Des systèmes de transport plus durables et plus sûrs sont au cœur des programmes de recherche financés par l'Union européenne. A l'ouverture de la conférence Transport Research Arena (TRA) dédiée à l'innovation, organisée à La Défense (92), la Commission européenne a présenté le 14 avril des projets "impliquant des partenaires français" qui optimisent différents modes de transport : fret ferroviaire, véhicule électrique, transport public automatisé ou encore navire.
Dans l'UE, si les transports contribuent actuellement à 6,3% du PIB, ils représentent aussi 63% de la consommation de pétrole et sont responsables de 25% de toutes les émissions de CO2. Les recherches menées dans le secteur des transports sont "très importantes" afin de répondre "à la hausse de la demande" des voyageurs de 50% et de 80% de frets d'ici 2050, a indiqué Keir Fitch, chef de cabinet adjoint du commissaire européen aux transports.
7e programme européen de recherche : 620 projets soutenus
Ces projets contribuent à la conception et au développement de technologies "à faible intensité carbone", de véhicules "propres", de systèmes de mobilité intelligents et de services intégrés pour les passagers et le fret de marchandises. Ils font partie des 620 projets financés à hauteur de 4,2 milliards d'euros entre 2007 et 2013, dans le cadre du 7e programme-cadre européen de recherche et de développement technologique (PCRD).
Au total, 84 projets français ont été financés représentant 15,6% du budget total européen. Les petites et moyennes entreprises (PME) ont participé à environ un cinquième des projets européens soutenus.
L'objectif de ces projets est de favoriser les nouvelles technologies "sobres" et respectueuses de l'environnement dans les politiques de transport et de logistique, tout en garantissant la compétitivité du secteur, moins de congestion et plus de sécurité. Ils visent à répondre aux normes européennes durcies d'émissions de gaz à effet de serre (Euros…) et sonores des véhicules à moteur, aux objectifs de report modal (ferroviaire, fluvial) d'ici à 2030-2050. Un projet de règlement est également discuté au Parlement et Conseil de l'UE, visant à contrôler les émissions du secteur maritime.
L'expertise française au service de la mobilité électrique
CityMobil2 vise également à proposer un "cadre législatif européen" adapté permettant d'homologuer et de déployer des systèmes de transports routiers automatisés. Un projet de nouvelle directive permettant de certifier ce type de transports pourrait être prochainement abordé par la présidence grecque du Conseil de l'UE, selon M. Alessandrini. Budget total : 18,3 millions d'euros dont 9,5 millions d'euros financés par l'UE.
Le projet européen "Elibama" vise quant à lui à accélérer la production industrielle européenne de batteries lithium-ion pour véhicules électriques face à la concurrence chinoise et américaine. Lancé en 2011 pour trois ans, ce projet est coordonné par le constructeur automobile français Renault. Les groupes Rhodia, Veolia et le CEA- Liten sont également partenaires. Ce projet vise à réduire les coûts de fabrication de ces batteries, réduire leur impact sur l'environnement et augmenter leur capacité d'autonomie. Le projet se concentre notamment sur le revêtement des électrodes (électrodéposition), le développement de matériaux électrolytes à partir de procédés de production écologique (filtration des particules émises), et l'amélioration du rendement en aval des technologies. Le budget du projet s'élève à 15,2 millions d'euros dont 9 millions financés par l'UE.
Innovations autour du report modal
Autre projet présenté : "Marathon", qui a fait rouler pour la première fois en Europe des trains de marchandises de 1.500 mètres de long en partenariat avec la SNCF, l'équipementier français Alstom et RFF. Samedi 12 avril 2014, le train de fret "le plus long d'Europe" a réalisé son deuxième essai, destiné à "en valider la faisabilité technique avant de passer à l'exploitation commerciale", a précisé Armand Toubol, coordinateur technique du projet. D'une durée de trois ans, Marathon a débuté en 2011. Il est cordonné par Newopera Aisbl, association belge de promotion du fret ferroviaire.
