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AccueilGéraud GuibertDécisions écologiques : beaucoup reste à faire pour les faciliter

Décisions écologiques : beaucoup reste à faire pour les faciliter

Dans une note consacrée à l'écologie en politique, la Fabrique Ecologique analyse l'élection présidentielle de 2017. Ces dernières marquent une rupture mais pas au profit du discours écologique. Analyse de Géraud Guibert, président du think tank.

Publié le 04/06/2018
Environnement & Technique N°382
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°382
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Sur la question du glyphosate comme sur beaucoup d'autres, on le voit, les décisions de politiques publiques sur l'écologie restent difficiles en France. Du coup, les multiples initiatives prises par les citoyens, les collectivités locales, les entreprises, la société civile peinent à se démultiplier et à se généraliser, faute d'un cadre national suffisamment cohérent et efficace. Ainsi, alors que 39% des français se déclarent en 2017 "très sensibles" à l'environnement, ce qui constitue un record par rapport aux années passées, notre pays reste en retard sur de nombreux aspects de la transition écologique et énergétique.

La note que la Fabrique Ecologique vient de publier, intitulée "2017, la triple rupture de l'écologie en politique" est éclairante sur plusieurs des raisons de cette situation. Issue d'un groupe de travail composé d'universitaires et de responsables du think tank, elle fait le constat, de manière objective et transpartisane, de l'absence quasi-totale de structuration du champ politique en matière d'écologie. Celle-ci est un lourd handicap : dans un contexte où les choix écologiques se heurtent souvent à différents intérêts établis, la seule présence de personnalités de talent, de convictions et fortement engagés sur ce sujet ne peut suffire.

Les échéances électorales de 2017 ont, dans ce domaine, fait apparaître trois ruptures, qu'il est nécessaire d'analyser de près pour en comprendre lucidement les fondements.

Les leçons de l'élection de 2017

Une rupture dans l'offre politique d'abord. Il n'y a pas eu en 2017 de candidat étiqueté "écologiste" à l'élection présidentielle, alors que cela a toujours été le cas depuis 1974, pour des résultats souvent limités (entre 2 et 3%, 5,25% pour Noël Mamère en 2002). Plusieurs autres candidats ont placé l'écologie à un haut niveau dans leur programme, mais sans en faire l'axe prédominant. Les sujets écologiques, loin d'être consensuels comme en 2007 lors du pacte initié par N. Hulot, montrent de vrais divergences de programme, par exemple sur le mix énergétique, la fiscalité écologique ou l'alimentation.

Une rupture médiatique ensuite. Jamais on n'a aussi peu parlé d'écologie dans la campagne électorale.  Sur la période du 10 octobre 2016 au 6 mai 2017, le journal télévisé de TF1 n'a par exemple accordé au thème de l'environnement que deux minutes de visibilité, par rapport aux 247 minutes consacrées aux autres enjeux traités sur le fond. Le « Grand Débat » entre les candidats n'aura abordé les questions liées à l'environnement que moins de cinq minutes sur… 3h50, soit moins de 2%. Seul le thème du nucléaire fait l'objet d'un bref débat. La plupart des « élites » médiatiques, comme d'ailleurs politiques, considèrent en réalité que ce sont des sujets de long terme qui ne « font » pas l'élection et qui sont éloignés des préoccupations quotidiennes, ce qui est pourtant faux.

Une rupture électorale enfin. Les sympathisants de l'écologie se sont davantage abstenus. Seulement 66% sont allés voter en 2017, contre 81% en 2012. Leurs suffrages se sont répartis sur J-L. Mélenchon (39%), B. Hamon (24%) et E. Macron (22%). L'écologie a échoué à être un déterminant du vote, ne parvenant pas à élargir l'électorat sur ce thème au-delà des seuls sympathisants.

A quand la rupture avec le productivisme

Les difficultés de l'écologie dans notre pays tiennent à plusieurs facteurs. Notre pays reste centralisé, marqué par des spécialités sectorielles qui, comme le nucléaire et l'agriculture, font une large part au productivisme. Plus généralement, une large partie des élites politique, médiatique et administrative n'a pas vraiment pris conscience de l'importance de ces sujets en matière de politique interne.

