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Traité sur les pollutions plastiques : quelle ambition pour la négociation de Paris ?

En fin 2022, le CIDCE a publié un projet de convention sur la pollution plastique, suite à l'adoption par les Nations unies d'une résolution pour élaborer un texte international juridiquement contraignant contre la pollution plastique.

DROIT  |  Étude  |  Déchets  |  
Droit de l'Environnement N°321
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°321
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Traité sur les pollutions plastiques : quelle ambition pour la négociation de Paris ?
Sühendan Göksal et Gabriel Andrés Suárez Gómez
Respectivement doctorante à l'université de Strasbourg et juriste en droit de l'environnement
   

« Les matières plastiques sont aujourd'hui un fléau (1) qui s'abat sur les espaces maritimes avec une estimation de 150 millions de tonnes de plastiques présentes dans les océans selon un rapport du 8 juin 2018 établi par la World Wildlife Fund. »

Le plastique représente une menace protéiforme. La pollution causée par les plastiques affecte non seulement les milieux naturels mais aussi les droits humains, le bien-être humain ainsi que la santé humaine, animale et végétale. Afin de parer les risques que présente le plastique, le 2 mars 2022, 175 pays, réunis à Nairobi par la 5èmeAssemblée des Nations unies pour l'environnement (Anue) ont voté la résolution 5/14 ouvrant la voie à un traité mondial de lutte contre la pollution plastique. La résolution est intitulée « Mettre fin à la pollution plastique : vers un instrument international juridiquement contraignant ».Un comité intergouvernemental de négociation (CIN) est chargé de rédiger et de ratifier un « instrument international juridiquement contraignant » sur la pollution plastique d'ici 2024. La première réunion du CIN a eu lieu à Punta del Este (Uruguay) du 28 novembre 2022 au 2 décembre 2022 et la deuxième réunion se tiendra à Paris du 29 mai au 2 juin 2023.

Le Centre international de droit comparé de l'environnement (CIDCE), organisation non gouvernementale (ONG) internationale de juristes de l'environnement, a élaboré fin 2022 un projet de convention sur la pollution plastique. Ce projet prend en compte les progrès du droit international de l'environnement depuis 1972. En effet, à l'heure actuelle, il n'est plus possible d'adopter une convention qui soit moins exigeante que l'état actuel du droit et qui n'aille pas au-delà même des stipulations internationales actuelles. En même temps, ce projet de convention internationale doit pouvoir intégrer des mesures capables de mesurer l'effectivité juridique de son application. Force est de constater que malgré les nombreux instruments internationaux en vigueur, leur effectivité est remise en question par la crise climatique et écologique actuelle.

Depuis la présentation du projet de convention, le CIDCE a transmis au secrétariat du CIN une fiche sur les « points essentiels que la convention sur les plastiques devrait englober ». Des sous-groupes thématiques composés par différents experts au niveau international préparent 6 rapports pour la réunion de Paris de fin mai 2023, à savoir :

1. Structure, préambule ;

2. Objectifs, définitions, champ d'application ;

3. Principes, obligations fondamentales ;

4. Production, utilisation, pollution, déchets ;

5. Commerce international ;

6. Information, éducation, coopération internationale, mise en œuvre.

Il s'agit pour le CIDCE de contribuer à la lutte contre la pollution plastique, à la protection de l'environnement et à la sauvegarde des droits humains.

I.    NÉCESSITÉ D'UN TRAITÉ INTERNATIONAL CONTRAIGNANT

La production des plastiques dans le monde augmente de façon constante depuis des décennies et excède déjà largement les capacités de collecte, de gestion et de recyclage. Les déchets plastiques sont omniprésents et se retrouvent dans les endroits les plus bas et les plus hauts de la planète, des profondeurs de la fosse des Mariannes aux neiges du mont Everest. Un nombre croissant d'études scientifiques (2) soulignent la présence de déchets plastiques, notamment sous forme de microplastiques et dans l'ensemble de la chaîne alimentaire.

La pollution causée par les plastiques affecte (3) non seulement les milieux naturels mais aussi les droits humains, le bien-être humain ainsi que la santé humaine, animale et végétale.

