La loi Elan du 23 novembre 2018 avait habilité le Gouvernement à prendre trois ordonnances pour simplifier la planification territoriale. Une première portant sur les schémas d'aménagement régional (SAR), qui concernent les Outre-mer, a été publiée en novembre dernier.
Les deux autres, relatives à la modernisation des schémas de cohérence territoriale (Scot) et à la rationalisation de la hiérarchie des normes, sont parues jeudi 18 juin au Journal officiel. Ces textes ont été adoptés après une concertation en ligne, accompagnée d'ateliers thématiques, qui s'est tenue entre mars et novembre 2019.
Faire des Scot un exercice moins formel
Le Scot, créé par la loi « solidarité et renouvellement urbain » de décembre 2000, est « un document de planification stratégique à long terme, destiné à servir de cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles, notamment celles centrées sur les questions d'organisation de l'espace et d'urbanisme, d'habitat, de mobilités, d'aménagement commercial, d'environnement, etc. », rappelle le ministère de la Cohésion des territoires. La nouvelle ordonnance a pour objectif d'en faire « un exercice moins formel, plus politique, et de faciliter la mise en œuvre du projet territorial, ainsi que le passage à l'action », ajoute-t-il.
Elle permet de « tirer les conséquences de la création des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) et du développement de plans locaux d'urbanisme (PLU) à l'échelle des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre coïncidant avec le périmètre de nombreux Scot », a expliqué Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, en Conseil des ministres.
Le périmètre du Scot est élargi à l'échelle du bassin d'emploi, au lieu du bassin de vie, et la prise en compte des déplacements est renforcée par l'intégration des bassins de mobilité. « La lutte contre l'étalement urbain est prise en compte transversalement », assure également le ministre. Le texte prévoit par ailleurs de renforcer le rôle du Scot dans la transition énergétique par la possibilité de lui donner valeur de plan climat-air-énergie territorial (PCAET).
Lien de compatibilté
La deuxième ordonnance vise à rationnaliser la hiérarchie des normes applicables aux documents d'urbanisme. Pour cela, elle limite l'obligation pour les documents d'urbanisme transversaux (Scot, PLU, documents en tenant lieu et cartes communales) d'intégrer les enjeux d'autres documents de planification relevant de politiques sectorielles telles que les risques, les continuités écologiques, les déplacements, etc.
« Selon les territoires, les collectivités territoriales pouvaient avoir à examiner jusqu'à une vingtaine de documents de planification sectoriels lors de l'élaboration de leurs documents d'urbanisme. Cet examen devait par ailleurs prendre en compte des différences de portée juridique dans les liens entre les différents documents sectoriels et le document d'urbanisme. Cela rendait complexe l'élaboration des documents d'urbanisme et créait de l'insécurité juridique pour les collectivités territoriales », a expliqué Julien Denormandie.
« Le Scot qui propose, à l'échelle du bassin d'emploi, une stratégie à vingt ans de développement d'un territoire, voit son rôle de document intégrateur de toutes les politiques sectorielles ayant un rôle en urbanisme, réaffirmé », explique le ministère de la Cohésion des territoires. Désormais, si un territoire est couvert par un Scot, c'est ce schéma qui doit être compatible avec les différents documents sectoriels. « L'élaboration du PLU s'en trouve simplifiée puisqu'il devra uniquement examiner sa compatibilité avec le Scot et non plus avec tous les autres », ajoute le ministère.
Les liens juridiques entre les documents sectoriels et les documents d'urbanisme sont uniformisés : les liens de « prise en compte » sont remplacés par des liens de compatibilité. « Cela permet de ne conserver qu'un seul type de lien juridique et donc de clarifier la portée de ce qui doit être intégré dans un document d'urbanisme », explique le ministère. Mais deux exceptions sont toutefois prévues pour les programmes d'équipement et pour les objectifs du rapport du Sraddet pour lesquels le lien de prise en compte est maintenu.
Faciliter le dialogue entre la collectivité et l'État
Ensuite, l'ordonnance unifie les délais pour mettre en compatibilité les documents d'urbanisme avec les documents de planification sectoriels. « Les collectivités devront examiner tous les trois ans la nécessité de mettre en compatibilité les documents d'urbanisme avec l'ensemble des documents sectoriels qui ont évolué pendant ces trois ans. Auparavant ce processus devait être répété chaque fois qu'un nouveau document sectoriel entrait en vigueur ou était modifié, ce qui multipliait le nombre des procédures nécessaires », a expliqué Julien Denormandie. « Le temps que cette mise en compatibilité se fasse, le document d'urbanisme ne sera exposé à aucun contentieux qui résulterait de sa non-mise en compatibilité », précisent en outre ses services.
Enfin, l'ordonnance consacre la pratique de la note d'enjeux par laquelle le préfet transmet aux auteurs des Scot et des PLUi un exposé des enjeux qu'il identifie sur leur territoire et que le document d'urbanisme est appelé à traduire. « Cela permettra d'accompagner et de faciliter l'élaboration des documents d'urbanisme et le dialogue entre la collectivité et l'État », a expliqué la ministre. La note n'a pas de portée juridique contraignante « y compris vis-à-vis de l'État qui exercera son contrôle de légalité sans lien avec [son] contenu ».
Les deux ordonnances s'appliqueront aux documents d'urbanisme dont l'élaboration est engagée à compter du 1er avril 2021. « Des mesures transitoires sont cependant prévues pour les Scot en cours d'élaboration ou de révision pour appliquer ces simplifications par anticipation », indique le ministre.