Et maintenant ? Il est évidemment souhaitable que les prochaines années soient synonymes de nouveau départ pour l'écologie en politique dans notre pays. Il n'y a pas de raison de penser qu'elle ne puisse pas un jour être au cœur d'une élection présidentielle, dessinant un nouveau clivage face au productivisme. Pour cela, il est nécessaire de ne pas se tromper de chemin, qu'il passe par un mouvement politique autonome consacré à l'écologie ou par l'écologisation des « grands » partis existants.

Construire un récit écologique français

Il s'agit d'abord de parler du fond, des priorités et des propositions, avant de se pencher sur la forme politique et le leadership. L'écologie doit s'ancrer sur des valeurs humanistes. Cela suppose d'engager une réflexion « éthique » approfondie, mettant davantage en évidence notre relation « intime » avec le milieu vivant.

Un autre impératif est de mettre en avant des causes identifiées, simples et fédératrices afin de construire un récit écologiste français. Les gens votent pour de grands systèmes de valeur, qui doivent être incarnés par des propositions, permettant d'incarner une vision. Pour les définir, l'importance de la proximité et des solutions locales doit être soulignée.

Il s'agit enfin d'admettre que l'écologie soit « co-construite » et non décidée par un groupe restreint ou en dehors de l'avis de la population. Trop souvent, la conjugaison de l'écologique, du social et de l'économique est présentée comme allant de soi, et non comme des aspects contradictoires qu'il faut dépasser. L'écologie doit s'incarner dans notre pays, ses caractéristiques, ses valeurs. Elle doit être le symbole de la modernité, de la protection, du partage, sur la base de propositions pragmatiques et concrètes débattues publiquement et soumises aux électeurs.

C'est un vaste chantier, mais indispensable si on veut faciliter les décisions publiques sur l'écologie et rattraper notre retard.

Avis d'expert proposé par Géraud Guibert, président de la Fabrique Ecologique

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3 Commentaires

Gaia94

Le 05/06/2018 à 6h42

Oui, l'écologie doit être co-construite et non pas venir "d'en haut" comme cela a été le cas jusqu'à présent, et c'est justement ce que l'on ne sait pas faire en France. C'est ce que tente de réaliser en ce moment Hulot, en multipliant son soutien à de nombreuses initiatives citoyennes; mais il n'est manifestement pas suivi par le gouvernement. Il s'agit typiquement d'une discipline de terrain, qui nécessite des connaissances pointues venues de tous les milieux, il ne devrait y avoir en vue que l'intérêt général de la population et de la planète. En ceci les partis politiques traditionnels ne sont pas adaptés, puisqu'ils sont financés presqu'exclusivement par des intérêts particuliers. Le fait que l'écologie soit classée en France très à gauche lui nuit, les leaders de gauche se sont servis des écologistes, mais aucun n'a vraiment proposé une vision purement écologiste, il s'y mêle toujours des relents de révolution prolétarienne qui font peur au plus grand nombre et qui cassent les bonnes volontés. En réalité, le peuple français ne demande qu'à passer à une économie verte et à s'engager pour la planète, mais sans couleur politique. Et ça, ce n'est pas gagné! Attention à la récup!

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Sirius

Le 05/06/2018 à 10h38

Certes mais il serait utile de former nos "élites". Un cours sérieux sur les thèmes écologiques à l' ENA ,aux Ponts, à HEC, à l'Ecole de la magistrature, apporterait une réflexion nouvelle à ceux qui nous gouvernent.

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Albatros

Le 05/06/2018 à 13h24

On gagnerait beaucoup de temps si on se débarrassait du simplisme militant en matière d'environnement, et notamment en cessant de mettre une étiquette "écologique" ou "anti-écologique", ce qui est du ressort de la morale quasi-religieuse et non de la politique.
Le cas du glyphosate est emblématique : une solution - sans doute provisoire - à l'application de multiples traitements, autrement plus impactants, se voit diabolisée, du fait de l'identité de l'obtenteur de la molécule et on oblitère les avis d'une majorité des agences nationales équivalentes à l'ANSES, en dénigrant au passage les mécanismes qui ont présidé à la création de ces entités publiques, certes imparfaites, jusqu'à les accuser d'être toutes corrompues, "au services des lobbies", etc.

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