CIDCE - Statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies- Observateur à l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement

POINTS ESSENTIELS QUE LA CONVENTION SUR LES PLASTIQUES DEVRAIT ENGLOBER

I. Soubassements et objectifs :

Étant donné la menace protéiforme que représentent les plastiques, la future convention devrait s'adresser tant à l'aspect environnemental qu'aux aspects social, sanitaire et économique.
La pollution causée par les plastiques affecte non seulement les milieux naturels mais aussi les droits humains, le bien-être humain ainsi que la santé humaine, animale et végétale. La convention devrait concerner à la fois les milieux aquatiques, marins et terrestres.
La convention devrait reposer sur l'approche « Une seule santé », porteuse d'une « santé planétaire » intégrant étroitement la santé humaine, animale, végétale et la conservation des écosystèmes.
La convention devrait s'aligner avec les dimensions environnementale, sociale et économique du développement durable, la dimension sanitaire et les objectifs de développement durable (ODD).
La convention devrait inclure des répercussions de la pollution plastique sur les droits humains. La crise engendrée par l'usage des produits plastiques a des conséquences sur un large éventail de droits humains, notamment les droits à la vie, au meilleur état de santé possible, à un environnement sain, au logement, à l'eau et à l'assainissement, à une alimentation adéquate, à l'égalité et à la non-discrimination, les droits des travailleurs informels du secteur de la collecte ainsi que les droits à l'information, à la participation et à un recours utile (1). En particulier, la convention devrait contribuer à assurer la jouissance effective du droit à un environnement propre, sain et durable.
La convention devrait permettre de lutter contre les injustices environnementales aggravées par la pollution plastique (2). En effet, les personnes en situation de vulnérabilité telles que celles qui vivent en pauvreté, les communautés autochtones et côtières et les enfants, sont touchées de manière disproportionnée par le cycle du plastique et les violations des droits humains qui y sont liées. Parmi les personnes les plus affectées, les travailleurs des secteurs informel et coopératif travaillent souvent dans des pays où ce genre travail n'est généralement pas réglementé. D'où la nécessité pour la convention de promouvoir la justice environnementale.
La convention devrait reposer sur une approche fondée sur l'ensemble du cycle de vie des plastiques. À égard, le concept d'économie circulaire est un point nodal.
L'objectif de la convention devrait consister en deux piliers : la pollution liée à la fabrication et à l'utilisation des plastiques. La convention devrait avoir pour but d'éliminer et de réduire la pollution causée par les plastiques dans les écosystèmes aquatiques et terrestres ; la convention devrait traiter de la production, l'utilisation et la consommation des plastiques et viser à assurer sa réduction, réutilisation et recyclage.
La convention devrait garantir la protection et le partage des connaissances locales et traditionnelles ainsi que le respect des droits des communautés locales et autochtones.
II. Principes :

La convention devrait être basée sur les principes de précaution, de prévention, du pollueur-payeur, d'accès à l'information, de participation du public, d'accès à la justice, de non-régression, de solidarité écologique, des responsabilités communes mais différenciées et de responsabilité élargie du producteur.

III. Définitions :

Il est fondamental que les définitions des termes utilisés dans la convention soient fondées sur la science.

IV. Aspect commercial :

La convention devrait disposer que les mouvements transfrontières de déchets plastiques sont interdits ou, à défaut, réduits au minimum avec une surveillance renforcée et une autorisation préalable ;

V. Mise en œuvre :

La convention devrait être juste, équitable et effective. À cet effet, elle devrait tenir compte des circonstances et des capacités nationales des pays et reposer sur leurs responsabilités communes mais différenciées, leurs capacités respectives et leur situation sociale et économique. Cela pourrait nécessiter, à titre exceptionnel, un certain degré de flexibilité permettant aux États de jouir d'une marge d'appréciation dans la mise en œuvre de la convention.

Aux fins de sa mise en œuvre, la convention devrait prescrire l'élaboration de plans nationaux d'action.

La convention devrait instaurer un système de suivi (monitoring), des rapports nationaux (reporting) et un examen indépendant, avec un comité de respect des obligations.

La convention devrait encourager un large éventail d'approches alternatives aux plastiques, de substituts durables et de technologies alternatives.

La convention devrait aussi prôner le transfert des technologies et le renforcement des capacités.

Compte tenu de la nature transfrontière de la pollution, la convention devrait instituer des mécanismes de coopération et de coordination.

