
La Liste rouge de l'UICN des espèces menacées est reconnue comme l'évaluation la plus fiable du statut des espèces de la planète. Elles y sont classées selon le risque d'extinction. Cette liste démontre que les efforts inappréciables déployés à ce jour pour protéger les espèces sont insuffisants, constate Julia Marton-Lefèvre, Directrice Générale de l'Union mondiale pour la nature. Le rythme de l'érosion de la biodiversité s'accélère et nous devons agir sans plus attendre pour le réduire de manière significative et pour mettre un terme à cette crise mondiale de l'extinction. Nous pouvons le faire mais uniquement dans le cadre d'un effort concerté à tous les niveaux de la société, estime-t-elle.
Parmi les mammifères, l'évaluation des grands singes révèle un tableau plutôt sombre : le gorille de l'ouest (Gorilla gorilla) est passé de la catégorie 'En danger' à 'En danger critique d'extinction'. Décimée par le virus Ebola et le commerce de la viande de brousse, sa population a chuté de plus de 60% depuis 25 ans.
L'orang-outan de Sumatra (Pongo abelii) est 'En danger critique d'extinction' et l'orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus) dans la catégorie 'En danger'. Tous deux sont menacés par la perte d'habitat due à l'exploitation licite et illicite du bois et au défrichage des forêts pour faire place à des plantations de palmiers à huile. À Bornéo, la superficie des plantations de palmiers à huile est passée de 2.000 km2 à 27.000 km2 entre 1984 et 2003 ce qui ne laisse que 86.000 km2 d'habitat disponible pour l'espèce dans toute l'île, souligne l'UICN.
Victimes du réchauffement climatique et d'El Nino, les coraux apparaissent pour la première fois sur la liste. Dix espèces des Galapagos sont menacées ou vulnérables, dont une, le corail solitaire de Wellington (Rhizopsammia wellington) est classé 'En danger critique d'extinction' ou peut-être éteint, déplore l'UICN. Par ailleurs, 74 algues des îles Galápagos ont été inscrites sur la Liste. Dix sont jugées 'En danger critique d'extinction' et six d'entre elles 'Peut-être éteintes'. Les espèces d'eau froide sont menacées par les changements climatiques et l'augmentation de la température des mers qui caractérise El Niño. Les algues sont aussi indirectement affectées par la surpêche qui élimine les prédateurs de la chaîne alimentaire et favorise ainsi la prolifération des oursins et d'autres herbivores consommateurs d'algues.
Le dauphin d'eau douce du Yangtze, ou Baiji (Lipotes vexillifer) est aussi en 'danger critique' et est peut-être même déjà éteint mais une observation possible, signalée fin août 2007, est en train d'être vérifiée par des experts scientifiques chinois, précise l 'UICN. Pour cette espèce, les principales menaces sont la pêche, le transport fluvial, la pollution et la dégradation de l'habitat. Le gavial (Gavialis gangeticus), crocodile de l'Inde et du Népal, est aussi confronté aux menaces de la dégradation de son habitat et a été déplacé de la catégorie 'En danger' à 'En danger critique d'extinction'. Récemment, sa population a chuté de 58 %. Les barrages, les projets d'irrigation, l'exploitation du sable et les digues artificielles ont envahi son habitat, le réduisant à 2 % de l'aire de répartition d'origine, note l'Union internationale pour la nature.
Cette année, 1.217 oiseaux figurent parmi les espèces menacées sur les 9.956 suivies par l'UICN, notamment le vautour à tête rouge d'Asie (Sarcogyps calvus) et le vautour égyptien d'Afrique (Neophron percnopterus).Depuis huit ans, le déclin rapide des oiseaux est poussé par l'utilisation d'un médicament, le diclofenac, pour traiter le bétail. Menacées par la perte d'habitat, deux tortues d'eau douce mexicaines, Trachemys taylori et Trachemys ornata, ont également été inscrites dans les catégories 'En danger' et 'Vulnérable', respectivement et le crotale mexicain Crotalus catalinensis, chassé illégalement, a également rejoint la Liste dans la catégorie 'En danger critique d'extinction'.
