Les pouvoirs publics veulent déployer une version numérique du bordereau de suivi des déchets dangereux (BSDD). Ils développent actuellement Trackdéchets, une plateforme destinée à assurer la traçabilité des déchets, a expliqué, le 10 octobre, Emmanuel Flahault. L'inspecteur des installations classées en charge du nouveau service s'exprimait à l'occasion d'une journée organisée à l'attention des utilisateurs des logiciels de l'entreprise Kerlog.
La version bêta du dispositif est actuellement développée pour les déchets dangereux dont le suivi est imposé par la réglementation. Mais il peut aussi être utilisé par tous les prestataires qui veulent assurer la traçabilité de déchets, qu'il soient dangereux ou pas. Trackdéchets pourrait notamment être utilisé dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP), même si pour l'instant les éco-organismes semblent réticents et préfèrent leur propre outil de suivi.
Imposer Trackdéchets à l'horizon 2021 ?
Trackdéchets est en ligne depuis le début de l'année et il est progressivement connecté aux systèmes de suivi des opérateurs qui en font la demande. Pour l'instant la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) « veut que les acteurs se l'approprient par l'usage », explique Emmanuel Flahault. La clé du succès sera l'adoption de l'outil par les principales entreprises offrant des exutoires aux déchets dangereux. Chimirec sera connecté d'ici la fin de l'année, rapporte Emmanuel Flahauht. La dizaine d'autres gros acteurs du secteur serait aussi sur le point d'utiliser l'outil.
Une fois adopté en bout de chaîne, l'utilisation devrait se répandre jusqu'aux producteurs, espèrent les pouvoirs publics. Ces derniers mettent notamment en avant le fait qu'en bout de course, les producteurs sont directement informés de la fin du processus d'élimination des déchets. Ce point est censé leur simplifier la vie en évitant les problèmes de non-retours de BSDD par les exutoires.
La transition vers Trackdéchets pourrait bien évidemment faire face à la résistance de certains acteurs. Aussi le ministère de la Transition écologique et solidaire pourrait imposer Trackdéchets à l'horizon 2021, notamment pour mettre en œuvre les registres électroniques prévus par la législation européenne. « Ça arrive vite », a mis en garde Emmanuel Flahault.
S'assurer du bon traitement des déchets
Concrètement l'outil élimine la version papier du BSDD et assure une traçabilité en temps réel en regroupant toutes les informations sur une plateforme unique. Le suivi, étape par étape, « intéresse beaucoup les industriels », assure Emmanuel Flahault. Il rappelle notamment que le producteur de déchets en est responsable jusqu'à leur élimination et il insiste sur le fait que Trackdéchets permet de s'assurer que toutes les étapes de traitement des déchets sont bien effectuées. L'outil permet enfin d'avoir rapidement des données statistiques sur les déchets produits et d'éditer le registre au format Gerep.
Lutter contre les falsifications
Bien sûr l'outil présente aussi des avantages pour les pouvoirs publics. Il leur permet, en particulier, d'avoir une connaissance en temps réel de la gestion des déchets en France. Ce suivi est impossible avec les quelque 16 millions de bordereaux en papier émis chaque année. En outre, les services de l'État doutent de l'efficacité du système de traçabilité actuel car le BSDD en papier est facilement falsifiable. Les agents de l'État constatent en particulier que les statistiques des échanges aux frontières de certaines catégories de déchets ne correspondent pas aux données recueillies par le biais de la déclaration annuelle des émissions et des transferts de polluants et des déchets (déclaration Gerep). « On exporte plus de déchets qu'on en produit », résume, dubitatif, Emmanuel Flahault. Avec Trackdéchets, ces données ne pourront plus être falsifiées.
Dans le même esprit, le système permettra de vérifier que les déchets passent bien par des sites autorisés à les recevoir. Il permettra aussi de mieux connaître l'état des stocks de déchets accumulés sur certaines installations. « Ça permettra au Dreal d'agir avant qu'il ne soit trop tard », explique Emmanuel Flahault. L'inspecteur des installations classées a notamment deux situations en tête : le traitement de déchets en dehors des ICPE et l'accumulation de déchets par des entreprises qui finissent par disparaître en laissant des sites orphelins.