VI. Protocoles :

La pollution plastique étant multiforme, les problèmes qu'elle pose sont divers et requièrent parfois des solutions diverses. À cette fin, il pourra s'avérer utile d'adopter des protocoles additionnels à la convention traitant de plastiques spécifiques, tels que ceux utilisés dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche ou les microplastiques.



(1) Rapport du Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, Marcos Orellana, n° 9

(2) Rapport du Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, Marcos Orellana, n° 11
Tout d'abord, la pollution plastique exerce une pression néfaste sur la biodiversité. Elle menace (4) les écosystèmes, les espèces animales et végétales, entravant leur capacité à fournir des services essentiels à l'humanité. Si les rejets de matières plastiques dans l'océan et les conséquences sur la vie marine (5) ont été les plus étudiés, la pollution plastique affecte également les écosystèmes d'eau douce et terrestres. Si bien que le futur traité devrait porter non seulement sur la pollution plastique dans les milieux marins mais également dans les écosystèmes terrestres. La déclaration Kunming-Montréal adoptée lors de la COP15 qui fixe le nouveau cadre mondial pour la protection de la biodiversité en succédant aux objectifs d'Aichi (6) , vise, dans la cible 7, à éliminer la pollution plastique.

Les travaux de la Conférence intergouvernementale pour un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (Convention BBNJ (7) ) ont abouti à un accord le 6 mars 2023 destiné à protéger les océans ne relevant pas de la juridiction nationale. Le texte fait référence explicitement (8) , dans son préambule, à la pollution plastique.

En outre, la pollution plastique a des répercussions sur les droits humains. La crise engendrée par l'usage des produits plastiques a des conséquences sur un large éventail de droits humains (9) , notamment les droits à la vie, au meilleur état de santé possible, à un environnement sain, au logement, à l'eau et à l'assainissement, à une alimentation adéquate, à l'égalité et à la non-discrimination, les droits des travailleurs informels du secteur de la collecte ainsi que les droits à l'information, à la participation et à un recours utile.

Un traité ayant pour objectif de lutter contre la pollution plastique contribue également à garantir la jouissance effective du droit à un environnement propre, sain et durable. Il est à noter que le 8 octobre 2021, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies (CDHNU) a adopté la résolution 48/13 reconnaissant le droit à un environnement sain comme étant un droit humain essentiel, ce qui était une première étape importante. Par la suite, le 28 juillet 2022, l'Assemblée générale (AGNU) a adopté la résolution 76/300 qui consacre le droit à un environnement propre, sain et durable. Par cette décision, l'Organisation des Nations unies (ONU) reconnaît que la dégradation de l'environnement se trouve parmi les menaces les plus graves pour l'avenir de l'humanité.

La pollution plastique menace à la fois la santé des humains et celle de l'environnement. Elle confirme, après la pandémie, la nécessité de l'approche « une seule santé ». La santé « planétaire » doit intégrer étroitement la santé humaine, animale, végétale et la conservation des écosystèmes pour prévenir les pandémies (10) et permettre de lutter contre le déclin de la biodiversité et les dérèglements climatiques, afin d'assurer le développement durable dans le respect des limites planétaires.

Enfin, les volumes croissants de déchets plastiques et l'exposition à des additifs toxiques contenus dans les plastiques aggravent les injustices environnementales. En effet, entre autres, les personnes en situation de vulnérabilité, telles que ceux qui vivent dans la pauvreté, les communautés autochtones et côtières et les enfants, sont touchées de manière disproportionnée par le cycle du plastique et les violations des droits humains qui y sont liées. Ceux qui sont le plus affectés (11) incluent les travailleurs des secteurs informel et coopératif, dont beaucoup travaillent dans des pays où le travail qu'ils effectuent n'est pas réglementé.

Marqueurs de l'anthropocène dans l'ère géologique actuelle, les plastiques font désormais partie des archives fossiles de la terre, et ont donné leur nom à un nouvel habitat microbien marin, la « plastisphère (12)  ».

Cependant, malgré les risques environnementaux et sanitaires que présente la pollution plastique, il n'y a actuellement aucun instrument juridique contraignant traitant des risques et des dommages pour la santé humaine et l'environnement à toutes les étapes du cycle de vie des plastiques. Les instruments internationaux existants ne couvrent (13) que certaines régions marines ou certains aspects du cycle des matières plastiques. La négociation et l'adoption d'un instrument mondial traitant de toutes les étapes du cycle de vie des matières plastiques est indispensable et fait partie des urgences environnementales.