Ces tests ont été menés entre la gare de triage de Sibelin (près de Lyon) et Nîmes, à l'initiative de Fret SNCF et de RFF. Deux trains de 750 mètres ont été jumelés en gare de triage de Sibelin (Rhône) pour ne former qu'un train de 1.500 mètres et de 4.000 tonnes, tracté par deux locomotives. Techniquement, l'innovation réside dans un système de radiocommande qui permet de relier la locomotive de tête conduite par un agent et la locomotive sans conducteur située au milieu du train. Un tel train pourra ainsi transporter jusqu'à 70 wagons au lieu de 35 pour un train classique de 750 mètres.
Ce projet doit permettre une réduction des sillons et des coûts d'exploitation des trains de fret de 30% ainsi qu'une optimisation des infrastructures existantes. Le gain en consommation énergétique est de "5% par tonne transportée". Les tests "ont d'ores et déjà montré la possibilité de faire circuler ce type de trains à 100 km/h en toute sécurité".
La mise en exploitation de ces doubles trains "est clairement envisageable sous deux ans, courant 2016, sur les grands corridors de fret européens", estime le secrétaire d'Etat aux transports Frédéric Cuvillier, en saluant "cette prouesse technique" dans un communiqué. Le budget du projet est de 4,5 millions d'euros dont 2,7 millions financés par l'UE.
Enfin, le projet "Ulysses" (Ultra-slow ships) a pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre des navires grâce à la diminution de leur vitesse. Ce projet, lancé en 2011 jusqu'en 2014, est coordonné par le Bureau Veritas. Il se concentre sur les vraquiers et les pétroliers qui produisent environ 60% des émissions de CO2 liées au transport en haute mer. Ulysses prévoit de mettre en œuvre des vitesses cibles en trois phases afin d'atteindre d'ici 2050 une réduction des émissions de 80% par rapport aux niveaux de 1990.
Les technologies étudiées concernent l'optimisation des moteurs, le développement de grandes hélices, l'énergie éolienne comme assistance, ainsi que l'intégration intelligente de l'approvisionnement en énergie et l'utilisation de l'énergie à bord. Les scientifiques ont élaboré des modèles de propulsion par cerfs-volants et par extrados qui leur permet de prédire la puissance et le comportement du navire en utilisant des systèmes électriques auxiliaires de propulsion éolienne. Des modèles sont également utilisés pour optimiser les performances des moteurs. Le projet est doté de 4,5 millions d'euros dont 2,5 millions financés par l'UE.
Nouveau programme européen "Horizon 2020"
La conférence TRA 2014 a également été l'occasion pour la Commission européenne de présenter les objectifs du programme européen de recherche et d'innovation "Horizon 2020", successeur du 7ème programme cadre (PCRD). Entré en vigueur le 1er janvier 2014, le nouveau programme consacre 6 milliards d'euros au développement des "transports intelligents, verts et intégrés" pour la période 2014-2020.
Horizon 2020 soutiendra les projets "tout au long du processus, de l'idée à la phase de commercialisation, et un soutien accru aux innovations proches du marché", a indiqué la Commission. Trois premiers appels à propositions ont été lancés mi-décembre 2013 : mobilité pour la croissance (budget de 374,5 millions d'euros), véhicules verts (129 millions d'euros), "small business" et "innovation rapide" dans les transports (35,9 millions d'euros). Ces appels à propositions sont ouverts à des consortiums allant de 10 à 30 partenaires constitués de grandes entreprises, de PME, de centres de recherche ou d'universités. Il s'agit de projets d'une durée de 3 ans et de budget total pouvant varier de 2 à 10 millions d'euros voire plus.
L'enjeu est de parvenir à standardiser ces technologies innovantes pour les déployer dans l'UE, a souligné Keir Fitch.