La gestion des services à l'intercommunalité, notamment pour la distribution d'eau potable et l'assainissement, prend de l'ampleur depuis quelques années en France. Une vision intégrée et globale, une mutualisation des investissements d'échelle, des moyens d'exploitation plus conséquents, une meilleure qualité des prestations, une tarification harmonisée sont les avantages régulièrement mis en avant lorsque les compétences eau et assainissement sont transférées à une structure intercommunale. Mais, ce passage à l'intercommunalité reste une période de doute pour les collectivités et acteurs politiques concernés qui essaient d'anticiper les enjeux et obstacles d'un tel changement. Réunis le 29 septembre pour une journée technique sur cette thématique organisée par l'Office internationale de l'eau (OIEau), différents élus et professionnels ont détaillé un grand nombre d'actions pour favoriser la mise en œuvre du transfert de compétences eau et assainissement.
Mobiliser les élus locaux
La première des conditions est l'investissement des maires et élus. Selon Jacques Malrieu de l'OIEau, un transfert de compétence ne peut se faire véritablement sans la participation des élus qui se montrent parfois réticents à ce type de projet. La perte d'autonomie de décision ainsi que la gestion plus technocratique et moins politique sont les principales raisons qui expliquent leur réserve. Il faut également citer l'attachement affectif des maires à ces services, notamment celui de la distribution d'eau potable. "Pourtant, leur implication reste primordiale pour la réussite d'un transfert de compétences. Il faut ainsi organiser de nombreuses réunions afin de rencontrer tous les maires des communes concernées et de leur exposer clairement les avantages d'un service communautaire", explique Jacques Malrieu. La création d'un comité de pilotage, constitué de tous les maires intéressés, apparaît ainsi comme une solution adaptée pour les aider à suivre l'évolution du projet.
La première phase consiste donc à faire un état des lieux en collectant et synthétisant les documents relatifs à la vie de ces services (schémas directeurs, rapports annuels d'activité, état et diversité des équipements). Cet état des lieux permet de mieux comprendre le contexte territorial et environnemental ainsi que le fonctionnement des services au sein des communes. Bien souvent, en particulier pour les petites communes, de nombreuses données sont manquantes ou insuffisantes ce qui nécessite de mettre en place des actions pour compléter ces documents réglementaires.
Des questionnaires financiers sur les abonnés, les emprunts et les dettes, la visite des installations ou encore le rapprochement avec certaines trésoreries sont des actions pertinentes pour compléter cet état des lieux. Ce dernier, à travers son analyse, aide à mieux cerner l'organisation et le financement du futur service.
Un seul objectif : l'harmonisation tarifaire
En ce qui concerne la forme de la structure d'exploitation, soit délégation de service public, régie autonome ou encore contrat d'affermage, rien n'est réellement précisé. Le plus souvent, la création d'une intercommunalité s'accompagne d'un alignement des durées de contrats pour aboutir à un contrat unique.
"Lorsqu'une intercommunalité de plus de 10.000 habitants se forme, il est intéressant de mettre en place un système de régie afin de mutualiser au mieux les moyens disponibles. Mais, un mode de gestion mixte - régie et délégation de service public avec un poste de suivi de délégataire - peut également s'avérer avantageux", détaille David-Nicolas Lamothe d'A Propos, un cabinet de conseil aux collectivités. Certaines communautés urbaines ou d'agglomération comme Nantes Métropole ont donc fait le choix de maintenir plusieurs opérateurs et modes de gestions diversifiés pour conserver une émulation entre opérateurs. Cette émulation apporte des avantages financiers pour la collectivité qui pourra ainsi bénéficier d'un tarif plus bas aux prochains appels d'offres.
L'aspect financier est également très important car il peut aboutir à des refus de la part de certaines collectivités. Selon la réglementation, les services d'eau et d'assainissement doivent satisfaire à l'obligation d'équilibre financier. Dans ce cadre, les recettes d'exploitation versées par les usagers doivent couvrir intégralement le coût du service. Or, dans les faits, peu de budgets sont équilibrés. Certaines communes fixent un tarif de l'eau très bas et ignorent les investissements à entreprendre sur leur réseau ou sur leurs stations d'épuration.
En général, cette sous-évaluation du service conduit à une augmentation des redevances lorsque des communes se regroupent. Cette augmentation peut également être un obstacle à l'intercommunalité, certaines communes n'ayant pas envie de payer pour les autres. En effet, celles qui ont investi pour disposer d'un bon niveau d'équipement ne désirent pas s'associer à celles qui n'ont rien entrepris ou presque. Comme les situations de départ ne sont jamais les mêmes, il y aura toujours des gagnants et des perdants dans un regroupement. "L'harmonisation tarifaire met ainsi la lumière sur les mauvais élèves, tout en pénalisant les bons", appuie David-Nicolas Lamothe.
Pour fixer une redevance "équitable", les collectivités doivent prendre en compte plusieurs paramètres comme les volumes consommés, le nombre d'usagers, les investissements à prévoir et le coût du personnel. Afin d'éviter que la hausse ne soit trop brutale, les communes doivent étudier différents scénarii de convergence. Des solutions de lissage tarifaire existent également, et ce, même si le risque de déséquilibre sur les premières années est fort. "Ce système de lissage tarifaire n'est précisé dans aucun texte. Il faut donc demander des autorisations à l'Etat pour mettre en place ce mécanisme et pouvoir se justifier dans le cas où un usager porte plainte", a tenu à rappeler Pierre Bejjaji de Stratorial Finances, cabinet de conseil et d'études spécialisé dans la fiscalité locale.
Par ailleurs, les communes peuvent faire appel à des leviers mobilisables pour réduire le coût du service comme le transfert des excédents globaux de clôture des budgets communaux, la participation des communes via le fonds de concours aux travaux ou encore la taxe d'aménagement.