II.    QUELLE AMBITION POUR LA NÉGOCIATION DE PARIS ?

1. Objectifs poursuivis

Selon la résolution 5/14 adoptée par l'ONU à Nairobi, le traité futur a pour objectif de mettre fin à la pollution plastique. Autrement dit, le but est d'éradiquer la pollution causée par les plastiques dans les écosystèmes aquatiques et terrestres. Ce principal objectif implique plusieurs sous-objectifs. De ce fait, il convient de distinguer la pollution causée par les plastiques de l'utilisation/la consommation du plastique. Car tous les plastiques utilisés aujourd'hui ne finissent pas en tant que déchets.

Il est à souligner que le futur traité devrait prendre en compte l'ensemble du cycle de vie du plastique. Car les plastiques ont des effets négatifs sur les humains et l'environnement à chaque étape de leur cycle de vie - extraction du combustible fossile, production, fabrication, utilisation, recyclage et élimination. La production du plastique repose sur l'extraction et la transformation d'énergie fossile, elle aggrave le changement climatique. Les plastiques sont responsables de 3.4 % des émissions (14) mondiales de gaz à effet de serre. Il en découle que tous les types de plastique sont, d'une certaine façon, polluants. Le 31 janvier 2023, une réunion organisée par le CIN s'est tenue afin que les parties prenantes puissent présenter leurs propositions (15) . On a vu que certaines organisations (par exemple l'Organisation des pays exportateurs de pétroles (Opep)) négligeaient la pollution causée par l'extraction d'énergies fossiles pour produire le plastique. Dans cette réunion, elles ont déclaré : « nous avons absolument besoin de plastique, mais ce dont nous n'avons pas besoin, c'est de déchets plastiques ».

Dans les groupes de travail du CIDCE, il a été préconisé de séparer les plastiques polluants et les plastiques non polluants. Une autre approche serait, alors, de distinguer les plastiques nécessaires des plastiques non nécessaires. À titre d'illustration, la ville de Californie aux États-Unis a interdit la vente et l'utilisation des ballons (16) (ce qui est non nécessaire) dans l'espace public et durant tous les événements organisés par la ville, au motif que les ballons provoquaient des incendies et causaient une pollution marine.

Afin d'enrayer la pollution causée par les plastiques, un des objectifs poursuivis par le traité devrait être d'éviter et de réduire le volume de production et d'utilisation de tous les plastiques et d'éliminer la production et l'utilisation des plastiques polluants. Cela impliquerait de transformer le cycle de vie des produits par des actions reposant sur le principe « Réduire, Réutiliser, Recycler », dans le but de réduire, autant que possible, le volume des déchets solides et dangereux produits par les États et les activités humaines, en recourant à l'approche fondée sur l'économie circulaire.

Un accord politique sur des objectifs bien définis revêt une importance particulière car ces objectifs vont déterminer le contenu et l'étendue des obligations pesant sur les États.

2. Définitions

La réalisation des objectifs poursuivis par le traité requiert l'élaboration de définitions précises. Tous les acteurs -producteurs, demandeurs à l'action, experts, magistrats, assureurs, avocats – parlent le même langage et s'accordent sur les définitions qu'ils retiendront pour caractériser la pollution plastique. Qu'est-ce que l'on entend par plastique ou microplastique ? Plus particulièrement, la définition du cycle de vie du plastique fait l'objet de débats. Est-ce que l'on va y inclure l'extraction pétrolière ? Si le cycle de vie s'amorce par l'extraction pétrolière plutôt que par la fabrication des polymères, le futur traité devrait prendre en compte les pollutions causées par l'extraction et le transport du brut. Sur ce sujet, Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, a clairement annoncé que « Les plastiques sont des combustibles fossiles sous une autre forme et constituent une menace sérieuse pour les droits de l'homme, le climat et la biodiversité ».

Quant au moyens pour y parvenir, les négociateurs du traité devront faire face à des opinions divergentes sur la manière de résoudre le problème de la pollution : les organisations non gouvernementales (ONG) et les groupes de pression souhaitent souvent interdire les plastiques à usage unique et trouver des solutions de substitution plus sûres ; l'industrie des plastiques affirme que la pollution peut être résolue en améliorant la collecte des déchets ; les industries de gestion des déchets et de recyclage prônent un recyclage plus important. Le traité devrait inclure (17) toutes ces mesures, à des degrés divers. L'instrument devrait dès lors englober à la fois des approches contraignantes et volontaires.

