production solaire.

Avantages consommateurs qui s'affirment de manière incontestable, positionnement de facto en base sur les réseaux électriques : le solaire compétitif, qui peut par ailleurs se déployer rapidement et bénéficie d'un impact environnemental faible, s'apprête à changer fondamentalement les systèmes électriques partout dans le monde, et aussi en France.

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