Les plantes sont également en péril. Selon la liste, 12.043 plantes dont 8.447 sont menacées. L'abricot sauvage Armeniaca vulgaris d'Asie centrale a été évalué et fait son entrée dans la Liste rouge de l'UICN pour la première fois dans la catégorie 'En danger'. L'espèce est l'ancêtre direct de plantes largement cultivées dans de nombreux pays dans le monde mais sa population diminue à mesure que son habitat fait place à des infrastructures touristiques et à l'exploitation pour le bois et l'alimentation. Le bégonia Begonia eiromischa de Malaisie a été quant à lui déclarée 'Éteint' cette année.
Le poisson-cardinal de l'île de Banggai ou apogon de Kaudern (Pterapogon kauderni), très recherché par les amateurs d'aquariums et que l'on ne trouve que dans l'archipel de Banggai, près des Célèbes en Indonésie, est inscrit pour la première fois sur la Liste rouge de l'UICN dans la catégorie 'En danger'. De ce fait, les spécialistes de la conservation prônent l'élevage de ce poisson en captivité pour les aquariums afin que les populations sauvages aient une chance de se reconstituer.
Seul point positif cette année : la perruche de Maurice (Psittacula eques) qui, il y a 15 ans, était un des perroquets les plus rares au monde, est passée de la catégorie 'En danger critique d'extinction' à 'En danger'.
Cette amélioration est le résultat de bonnes mesures de conservation, notamment la surveillance étroite des sites de nidification et l'apport de nourriture supplémentaire, associées à un programme d'élevage en captivité et de lâcher. iNotre expérience nous montre que les programmes de conservation peuvent donner de bons résultats mais, malheureusement, cette année, nous n'annonçons d'amélioration que pour une seule espèce, indique Jean-Christophe Vié, Chef adjoint du Programme de l'UICN pour les espèces. C'est très inquiétant compte tenu des engagements pris par les gouvernements, par exemple l'objectif 2010 de réduction du taux de perte de la biodiversité, ajoute-t-il. De ce fait l'UICN, organisation crée en 1948 et regroupant 81 gouvernements, 113 organismes publics, plus de 850 ONG et quelque 10.000 scientifiques dans le monde, renouvelle l'appel à la mobilisation face au déclin marqué et continu de la biodiversité dans le monde.
Avec 641 espèces mondialement menacées présentes sur son territoire, incluant l'outre-mer, la France se situe parmi les 10 pays hébergeant le plus grand nombre d'espèces animales et végétales menacées au niveau mondial aux côtés de l'Equateur, les USA, la Malaisie, l'Indonésie, le Mexique, la Chine, le Brésil, l'Australie et la Colombie. En cause : la dégradation des milieux naturels, la surexploitation, et l'introduction d'espèces envahissantes. Dans le contexte européen, la France métropolitaine apparaît comme le 4ème pays abritant le plus grand nombre d'espèces mondialement menacées (124) avec l'Espagne, le Portugal et l'Italie.
Afin de disposer d'un inventaire plus précis des espèces menacées en France, le Comité français de l'UICN et le Muséum national d'Histoire naturelle ont lancé en juin 2007 l'élaboration d'une Liste rouge nationale. L'objectif étant de constituer un inventaire de référence sur les espèces qui permettra d'actualiser les données, d'identifier les priorités d'action et de suivre l'évolution de l'état de la biodiversité en France. Les premiers chapitres attendus début 2008 portent sur les oiseaux, les amphibiens, les reptiles et les mammifères de métropole et sur les oiseaux d'outre-mer. Selon le Comité Français, au vue de ce classement, la France doit donc renforcer d'urgence son action au niveau national (plans de protection des espèces menacées, développement des aires protégées et du réseau écologique national, éduction des impacts des politiques agricoles et d'aménagement...) et international (application des accords internationaux, coopération avec les pays du Sud...).
Les décisions qui seront prises dans le cadre du Grenelle de l'Environnement sont à ce titre particulièrement attendues, conclut le Comité Français.