La 17e réunion extraordinaire de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) s'est achevée le 27 novembre à Paris, au terme de dix jours de négociations pour décider du sort du thon rouge, espèce menacée.
Résultats : les 48 pays membres de la CICTA ont validé un quota de pêche de 12. 900 tonnes pour 2011 du thon rouge contre 13.500 en 2010 pour la zone Atlantique Est et Méditerranée. Soit une réduction de 5% (600 tonnes) par rapport à 2010. Ce quota est également fixé à 1.750 tonnes pour la zone Atlantique Ouest en 2011 (contre plus de 2.000 en 2010), ''dont 4 tonnes pour la France au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon'', a précisé l'association Robin des Bois.
Les Etats pêcheurs se sont ainsi prononcés sur un quasi statu quo des quotas, basés sur les avis émis par les scientifiques du CPRS (Comité permanent sur la recherche et les statistiques) de la CICTA. Ces derniers estimaient qu'un quota stable permettrait de parvenir à 63% de chances de rétablissement de l'espèce d'ici 2022.
Or, ce seuil est jugé insuffisant par les ONG environnementales qui notent que ce quota ne prend pas en compte la pêche illégale en Méditerranée. Pour Greenpeace, ce chiffre, ''ne laisse qu'environ 30% de chance au stock de se reconstituer d'ici à 2020" et ne permettra donc pas d'atteindre l'objectif pris à la conférence de Nagoya sur la biodiversité qui prévoit que d'ici cette date, tous les stocks de poissons seront gérés de manière "durable" et légale. Ce qui sous-entend une disparition de la surpêche dans dix ans…
''Un échec sur toute la ligne''
Les ONG, qui ont dénoncé à l'unisson un ''échec'' de la réunion, ont parlé de condamnation à mort de l'espèce. ''Quel sort funeste réserve-t-on au thon rouge en cette année internationale de la biodiversité ?'', s'est interrogé Serge Orru, Directeur général du WWF-France. Alors que les associations plaidaient pour une réduction du quota à 6.000 tonnes pour 2011, elles n'ont pas non plus été entendues par la CICTA pour suspendre la pêche industrielle à la senne et instaurer des réserves dans les zones de reproduction en Méditerranée. "Une nouvelle fois, les délégations ne se sont pas préoccupées d'assurer la sauvegarde d'une espèce emblématique et menacée'', a fustigé François Chartier, chargé de campagne Océans de Greenpeace en déplorant que ''seul ait primé l'intérêt économique à court terme de la pêche industrielle''.
Les Etats-Unis et le Japon, qui réclamaient des contrôles plus sévères contre la pêche illégale et avaient proposé d'embarquer des observateurs, n'ont pas non plus été suivis. Tokyo, qui consomme 80% des prises de thons rouges, avait même proposé d'interdire dès 2011 la pêche aux flottes qui ne présenteraient pas de plan spécifique de prévention de la fraude. Mais cette proposition a été rejetée. En revanche, d'après Robin des Bois, ''les mesures de contrôle ont été renforcées notamment par des restrictions des opérations de pêche conjointes et une meilleure traçabilité des captures entre les zones de pêche et les cages d'engraissement''. Ce qui n' a pas totalement convaincu le chef de la délégation du Japon Masanori Miyahara qui a fait part de son insatisfaction à l'AFP. "Il nous reste à mettre beaucoup de choses en oeuvre pour s'assurer" de l'efficacité des contrôles et "de la capacité de chacune des parties de s'y tenir".
La commissaire européenne à la Pêche Maria Damanaki, qui avait recommandé en octobre un quota de 6.000 tonnes avant de faire volte-face, a quant à elle fini par se résigner à la décision de la CICTA. Elle considère que la décision prise constitue "un pas dans la bonne direction pour une gestion durable du thon (…) C'est important non seulement pour les eaux et les stocks de la CICTA mais aussi pour la gestion des pêches dans le monde et pour l'Union européenne".
Les pêcheurs français, les grands perdants ?
La France, qui avait plaidé pour un maintien du quota à 13.500 tonnes, a vu sa demande d'échelonnement du remboursement de sa ''dette-thon'' rejetée, suite à des objections de la Norvège et de l'Union européenne pour qui seul l'Hexagone est concerné.
La France a en effet dépassé son quota en 2007 et doit rembourser 1.500 tonnes par an pour 2011 et 2012. Sur les 2.500 tonnes de quota français pour l'an prochain, les thoniers ne seront donc autorisés à pêcher qu'environ 1.000 tonnes de thon, soit la moitié de 2010. ''Pour le thon rouge, la France n'aura non seulement pas donné l'exemple mais se sera en plus tirée une balle dans le pied : elle sera la seule à avoir un quota drastiquement réduit en 2011'', a déclaré Isabelle Laudon, responsable des politiques européennes au WWF-France.
Pour François Chartier de Greenpeace, ''si la France avait dès le départ défendue une baisse du quota et une fermeture de la pêche à la senne, tous les pays pêcheurs aurait été dans la même situation, la ressource aurait été préservée et un conflit avec la Commission européenne évité. Aujourd'hui les pêcheurs français sont les seuls à rester à quai et l'espèce est toujours en mauvaise posture''. C'est un quasi moratoire pour la pêche française... avec ''un impact sur 500 emplois directs et 500 emplois indirects", a réitéré le ministre de la pêche Bruno Le Maire, ce lundi 29 novembre à Bruxelles.