Si la gratuité des transports paraît a priori être une bonne idée pour inciter les Français à abandonner leur voiture au profit des transports en commun, des études montrent que cela ne change pas radicalement la donne sur le moyen et long terme. La qualité de l'offre constituerait un meilleur levier. Or, la gratuité pose la question des financements, au moment où de nombreuses collectivités locales recherchent de nouveaux montages financiers ou de nouvelles ressources.
Pas de hausse flagrante de la fréquentation des transports avec la gratuité
''A très court terme, la gratuité des transports en commun peut faire exploser la fréquentation qui diminue ensuite'', notait le programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres (Predit) en 2006 dans un rapport qui étudiait justement le lien entre gratuité des transports publics urbains et report modal. ''En comparant des villes avec des transports en commun payants d'une taille voisine de celles pratiquant la gratuité, on constate qu'il n'y a pas de corrélation directe entre niveau de prix et usage'', poursuit le rapport. C'est seulement accompagnée de mesures (politique de stationnement, voies de circulation spéciales) que la gratuité aurait réellement un impact sur la fréquentation. ''L'impact est alors plus fort et bien illustré par Châteauroux puisque gratuité et amélioration de l'offre sont intervenues à deux moments différents et expliquent chacune 50 % de l'augmentation de la fréquentation'', note l'étude.
Mais cette amélioration engendre des coûts supplémentaires. Or, la gratuité prive les organisateurs des transports d'une partie des recettes. ''Dans la plupart des villes, la priorité serait davantage de développer le réseau et l'offre de transport. C'est l'avis de ceux qui ont des transports en commun payants, ou ont abandonné la gratuité'', comme Castellón (Espagne) qui a appliqué la gratuité de 1990 à 1997 ou Bologne (Italie) de 1973 à 1977. La qualité de l'offre (amplitude, fréquence, régularité…) serait davantage déterminante dans une augmentation de report modal.
20 % de recettes en moins en moyenne
En France, les usagers contribueraient en moyenne à 20 % des dépenses d'exploitation et d'amortissement des réseaux publics de transport. Les 80 % restant sont pris en charge par les collectivités locales, provenant de trois ressources principales : les subventions croisées d'autres activités économiques, les contributions des bénéficiaires indirects imposées par la loi et la subvention publique. Châteauroux comme Libourne ont pu faire le choix de se couper des recettes opérationnelles car ces villes profitent de recettes du versement transport supérieures à la moyenne (65 % de plus pour Libourne).
Mais à l'heure où les collectivités souhaitent améliorer leur offre de transport, celles-ci auraient plutôt tendance à rechercher de nouvelles ressources ou de nouveaux montages financiers. Parmi les solutions envisagées, la mise en place de péages ou une plus grande participation des bénéficiaires indirects des transports publics (entreprises, tourisme…).
Les partisans de la gratuité des transports en commun arguent cependant que les autres modes de déplacement (entretien du réseau routier notamment) sont pris en charge par la collectivité (via l'impôt) et non par les usagers.
Le juste prix des transports
Selon la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), ''le prix du ticket ou de l'abonnement ne veut rien dire en soi (dès lors que les ménages à très faibles revenus disposent d'une tarification adaptée) : il faut le comparer au coût d'usage de la voiture (0,3 €/km pour un kilométrage moyen de 13.000 km selon l'étude du cabinet ADETEC, un coût sous-estimé par la plupart des automobilistes, qui ne prennent en compte que le coût du carburant et de l'entretien, soit le tiers)''. Et d'illustrer ses propos par l'exemple d' ''un salarié habitant à 10 km de son lieu de travail et s'y rendant en voiture. Il parcourt 20 x 225 km = 4 500 km par an et dépense ainsi 1.350 €, une somme très supérieure au prix d'un abonnement sur un réseau de transport urbain (480 € selon l'Union des transports publics et ferroviaires), qui de plus est dorénavant remboursé à 50 % par l'employeur''.
En France, la somme totale dépensée par les ménages pour les transports atteint 147 milliards d'euros, dont 126 milliards d'euros pour les modes individuels de transport et 20,6 milliards d'euros pour les transports en mode collectif, dont 3,5 milliards d'euros en transports urbains de voyageurs. ''Ainsi un ménage moyen consomme énormément plus pour sa voiture individuelle, que pour le train, ou le transport collectif urbain. Le défi est donc de faire en sorte qu'une partie des dépenses consenties pour l'automobile par les ménages se reporte vers les transports collectifs'', conclut la fédération.
Une enquête quantitative menée par l'Institut wallon d'études, de recherches et de formation (IWERF) en mai 1996 montrait que l'un des freins à la fréquentation des transports en commun était leur mauvaise image auprès des citoyens. ''Considéré comme une obligation, son usage ne suscite aucun plaisir. [Au contraire,] la voiture représente l'espace privé par excellence''.
La question du prix des transports en commun serait donc plus une question de perception. Elle relèverait néanmoins d'un juste équilibre. En Grande-Bretagne, la hausse des tarifs des transports aurait entraîné une baisse des parts de marché et de la qualité de service des transports publics. Au contraire, un prix bas induirait une hausse de la fréquentation qui compenserait la diminution du prix, comme à Genk (Flandre) où l'augmentation de la fréquentation a compensé dans le même rapport (50 %) la diminution du prix.