" Pourquoi réaliser un document supplémentaire sur la forêt, alors que de nombreux rapports sur la question existent déjà ?, interrogeait Marie de l'Estoile, rapporteure, lors de la présentation de son avis " Valorisation de la forêt française" au Conseil économique, social et environnemental, seul le rapport de Jean Puech a été suivi de retombées partielles, faute de gouvernance globale de la politique forestière".
Pour tenter d'y remédier, son avis liste les principales difficultés rencontrées par la filière et préconise différentes actions pour parvenir à une meilleure valorisation des forêts françaises.
Un déficit d'environ 6 milliards d'euros
Premier constat : malgré sa position de troisième pays le plus boisé de l'Union européenne et une filière qui compte près de 450.000 emplois, le secteur affiche un déficit de sa balance commerciale d'environ 6 milliards d'euros. A l'avenir, il devra faire face à différents défis. Tout d'abord, répondre à l'augmentation de la demande en bois, pour la production d'énergie (grâce à la biomasse), mais également pour le secteur de la construction-rénovation. Ensuite, résoudre les conflits d'usage entre le bois énergie et le bois industrie (les filières utilisent les mêmes déchets issus de la sylviculture et de scierie).
Il devra également concilier les enjeux des stratégies industrielles (qui s'inscrivent dans un temps court) et les influences du changement climatique (sur le long terme). Enfin, la forêt doit conserver son principe de multifonctionnalité dans les trois dimensions économique, sociale et environnementale.
60% de l'accroissement biologique des forêts exploités
L'une des premières pistes d'actions proposées par le document consiste à accroître la productivité de la forêt tout en la gérant de manière durable pour préserver les ressources naturelles et le fonctionnement des écosystèmes. Le document souligne ainsi que seuls 60% de l'accroissement biologique des forêts sont exploités chaque année. "Le morcellement des forêts privées, conjuguée avec des prix peu attractifs, n'incite pas la majorité des propriétaires à faire de la sylviculture", explique t-il. Pour y remédier, l'avis propose notamment le regroupement au sein d'organisations de producteurs ainsi que le développement des documents de gestion durable. Il regrette, dans ce cadre, que le Fonds de mobilisation de la forêt (acté dans le cadre du Grenelle de l'environnement) n'est pas encore eu de traduction concrète.
Cette valorisation ne peut cependant s'opérer sans un renouvellement adapté (régénération naturelle ou replantation) des parcelles récoltées.
La seconde préconisation vise la compétitivité de la filière. L'une des priorités pour le rapport est d'accompagner les entreprises de première transformation, qui rencontrent des difficultés à répondre aux normes et besoins des acteurs. Il souhaite également que soit précisée une hiérarchie entre les différents modes de valorisation : le bois d'oeuvre, le bois matériau, le bois énergie. Et pour cela, il recommande une identification des ressources disponibles au niveau de chaque territoire ainsi qu'une différentiation selon leur mode de valorisation optimale.
Pour soutenir les bois issus des forêts françaises, l'avis considère qu'une traçabilité s'avère indispensable.
Nécessité de prendre en compte les aspects sociaux
Faibles rémunérations, difficultés du métier et impacts sur la santé : l'avis affirme la nécessité de mieux prendre en compte les aspects sociaux de la filière bois. Il déplore notamment que de nombreuses conventions collectives départementales et régionales soient inactives depuis plusieurs années.
Le document souhaite également sensibiliser le public à l'importance de la valorisation des forêts et leurs multifonctionnalités (préservation et de la biodiversité, stockage du carbone, épuration des eaux, protection et enrichissement des sols, fixation des polluants atmosphériques, loisirs, etc.).
Adaptation des essences au changement climatique
La cinquième préconisation concerne les efforts de recherche et d'innovation. Le document encourage la poursuite des travaux sur des méthodes et des équipements d'exploitation de la forêt plus respectueux des écosystèmes. Pour le futur, il juge indispensable une maîtrise des connaissances concernant l'adaptation des différences essences aux changements climatiques.
L'avis souligne également la nécessité de "renforcer les missions de service public et les moyens de l'ONF pour une gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques".
Sur les 25 millions d'hectares boisés dont dispose la France, 9 se situent dans les régions ultramarines (dont 8 en Guyane). Le document conseille que le champ d'action de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), chargé de l'inventaire permanent des ressources forestières nationales, soit étendu aux territoires ultramarins.
Enfin, l'avis recommande pour améliorer la gouvernance de la filière, la création d'un secrétariat d'Etat ou d'un ministère délégué rattaché au ministère chargé de l'agriculture" au sein duquel la forêt doit faire l'objet d'une direction à part entière".