3. Principes

La convention devrait être calquée sur les principes de précaution, prévention, pollueur-payeur, principe d'information, participation du public et accès à la justice, non-régression, solidarité écologique et responsabilité élargie du producteur. La convention devrait intégrer les dimensions environnementale, sociale, culturelle, sanitaire et économique du développement durable et des objectifs de développement durable 2030 (ODD).

4. Divers aspects du plastique et adoption de Protocoles à la convention plastiques

Parce que le problème auquel on est confronté est large, les solutions devraient également être diverses. À titre d'illustration, les plastiques sont largement utilisés en agriculture, qu'il s'agisse de semences recouvertes de plastique ou de films de paillage. Il est de plus en plus évident que les plastiques dégradés contaminent les sols et ont un impact sur la biodiversité et la santé des sols. Cela peut entraîner (18) une baisse de la productivité et menacer la sécurité alimentaire à long terme. Cela requiert la mise en point de plusieurs Protocoles qui traitent certains usages de plastiques tels que les usages agricoles, les engins de pêche, les usages médicaux et hospitaliers.

III.    L'EFFECTIVITÉ

La convention devrait être juste, équitable et effective. C'est la raison pour laquelle elle devrait prendre en compte les circonstances et capacités nationales et reposer sur leurs responsabilités communes mais différenciées, leurs capacités respectives et leur situation sociale et économique. De plus, cela requiert de la flexibilité qui permettrait aux États de jouir d'une marge d'appréciation dans la mise en œuvre de la convention. Il s'avère ainsi nécessaire d'instaurer un système de suivi (monitoring), de rapports (reporting) et un examen indépendant (compliance committee).

Un traité effectif pourrait encourager les actions en justice et être invoqué devant le juge, de même que l'Accord de Paris constitue un soubassement important de plusieurs contentieux climatiques. On pourrait voir fleurir les actions pour lutter contre la pollution plastique grâce au futur traité.

Il existe, en effet, déjà des actions en cours. Une affaire imminente aux Philippines pourrait créer un précédent important. En 2021, une coalition d'individus et de groupes environnementaux dirigée par le groupe de conservation marine Oceana Philippines a déposé une pétition accusant le gouvernement philippin de ne pas s'être attaqué à la production, l'utilisation et l'élimination sans relâche du plastique au cours des deux dernières décennies. Les pétitionnaires, parmi lesquels figurent des personnes qui pêchent moins de poissons, ont des difficultés à concevoir ou sont touchées par l'aggravation des inondations due à la pollution plastique, affirment que l'inaction du gouvernement viole leur droit constitutionnel à un environnement sain. La Cour suprême des Philippines a accepté l'affaire (19) .

En outre, Earth Island Institute, un groupe environnemental basé en Californie, a intenté trois procès distincts contre des producteurs de produits en plastique. En 2020, il a commencé à poursuivre Coca-Cola, Pepsi, Nestlé et d'autres grandes entreprises pour avoir créé une "nuisance" de pollution plastique.

Enfin, en France, le géant français de l'agroalimentaire « Danone » a été assigné, lundi 9 janvier 2023, devant le tribunal judiciaire de Paris pour non-respect du devoir en matière de plastique par trois organisations non gouvernementales (Surfrider Foundation Europe, Zero Waste France et ClientEarth). Ce recours, déposé devant le tribunal judiciaire de Paris, se fonde sur le devoir de vigilance.

La pollution plastique, signe de notre société du risque (20) à laquelle nous faisons face, requiert une réponse urgente et internationale. Le futur traité doit être à la fois ambitieux et réaliste. Il devrait être juste, effectif et équitable en respectant les limites planétaires.

