Les députes ont cadré les conditions de développement de la filière des combustibles solides de récupération (CSR) (1) lors des discussions en séance publique sur le projet de loi de transition énergétique à l'Assemblée nationale. "Le CSR, constitue un point clef du recyclage en faveur de l'économie circulaire, a pointé Serge Bardy, député SRC. Il convient de réfléchir plus amplement à la constitution d'une filière CSR en France : cela jouera en faveur de la compétitivité de nos industries. Cela étant, il faut éviter de créer de véritables aspirateurs à matière, qui détourneraient les principes et les visées énoncées". L'objectif de son amendement, également porté par François-Michel Lambert, député écologiste et Jean-Jacques Cottel (SRC) est d'empêcher que cette valorisation énergétique se fasse au détriment de la prévention des déchets ou du recyclage. Il limite ainsi la production de chaleur ou d'électricité - et donc le dimension de l'installation - au niveau des besoins locaux. "Il est absolument nécessaire d'éviter des projets comme celui de la mutation de la centrale thermique à charbon de Gardanne en une centrale biomasse qui consommera un million de tonnes de bois, c'est-à-dire toute la ressource disponible de Perpignan à Menton pendant vingt ans ! ", complète François-Michel Lambert. Dans la plupart des cas, "l'orientation de ces installations ne pourra pas être une production exclusive d'électricité, car lorsque l'électricité est livrée sur un réseau, elle ne peut plus être considérée comme répondant à un besoin local, mais à l'équilibre global du réseau", explique l'exposé sommaire de l'amendement. Les départements d'outre-mer, avec des réseaux électriques qui ne couvrent que leur territoire sortent de ce cadre. Leur industrie n'a pas en outre de fort besoin de chaleur.
Des installations CSR nécessairement réversibles
Un second amendement, présenté par Serge Bardy (SRS) et Jean-Jacques Cottel (SRC) demande à ce que les installations soient réversibles. Autrement dit, capables de brûler également de la biomasse et des combustibles classiques. "L'idée n'est pas d'imposer que les investissements permettant d'alimenter l'installation de production de chaleur en un autre combustible soient effectifs dès sa mise en service, mais qu'il y ait suffisamment d'espace pour des stockages alternatifs, et que les équipements puissent accepter de nouveaux raccordements d'alimentation en combustible ", souligne l'exposé. Autre garde-fou : un amendement de Jean-Jacques Cottel introduit la remise d'un rapport de l'Ademe tous les trois ans sur la composition des combustibles solides de récupération et sur les pistes de substitution et d'évolution des techniques de tri et de recyclage. "La priorité est de mettre sur le marché des matières recyclables pour réduire les refus de tri et non de développer des installations qui justifieraient le gaspillage des ressources, et notamment des plastiques, bois et papier ", explique le député. L'idée à travers la caractérisation régulière des refus de tri serait d'identifier les matériaux non recyclables et introduire des potentiels supplémentaires de prévention ainsi que de valorisation matière. Le député socialiste a également proposé que les collectivités rendent transparente la performance énergétique réellement atteinte par leur unité de valorisation énergétique en l'indiquant dans un rapport annuel (2) .
Le choix du tri à la source réaffirmé
Les députés sont également revenus sur la question des installations de tri mécano-biologique (TMB). Des amendements de notamment Guy Geoffroy (UMP) mais également Sylviane Alaux (SRC) souhaitaient revenir à la version initiale du texte du gouvernement pour ne pas limiter cette technique. "Il n'y a pas de raison objective de viser à éviter la technique du tri mécanique des déchets organiques, ce qui est indirectement le cas du texte proposé, en rendant obligatoire la collecte sélective ou le tri à la source dans tous les cas de figure", assure l'exposé sommaire. Il ne serait pas logique d'abandonner cette technologie spécifiquement française après une dizaine d'années de développement. Elle mériterait au contraire d'être soutenue par l'État pour permettre son développement au niveau de l'Europe compte tenu de son grand intérêt économique et écologique ".
"Les retours sur investissement sur les installations du tri mécano-biologique ne sont pas bons. Le produit des composts de ces équipements n'est pas conforme aux normes dans une proportion de 50%. C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix du tri à la source dans ce projet de loi, a opposé Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie. Celui-ci permet de bien trier les déchets fermentescibles et représente la seule garantie d'un compost de qualité, donc de la mise en place d'une véritable économie circulaire, dans la mesure où ce compost peut être réutilisé en toute sécurité. (...) Si un jour des progrès technologiques permettent d'améliorer le dispositif des installations existantes, on pourra les encourager ".
Si les députés ont choisi de ne pas interdire le tri mécano-biologique, ils ont en revanche opté dans un amendement pour leur réduction progressive. Ce dernier "rétablit l'esprit de la version issue de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, argument Jean-Jacques Cottel (SRC). Compte tenu de l'objectif ambitieux d'augmenter le tri à la source des déchets organiques, il est nécessaire (...) d'éviter le déploiement de nouvelles installations de tri mécano-biologique. La création de nouvelles unités sera donc évitée et ne bénéficiera pas d'aides des pouvoirs publics".
Dans un autre amendement, le député socialiste propose de suivre le taux réel de matière organique incinérée grâce à une étude réalisée tous les trois ans par le gouvernement. "Les différents objectifs contenus dans le présent projet de loi concernant le tri à la source des déchets organiques ou la valorisation sous forme de matière, devraient amener à diminuer de manière importante le taux de déchets organiques incinérés et donc à affiner les proportions d'énergie considérée comme renouvelable, pointe l'exposé sommaire. Aujourd'hui, 50% de l'énergie issue de l'incinération bénéficie en effet d'un statut d'énergie renouvelable, car la réglementation européenne considère qu'environ 50% des déchets incinérés sont d'origine organique".