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La signature d'un traité sur la haute mer bute sur la question des financements

La 5e session de négociations internationales destinée à finaliser un traité sur la protection de la haute mer a échoué sur la question du financement des pays du Sud, malgré de réels progrès. La possibilité de conclure les négociations en 2022 s'éloigne.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
La signature d'un traité sur la haute mer bute sur la question des financements

Les promoteurs d'un accord international sur la haute mer fondaient beaucoup d'espoir sur le cinquième round de négociations, organisé du 15 au 26 août 2022 à New York. Malheureusement, les délégués ont suspendu la session, le 26 août, faute d'être parvenus à temps à un accord.

L'absence de conclusions frustre de nombreuses parties prenantes, en particulier les ONG environnementales. « La haute mer représente 64 % de la surface des océans et près de la moitié de la surface du globe, mais elle ne dispose aujourd'hui d'aucune protection spécifique, rappelle Greenpeace. Un traité permettant de créer des espaces protégés dans ces zones, dans lesquelles il n'y a actuellement aucun moyen d'encadrer les activités humaines de manière globale, est donc indispensable. »

Des progrès significatifs ont, malgré tout, été obtenus lors de ces négociations. Ils pourraient ouvrir la voie à l'adoption d'un texte lors de la reprise des discussions, à une date qui reste toutefois indéterminée.

« Égoïsme des pays riches »

La création d'un instrument juridiquement contraignant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des juridictions nationales (BBNJ) est un long processus puisque les discussions internationales ont été initiées dès 2004. Des progrès notables ont toutefois été réalisés sur les quatre principaux points, qui sont au cœur des discussions depuis 2011, rapporte l'Institut international pour le développement durable (IISD), à savoir le partage des avantages issus des ressources génétiques marines, les outils de gestion par zones, dont les aires marines protégées (AMP), les évaluations d'impact sur l'environnement et le transfert des technologies marines.

« Il y a eu pas mal de progrès réalisés durant cette session ; malheureusement, pas suffisamment pour aboutir au traité, car il y a encore un certain nombre de dispositions sur lesquelles les États n'ont pas réussi à trouver un texte qui convienne à tout le monde », résume Julien Rochette, directeur du programme océan de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

“ Le principal point de blocage a été le volet des contributions financières des potentielles ressources de la haute mer, les pays développés bloquant sur un mécanisme de partage avec les pays du Sud. ” Greenpeace
Concernant les ressources génétiques, des divergences persistent sur la mise en place d'un mécanisme d'accès et de partage des avantages, en particulier sur la possibilité d'un partage monétaire réclamé par les pays du Sud, ainsi que sur les droits de propriété intellectuelle. « La nature du mécanisme permettant un partage monétaire n'est pas encore décidée », explique M. Rochette. De leur côté, les ONG pointent l'attitude des pays du Nord. « Le principal point de blocage a été le volet des contributions financières des potentielles ressources de la haute mer, les pays développés bloquant sur un mécanisme de partage avec les pays du Sud, montrant l'égoïsme des pays riches », fustige Greenpeace.

Les points de vue des délégations sur les outils de gestion par zones se sont, en revanche, rapprochés sur la plupart des dispositions. Parmi celles-ci figure le projet de créer des aires marines protégées sur 30 % des océans d'ici à 2030. Cet objectif, qui avait été porté par la Coalition de la haute ambition pour la nature et les hommes lors du One Planet Summit du 11 janvier 2021, ne peut être atteint sans ce traité, rappelle l'Alliance pour la haute mer (HSA), un collectif international regroupant plus de 40 ONG. La nature des liens entre le futur traité et les organisations existantes, comme l'Organisation maritime internationale (OMI) ou les organisations régionales de pêche, ne fait pas encore l'objet d'un consensus, décrypte Julien Rochette de l'Iddri.

En ce qui concerne les évaluations d'impact, l'IISD fait état de « progrès impressionnants » sur l'une des parties les plus techniques de l'accord. « Des différences subsistent sur la prise de décision, les seuils et une approche basée sur la zone concernée par rapport à l'impact », relève toutefois ce dernier. « Il reste des désaccords, notamment sur le mécanisme de décision faisant suite à ces études », explique aussi Julien Rochette. Des progrès notables ont par ailleurs été accomplis sur le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines, avec la décision de créer un comité ad hoc. Mais les modalités de financement constituent, là aussi, un point d'achoppement.

« Avancées essentielles »

Le ministère français des Affaires étrangères et le secrétaire d'État chargé de la Mer saluent, dans un communiqué, ces « avancées essentielles ». Le gouvernement réaffirme sa détermination à « mobiliser la communauté internationale pour protéger l'océan et sa biodiversité et permettre un juste partage de ses ressources », à quelques mois de la COP 15 de Montréal qui doit fixer un cadre mondial pour la biodiversité. « Avec ses partenaires de l'Union européenne et de la coalition de haute ambition "Protéger l'océan : le temps de l'action" qu'elle a initiée, la France restera pleinement mobilisée pour que soit conclu dans les tout prochains mois un traité ambitieux et universel qui renforce la gouvernance de la haute mer et établisse les outils nécessaires à une protection effective de l'océan et à une utilisation durable de ses ressources », assurent les représentants du gouvernement.

