Dans un appel relayé par le magazine Alternatives économiques, plus de 130 personnalités demandent au nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, ainsi qu'au président de la République de lancer "un grand plan d'investissement public en faveur de la transition écologique dont le montant serait isolé du déficit budgétaire".
Afin d'atteindre les objectifs climatiques de la France, ils réclament entre 45 et 75 milliards d'euros (Mds) d'investissements, publics et privés, par an, alors que ce montant ne s'élève pour l'instant qu'à 31 Mds€. Pour "boucler l'équation", les signataires demandent une mobilisation de l'épargne des ménages et des entreprises, impulsée par "un surcroît d'investissement public". Et désignent la rénovation énergétique des logements comme une priorité.
Parmi les signataires figurent des politiques comme Daniel Cohn-Bendit, Olivier Faure, Yannick Jadot, Benoît Hamon, Corinne Lepage ou Delphine Batho, mais aussi des experts comme Alain Grandjean, Jean Jouzel ou Thomas Piketty, ainsi que des représentants du monde de l'entreprise, des responsables d'ONG et la totalité des leaders de syndicats de salariés.
Gagner des arbitrages sur la PPE
Derrière cet appel général à booster "l'investissement vert", la question énergétique apparaît primordiale. Le nouveau ministre "sera jugé sur ses actes et en particulier sur l'application de la loi de transition énergétique" qui prévoit "la baisse de la part du nucléaire à l'horizon 2025", réagit ainsi Ségolène Royal dans les colonnes du Parisien. Autre ancienne ministre de l'Environnement, Corinne Lepage indique à Actu-Environnement que François de Rugy doit "apporter la preuve de sa crédibilité". Ce qui passe par la nécessité de gagner des arbitrages, en premier lieu sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Greenpeace France s'accorde aussi à dire qu'il s'agit de l'un des premiers tests. "Emmanuel Macron va-t-il s'engager sur un calendrier précis de la fermeture effective de réacteurs dès maintenant et favoriser le développement des EnR, en résistant au lobby pro-nucléaire ?", interroge l'ONG.
La PPE est bien sûr au cœur des préoccupations des professionnels des énergies renouvelables. "Nous sommes confiants et pensons que le nouveau ministre s'inscrira dans la ligne tracée par Nicolas Hulot, qui a rappelé que l'urgence climatique nous oblige à changer d'échelle dans le développement des énergies renouvelables", réagit Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
Soucieux de donner des gages en la matière, le nouveau ministre a d'ores et déjà annoncé que la PPE serait présentée fin octobre. "Nous ferons ce qui n'a jamais été fait auparavant", a-t-il avancé sur l'antenne de France Inter, précisant qu'EDF devait mettre en œuvre la politique votée par le Parlement. Des engagements auxquels ne croient pas Attac. "Emmanuel Macron nomme un ministre qui affirme préférer passer des compromis avec les lobbies plutôt que de s'opposer frontalement à eux", réagit le représentant de l'ONG Maxime Combes.
La FNSEA pour la poursuite d'un dialogue apaisé
Tandis que Corinne Lepage estime que "Nicolas Hulot a été humilié dans [la] loi Egalim", il est intéressant de découvrir les réactions des principales organisations agricoles à la nomination de son successeur. La FNSEA, qui se dit "consciente des nouvelles exigences sociétales et environnementales", appelle à "la poursuite d'un dialogue ouvert, pragmatique et apaisé" et demande à ce que "les nécessaires transitions" soient inscrites dans "un calendrier compatible avec la réalité sociale et économique". Du côté de la Coordination rurale, son président Bernard Lannes voit en François de Rugy "un homme ouvert" dont il espère "qu'il saura lier l'écologie à une agriculture durable et productive". En revanche, la Confédération paysanne se contente de prendre acte de cette nomination, sans omettre de rappeler les dossiers urgents à régler : la gestion de la prédation et les dégâts de gibiers.
"Je ne rentrerai pas dans un combat avec le ministère de l'Agriculture", a d'ores et déjà annoncé le nouveau locataire de l'hôtel de Roquelaure, précisant qu'il ferait une proposition avec le ministre de l'Agriculture sur la façon d'organiser le travail des deux ministères sur la PAC, actuellement en cours de révision.
Les chasseurs saluent la nomination d'un pragmatique
Alors que l'arbitrage du président de la République sur la réforme de la chasse a achevé de convaincre Nicolas Hulot de mettre le holà à son expérience gouvernementale, la Fédération nationale des chasseurs salue avec François de Rugy "la nomination d'un pragmatique". La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui dénonce la campagne publicitaire menée actuellement par les chasseurs, souhaite aussi la bienvenue au nouveau ministre. "A la veille des élections européennes de 2019, la LPO sera particulièrement vigilante pour dénoncer tous les cadeaux électoralistes faits sur pressions des lobbies, notamment agricoles et cynégétiques. Les derniers signes donnés dans ce sens sont inquiétants", prévient toutefois son président Allain Bougrain-Dubourg.
"Nulle personnalité, seule et sans action collective déterminée, n'obtiendra une inflexion efficace de toutes les politiques publiques, seule susceptible de répondre aux enjeux déterminants qui sont devant nous", estime de son côté Michel Dubromel, président de France Nature Environnement (FNE). Le gouvernement est-il prêt pour le sursaut écologique réclamé par Nicolas Hulot ? "On peut en douter quand on voit qu'en l'espace d'une semaine, il a lancé l'autorisation de travaux pour le grand contournement Ouest de Strasbourg, accordé de nouveaux permis d'extraction d'or en Guyane et permis le redémarrage en catimini d'une usine Sanofi (...) dont la pollution chronique avait fait grand bruit au début de l'été", s'indigne la fédération d'associations de protection de la nature.
Concernant le projet de la Montagne d'or en Guyane, François de Rugy a indiqué qu'il fallait "remettre à plat" ce projet qui "ne pourra pas être mis en œuvre tel quel". Une déclaration qui paraîtra sans doute bien insuffisante aux yeux du collectif "Or de question" qui réclame son abandon et qui remet plus largement en question "l'extractivisme des multinationales".
Quant aux questions de santé/environnement, elles font partie des trois priorités annoncées par l'ancien candidat à la primaire de la gauche avec la PPE et le projet de loi mobilité. Cette annonce saura-t-elle rassurer le Réseau Environnement Santé (RES) qui réclame l'organisation début 2019 des assises de la santé environnementale promises par Nicolas Hulot ?