
Vice-président du Conseil régional Rhône-Alpes, en charge de la santé et de l'environnement © Marie Bienaimé
Actu-Environnement : Pourquoi disposer de la double délégation santé et environnement est important pour vous ?
Alain Chabrolle : Nous souhaitions marquer l'importance que nous attachons à ces enjeux. Notre objectif est de changer de paradigme : transformer une approche curative en préventive. Avec l'explosion des maladies chroniques, la non prévention depuis 1990 coûte à la France l'équivalent du trou de la sécurité sociale.
Il y a maintenant deux ans, à l'occasion des élections régionales, certains groupes politiques notamment Europe Ecologie Les verts et également des ONG se sont battus pour bénéficier de cette première double délégation santé environnement.
AE : Vous avez pu faire adopter le 12 juillet 2012 par l'assemblée plénière une délibération cadre sur la santé-environnement, pouvez-vous détailler vos principales mesures ?
AC : La Région a décidé de mettre en place une nouvelle politique de santé, bâtie autour de trois axes : développer et coordonner une politique de prévention de la santé, garantir l'égalité d'accès à la santé et intégrer prioritairement les risques sanitaires liés à l'environnement.
Sur ce dernier point, nous nous sommes engagés sur trois axes forts : développer la recherche et l'innovation dans ce secteur, encourager le changement de comportement et s'axer sur les enjeux liés à la qualité de l'air intérieur et extérieur.
AE : Pouvez-vous nous donner des exemples d'actions entreprises pour ces trois axes ?
AC : Concernant l'innovation, nous avons par exemple aidé une équipe de jeunes chercheurs qui ont élaboré un capteur colorimétrique pour détecter les polluants de l'air intérieur.
Cet outil pourrait être disponible en 2013 pour détecter les polluants dans les écoles, les bâtiments publics, etc. Pour encourager le passage à l'action, nous avons lancé dans les lycées un jeu interactif écocitoyen qui porte sur des thèmes comme l'alimentation, l'eau, les déchets, etc.
Le défi "familles à énergie positive", où des foyers tentent de réaliser le maximum d'économies d'énergie, a permis de réaliser des économies de 8 à 12 %. Sur le même principe, nous souhaitons promouvoir auprès des familles des aliments plus sains pour la santé : avec peu de conservateurs, moins de pesticides, etc. à budget alimentaire constant.
Enfin, la qualité de l'air présente un enjeu fort en Rhône-Alpes : celles du Grand Lyon, de Grenoble et de l'Arve ont entraîné un contentieux auprès de l'Europe notamment concernant les oxydes d'azote.
Nous consacrons 600.000 euros chaque année pour appuyer des projets innovants concernant la qualité de l'air. Ainsi, nous sommes la première région d'Europe à avoir engagé la détection des nanoparticules dans l'air extérieur, nous avons également initié une action de recherche des pesticides en milieu rural. Nous souhaitons mesurer l'impact des épandages sur les habitants de zones rurales.
AE : Qu'attendez-vous de la conférence environnementale prévue mi-septembre ?
AC : A l'occasion des journées d'été d'Europe Ecologie Les verts, j'ai eu l'occasion de remettre en main propre à Delphine Batho ma délibération et d'attirer l'attention de son cabinet sur l'intérêt de décliner les mesures au niveau national.
Dans celle-ci, il y a un point qui est nouveau et symbolique : la protection des lanceurs d'alertes. J'attends de la conférence environnementale une loi sur la protection des sentinelles de l'environnement, des lanceurs d'alertes notamment au niveau du monde économique et des chercheurs. Ensuite, nous souhaitons, à partir du budget 2013, bénéficier d'une vraie politique de prévention et d'information sur la santé environnementale, que soit affirmé l'enjeu des maladies chroniques liées aux pollutions et notamment remettre à plat Ecophyto pour obtenir une diminution sérieuse des pesticides en France. Nous souhaitons également une loi sur les perturbateurs endocriniens : il faut avoir une action forte pour que ces produits ne soient plus fabriqués, utilisés ou diffusés. Enfin, au niveau des politiques gouvernementales, il faudrait éliminer des subventions ou aides pour des projets qui peuvent être néfastes à la santé.
AE : Comment relancer le plan Ecophyto ?
AC : Ce plan n'a pas été accompagné de portage politique. Ce n'est pas toujours facile pour un agriculteur de changer ses pratiques. Et souvent les distributeurs sont les prescripteurs : ce n'est pas normal que ce soit les mêmes qui vendent les pesticides et aident les agriculteurs à réduire leurs consommations. Il faut introduire dans les formations agricoles une sensibilisation, donner les moyens de diminuer la consommation et accompagner l'ensemble des productions agricoles.