 

1. CIDCE, Université Côte d'Azur, La mer a la parole, Protocole Additionnel au Protocole tellurique du 17 mai 1980 relatif à la prévention, à la gestion et à la lutte contre la pollution des déchets plastiques en mer méditerranée, faculté de droit et science politique - Campus Trotabas – Nice, 15-16 févr. 20192. Pnue, Marine plastic debris and microplastics – Global lessons and research to inspire action and guide policy change, Nairobi, 2016 ; Pnue, Neglected : Environmental Justice Impacts of Marine Litter and Plastic Pollution, Nairobi, 2021 ; Pnue, From Pollution to Solution: A global assessment of marine litter and plastic pollution, Nairobi, 2021 ; OCDE (2022), Global Plastics Outlook : Policy Scenarios to 2060, Éditions OCDE, Paris3. Delibes M., El mundo en la agonía, Círculo de lectores,1979, Barcelone4. Une étude récente a révélé une nouvelle maladie causée par le plastique, nommée « plasticose ». Cette maladie est provoquée par de petits éléments de plastique qui enflamment le tube digestif. Progressivement, l'intérieur de l'estomac se retrouve couvert de cicatrices. La croissance de l'oiseau, ses capacités digestives et au final sa survie sont impactées (Charlton-Howard H., Bond A., Rivers-Auty J., Lavers J., ‘Plasticosis': Characterising macro- and microplastic-associated fibrosis in seabird tissues,Journal of Hazardous Materials,Vol. 450, Elsevier, 15 Mai 2023)5. Pnue, Marine plastic debris and microplastics, op. cit ; Pnue, Combating marine plastic litter and microplastics : An assessment of the effectiveness of relevant international, regional and subregional governance strategies and approaches, Nairobi, 2017 ; Thevenon F., Carroll C., Sousa J., Plastic Debris in the Ocean: The Characterization of Marine Plastics and their Environmental Impacts, Situation Analysis Report, Gland, Switzerland, IUCN, 2014 ; Boucher J., Friot D., Primary Microplastics in the Oceans : A Global Evaluation of Sources, Gland, Switzerland, IUCN, 20176. Objectifs du Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-20207. Biodiversity Beyond National Jurisdictions8. « Recognizing the need to address, in a coherent and cooperative manner, biodiversity loss and degradation of ecosystems of the ocean, due to, in particular, climate change impacts on marine ecosystems, such as warming and ocean deoxygenation, as well as ocean acidification, pollution, including plastic pollution, and unsustainable use »9. CDHNU, Rapport du Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, Marcos Orellana, n° 910. Un projet de convention sur les pandémies a été publié par un groupe de juristes au sein du CIDCE, coordonné par Michel Prieur, président du comité, le 30 novembre 2021. Le projet est disponible sur le site cidce.org, dans la rubrique « Pandémies et environnement »11. CDHNU, Rapport du Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, op. cit. ; Pnue, Neglected : Environmental Justice Impacts of Marine Litter and Plastic Pollution, op. cit.12. Pnue, From Pollution to Solution : A global assessment of marine litter and plastic pollution, op. cit.13. En 2019, les États parties à la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination du 5 mai 1992 ont adopté des amendements aux annexes II, VIII et IX de la Convention pour contrôler les déchets plastiques et mettre fin au déversement de déchets. Les amendements définissent les plastiques qui sont des déchets dangereux (annexe VIII) et ceux qui ne le sont pas (annexe IX). Pour les États Parties qui sont liés par l'amendement d'interdiction, les déchets plastiques couverts par l'annexe VIII en tant que déchets dangereux sont soumis à l'interdiction d'exportation des États membres de l'OCDE, des États membres de l'Union européenne et du Liechtenstein vers d'autres pays. Pour les États Parties qui n'ont pas ratifié l'amendement d'interdiction, ces déchets plastiques sont soumis à la procédure de consentement préalable en connaissance de cause. Jusqu'à cet amendement, les déchets plastiques pouvaient être échangés dans le monde sans aucun contrôle et sans aucune forme de transparence particulière.14. OCDE (2022), Global Plastics Outlook : Policy Scenarios to 2060, op. cit.15. Consulter le site internet du Pnue concernant la deuxième session du CIN chargé d'élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans le milieu marin16. Gammon K., US beach town bans balloons to save the ocean, The Guardian, 23 févr. 202317. Thompson T., Plastic pollution: Three problems that a global treaty could solve, Nature, 28 nov. 202218. Pnue, Plastics in Agriculture – An Environmental Challenge, Foresight Brief 029, 202219. Kaminski I., Rush of lawsuits over plastic waste expected after ‘historic' deal, The Guardian, 9 mars 2022 ; Communiqué de presse, Interest groups, Oceana to sue government agency and officials for indolence on marine plastic pollution, 29 juin 202120. Beck U., La société du risque, sur la voie d'une autre modernité, Édition Flammarion, 2008

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