« Répondre à une demande expresse du Conseil d'État afin de simplifier le dispositif existant applicable aux forêts de protection en faisant évoluer le code forestier sur quatre points. » C'est ainsi que le ministère de l'Agriculture justifie la mise en consultation publique (1) , jusqu'au 5 mai, d'un projet de décret (2) qui modifie le régime spécial des travaux applicables en forêts de protection, sans préciser sur quels travaux ou quelles décisions du Conseil d'État il se réfère.
« Le statut de forêt de protection, le plus protecteur dans le code forestier, permet de préserver les parties classées du massif de tout défrichement et de tout nouveau projet d'infrastructure, d'urbanisation ou d'artificialisation qui porteraient atteinte à leur intégrité. La pérennité de la forêt est ainsi protégée, lui permettant de perpétuer sa vocation multifonctionnelle : accueil du public, production de bois, services écologiques, puits de carbone, notamment », rappelait le même ministère, en août dernier, alors qu'il annonçait le classement de la forêt de Bondy (Seine-Saint-Denis) sous ce statut.
Pourtant, ce statut protecteur pourrait changer du fait du même ministère, en raison des assouplissements considérables que le texte proposé lui apporte. En premier lieu, il donne la possibilité au seul ministre chargé des Forêts, soit le ministre de l'Agriculture dans l'organisation du gouvernement actuel, de déclasser des forêts de protection plutôt que d'avoir à passer par un décret en Conseil d'État qui présente davantage de garanties juridiques. L'objectif affiché ? « Corriger des erreurs manifestes », mais aussi « réaliser un projet ayant un intérêt public aussi digne d'intérêt que la protection de la forêt, lié par exemple à la sécurité routière au niveau de routes traversant les grands massifs classés ».
Réaliser des travaux jusque-là impossibles
En second lieu, le texte permet de réaliser des travaux jusque-là impossibles sans devoir recourir au préalable au déclassement des parcelles concernées. Actuellement, seuls peuvent être autorisés les travaux de gestion forestière courante, ceux de recherche d'eau (depuis 2012), les fouilles et sondages archéologiques, ainsi que la recherche ou l'exploitation souterraine de gisements de gypse (depuis 2018).
Tout défrichement, fouille, extraction de matériaux, infrastructures, exhaussement du sol ou dépôt sont pour l'heure strictement interdits, sauf s'il s'agit de travaux de mise en valeur et de protection de la forêt, ainsi que de restauration des habitats naturels et de rétablissement des continuités écologiques. Le projet prévoit de passer de ce régime d'interdiction à celui de l'autorisation sous conditions.
Le texte autorise également les travaux nécessaires à la prévention des risques naturels et à l'accueil du public, si ces derniers permettent un retour du site à l'état initial. « Il rend aussi possible (…) les travaux de surveillance, d'entretien, de remplacement et de maintenance relatifs à des canalisations et des réseaux enterrés d'eau, d'électricité ou des réseaux filaires, y compris de téléphonie, implantés avant 2010 », indique le ministère de l'Agriculture.
Enfin, ajoute-t-il, il ouvre la possibilité de mener des travaux « légers » ou d'implanter des équipements ponctuels autres que ceux strictement indispensables à la gestion forestière multifonctionnelle. Parmi ceux-ci figurent l'extension de bâtiments existants, l'implantation et l'entretien de réseaux enterrés, les aménagements nécessaires à l'exercice des activités agricoles ou encore les travaux sur emprise temporaire nécessaires à la réalisation d'un projet d'utilité publique.
Le ministre de l'Agriculture a pris ces dernières semaines des décisions très critiquées, en remettant notamment en cause l'expertise de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) sur les pesticides ou en défendant la solution controversée des mégabassines pour faire face à la sécheresse. Ce projet de décret ne devrait pas redorer son blason auprès des défenseurs de l'environnement.