Si elles reconnaissent les progrès réalisés, les ONG déplorent l'absence d'accord final, notamment du fait de l'attitude des pays développés, y compris des membres de la coalition de haute ambition lancée lors du One Ocean Summit, en février dernier à Brest, et qui regroupe une quarantaine d'États. « La réalité est que la plupart des pays, y compris ceux de la coalition, n'ont affiché qu'une ambition de façade, et les concessions attendues sur les financements, les enjeux de propriété intellectuelle ou les aires marines protégées, n'ont pas permis de trouver un deal », dénonce la Fondation Tara Océan.

« La haute mer est aujourd'hui une zone de non-droit, qui attire les convoitises de toutes sortes. Un retard supplémentaire signifie la destruction des océans, et met en péril les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire de milliards de personnes dans le monde », rappelle François Chartier, chargé de campagne océans pour Greenpeace France, qui réclame une nouvelle session extraordinaire de négociations d'ici à la fin de l'année. « Dans un contexte de crise climatique et de perte accélérée de la biodiversité, ce traité doit être l'occasion de catalyser la protection de la moitié du globe, mais aussi la recherche en haute mer pour mieux connaître et comprendre l'océan et sa biodiversité, pour mieux prédire les évolutions de la vie marine et pouvoir ainsi préparer les sociétés côtières à l'ampleur du changement climatique et des pollutions », plaide Tara Océan. Dans son rapport spécial de septembre 2019, le Giec avait d'ailleurs souligné la nécessité de protéger les océans pour répondre à l'urgence climatique.

« Bien que la cinquième session de la conférence intergouvernementale n'ait pas réussi à proposer un nouveau traité sur les océans, le qualifier d'échec serait injuste », estime l'IISD. Mais les États vont devoir prendre le taureau par les cornes s'ils souhaitent rapidement aboutir à un traité international. « Il y a un moment où il va falloir que ça devienne un peu plus politique que ça ne l'est aujourd'hui, que les États au plus haut niveau puissent en discuter autour de la table », explique Julien Rochette, soulignant l'opportunité liée à l'assemblée générale des Nations unies, qui doit se tenir mi-septembre. Ce renforcement de l'ambition au niveau politique doit s'opérer en parallèle de la poursuite du travail informel effectué à travers les échanges des délégations, ajoute le représentant de l'Institut de recherches. « L'idée est toujours de rechercher le consensus en droit international », ajoute-t-il.

Réactions3 réactions à cet article

Le financement... surtout la mauvaise volonté de tous les pilleurs de la planète. Et la France est du lot, avec par exemple son refus de sanctuariser les réserves naturelles marines du plateau continental pour pouvoir y implanter des éoliennes... Ou le chalutage profond, qui détruit irrémédiablement des surfaces gigantesques.

dmg | 30 août 2022 à 09h03 Signaler un contenu inapproprié

Le financement ne peut poser problème pour un sujet aussi crucial que l'avenir de l'humanité sur terre. Je me demande comment on a trouvé les moyens de financer la guerre en Ukraine en deux secondes? Lorsque nos enfants nous interpellent sur l'avenir, le changement climatique, avec véhémence, il est urgent que nos "dirigeants " soient moins irresponsables. Le monde le plus proche de nous est à 42 200 000 000 000 de km et on ne sait pas s'il y a un équivalent de la terre là-bas. Nos dirigeants doivent cesser de faire des plans dans les étoiles, qu'ils n'atteindront jamais. Donc la Terre est notre seul village, il brûle et nous regardons ailleurs.

Nkoyewangulaetanga | 30 août 2022 à 11h59 Signaler un contenu inapproprié

Plutôt d'accord avec vous, dmg. Si la France refuse de sanctuariser nombre de réserves naturelles marines, il y a certes des raisons liées à la pêche mais également d'autres, comme préserver la possibilité d'exploiter des gisements sous-marins de minerais (exemple : le gisement de Lithium de la Baie d'Audierne, qui fait tant saliver le groupe Bolloré pour ses usines de batteries à proximité, mais dont le projet d'exploitation se heurte à celui de la création d'une réserve naturelle). Pas persuadé en revanche que l'éolien off-shore en pleine mer en soit une, le coût de raccordement au continent de tel parcs serait bien trop élevé et ceux liés à l'entretien également donc rédhibitoires.
Intervient également très probablement une allergie atavique de nos décideurs à tout ce qui touche à la conservation de la nature (ce "machin" organique multiforme qu'ils ne connaissent pas et comprennent encore moins, voir redoutent), surtout si cela peut un jour ou l'autre contrarier tel ou tel projet économique.

Pégase | 30 août 2022 à 12h17 Signaler un contenu inapproprié

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