"La pertinence économique de la voie d'eau est forte pour les trafics de pondéreux : ciment, sable, gravier ou encore déchets de chantiers, dans l'aire urbaine", souligne Antoine Fremont initiateur du projet Fleuve urbain intermodal durable (Fluide). "Par contre pour les produits manufacturés, nos produits au quotidien, c'est plus difficile, il faut des innovations pour que cela fonctionne".
Si différentes villes s'intéressent aujourd'hui à nouveau à leurs fleuves, cette redécouverte passe toutefois en premier lieu par la reconquête des berges pour des activités de loisirs.
"L'intérêt que portent les collectivités est variable selon la taille et l'orientation de leur port, pointe Antoine Beyer, chargé de recherche à l'Institut français des sciences et technologies des transports (Ifsttar), l'Ile-de-France et Paris portent fortement le projet du renouveau du transport fluvial, ce qui n'est pas le cas de toutes les villes fluviales".
Expérimentation de livraison de denrées alimentaires avec Franprix, développement d'un réseau de ports urbains, mise en place d'un usage alterné des quais (loisirs/transport fluvial) : Paris s'affiche comme un précurseur pour faciliter l'alimentation de la ville par voie fluviale.
Des villes comme Lyon, Lille ou Strasbourg, qui disposent d'au moins un port fluvial au cœur de leur aire urbaine, pourraient également s'inscrire dans cette logique.
L'histoire de leur port et leur ancrage différents ont conduit à des insertions diverses dans la chaîne de transports.
Acheminement des déchets par voie fluviale
Au delà du transit, le Port de Strasbourg se place lui, à travers des synergies énergétiques ou de sous produits entre entreprises, dans une logique d'écologie industrielle. "Strasbourg intervient sur la distribution urbaine comme une réserve foncière, un point d'appui pour une distribution notamment routière, la question fluviale n'a pas été abordée…", complète Antoine Beyer.
Situé proche du centre de la ville, le port Edouard Herriot de Lyon a dû défendre sa légitimité face à la poussée de l'urbanisation. "La plupart des conteneurs traités sur le port sont réorientés vers d'autres villes", note Antoine Beyer. Dans le prolongement des travaux d'aménagement de ses berges, Lyon semble toutefois aujourd'hui afficher une volonté de (re)devenir une métropole fluviale.
Un des obstacles : l'organisation de la chaîne de transport
La question de l'alimentation des commerces de détail par voies fluviales se heurte à différents obstacles dont une organisation de la chaîne de transport (plateformes logistiques, circuit de distribution) peu favorable à la voie d'eau : la plupart des conteneurs arrive aujourd'hui dans des entrepôts situés en périphérie de la ville.
"Il est plus facile de faire du tout route qu'une chaîne de transport avec plusieurs modes : cela demande une forte volonté", estime Antoine Fremont. "Les obligations réglementaires que peuvent mettre en place les collectivités locales sont très importantes pour favoriser ce genre de développement".
Sur ce point, selon Antoine Beyer, la mise en œuvre des zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa) aurait pu encourager le développement d'un transport modal.
Pour contourner l'obstacle lié à la rupture de charge, certains ont développé des solutions alternatives. La Compagnie fluviale de transport a ainsi imaginé à travers son concept Distri-Seine de stocker dans un bateau des véhicules électriques qui pourront ensuite opérer leur livraison pour les derniers kilomètres.
Un nécessaire effort de modernisation des flottes
Les flottes devront également se moderniser pour continuer à être compétitives d'un point de vue environnemental. Une étude de l'Ademe montrait qu'en 2006 avec une efficacité énergétique de 93 t.km/kep, le fluvial apparaissait comme près de trois fois plus efficace que le mode routier. " En terme d'émission de dioxyde de carbone et de polluant, il y a des gains même si la flotte fluviale, ancienne, doit se moderniser", note Antoine Fremont. "Se pose alors la question de la batellerie en France et sa capacité d'investissement". En cause notamment, la flotte des petits bateaux dont les moteurs ne sont pas toujours à la pointe du progrès.