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Actu-Environnement

Partage de la ressource : le Varenne agricole de l'eau précise son cadre de réflexion

Le groupe de travail élargi sur le partage de la ressource en eau du Varenne agricole de l'eau s'est réuni le premier septembre. Une occasion de faire le point sur les éléments de repère qui alimenteront les réflexions.

Eau  |    |  D. Laperche

La thématique « partage de la ressource » du Varenne agricole de l'eau (groupe de travail 3) mobilise. Pour la visioconférence d'ouverture le 1er septembre, la salle virtuelle était pleine : la limite technique (1) de 300 personnes a été atteinte en début de matinée. C'est que ce rendez-vous de la rentrée a permis aux organisateurs de présenter les points de repère sur lesquels s'appuieront les réflexions menées jusqu'en décembre. Il a également donné le coup d'envoi des deux sous-groupes de travail « projets de territoires pour la gestion de l'eau (PTGE) » et « mobilisation des ressources existantes ».

Les discussions initiées se poursuivront ensuite en effectifs plus restreints fin septembre et mi-octobre. Parmi les personnes qui seront conviées à ces groupes « cœur » : des représentants d'organisations professionnelles agricoles, d'agences de l'eau, d'entreprises et aménageurs, de la recherche, de collectivités territoriales, de directions régionales de l'alimentation de l'agriculture et de la forêt, de directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, de direction départementale des territoires… Mais également des associations de protection de l'environnement. « FNE [France nature environnement] a été invitée mais nous n'avons pas de réponse quant à une participation effective », a précisé Hugues Ayphassorho, rapporteur des travaux de la thématique 3, membre du Conseil général de l'Environnement et du Développement Durable (CGEDD). Lors de l'annonce du lancement du Varenne, l'association avait en effet indiqué qu'elle refuserait de participer à l'événement, estimant que ce dernier était surtout à visée électorale.

Un peu en décalage par rapport aux deux premiers sous-groupes, le troisième sur les politiques d'aménagement du territoire s'ouvrira à la mi-octobre.

Trois livrables attendus

Trois livrables devraient ensuite découler de l'ensemble de ces réflexions : une boîte à outil d'accompagnement des PTGE ; une proposition de schéma d'optimisation des ressources en eau mobilisables ; une stratégie structurante pour les politiques locales de gestion de l'eau. Cette dernière identifiera de grands secteurs où un panel de solutions devra être préférentiellement mis en œuvre.

Si le Varenne agricole de l'eau était très attendu par une partie de la profession agricole, le cadrage de l'évènement suscite la méfiance. Certaines parties prenantes craignent que le rendez-vous ne soit surtout pensé pour sécuriser l'accès à l'eau des agriculteurs.

Quoi qu'il en soit, pour esquisser des points de repère et alimenter les réflexions à venir, quatre intervenants étaient conviés lors de ce groupe de travail élargi : un hydrologue, le président du comité de bassin Rhône méditerranée Corse (RMC), l'organisme unique de gestion collectif (OUGC) de l'Adour (bassin Adour Garonne) mais également d'un des co-rédacteur du rapport CGEDD-CGAAER « Changement climatique, eau, agriculture : quelles trajectoires d'ici 2050 ? ».

Leurs différents positionnements reflètent les attentes des acteurs.

Les pré-requis des discussions

« L'écoulement naturel va baisser et dans 80 % des cas, la ressource – ce que nous pouvons utiliser pour différents usages – sera encore plus réduite, a projeté Vazken Andreassian, directeur de l'unité de Recherche Hycar  (2) à Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Il faut garder en tête qu'il n'y a qu'un cycle de l'eau : l'eau utilisée à un endroit ne sera ensuite plus disponible à un autre endroit ».

Autre notion rappelée par l'hydrologue : l'importance de prendre en compte les écosystèmes aquatiques mais également les pertes par évaporation qu'impliquent les stockages.

La retenue d'eau est néanmoins considérée par certains agriculteurs comme une garantie pour la poursuite de leur activité. Et une de leurs revendications porte sur les moyens pour limiter les risques de contentieux, à l'image de l'OUGC du sous bassin de l'Adour, Irrigadour. Ce dernier a ainsi partagé son expérience vécue d'annulation (3) par un Tribunal de son autorisation unique de prélèvement (AUP) au motif d'un déséquilibre quantitatif.

Pour le Gouvernement, un outil permettrait de contourner ces blocages et mieux tracer les grandes lignes du partage de l'eau : le projet de territoires pour la gestion de l'eau (PTGE). Ces derniers peinent toutefois à se mettre en place dans un grand nombre de bassin. Les organisateurs ont toutefois mis en avant l'exemple du bassin Rhône méditerranée, « bon élève » par le nombre de plan de gestion pour la ressource en eau (PGRE), frère aîné du PTGE, adoptés. « Nous sommes un bassin qui faisons des retenues multi-usages financées par l'agence de l'eau, a indiqué Martial Saddier, président du comité de bassin RMC. Cette doctrine sera reconduite dans le Sdage, en cours de discussion ».

Les sept recommandations du rapport CGEDD-CGAAER

- Accélérer la transformation de l'agriculture pour faire face au changement climatique
- Faire des sols le socle de la stratégie d'adaptation de l'agriculture au changement climatique
- Concevoir et mettre en place l'irrigation de demain : vers une irrigation de résilience (maximiser le rendement)
- Mettre en place les conditions d'un renforcement acceptable de la ressource en eau pour l'agriculture
- Dynamiser la gouvernance territoriale de la gestion de l'eau
- Connecter plus fortement la recherche, le développement, les filières et agriculteurs confrontés au changement climatique
- Porter un discours commun ministère de l'agriculture/ ministère de la transition écologique sur l'eau et l'agriculture

Les réflexions seront également nourries par le rapport CGEDD-CGAAER (4) et ses sept recommandations (cf encadré). « Deux considérants doivent être conduits en parallèle, a posé comme principe général, Michel Sallenave, membre du Conseil général de l'agriculture de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), la réponse au changement climatique nécessite un changement de modèle agricole, plus économe en eau et protecteur des sols et partout où cela est possible, la mission est favorable au renforcement de la ressource en eau, dans le respect de son renouvellement et du bon état des milieux - à 20 ou 30 ans l'évolution de l'agriculture seule ne sera pas suffisante ».

Où placer le curseur entre soutien d'étiage et production hydroélectrique ?

Parmi les différentes options pour renforcer l'accès à la ressource, les co-rapporteurs proposent de saisir l'opportunité ouverte par le renouvellement des concessions hydroélectriques (5) . Cette dernière permettrait de poser la question d'une mobilisation différente de ces stockages. « Les 7 milliards d'eau stockés que représentent les grands barrages hydroélectriques constituent un potentiel considérable : le renouvellement est l'occasion d'arbitrer où placer le curseur entre soutien d'étiage et production hydroélectrique », a complété Michel Sallenave. Le sujet est délicat : la Commission européenne impose à la France d'ouvrir à la concurrence la gestion de ses concessions hydroélectriques mais cette dernière traîne des pieds, provoquant les foudres de l'institution. « Ce sujet n'est pas nouveau, le débat ouvert avec la Commission européenne est complexe, a commenté Jean Launay, président des travaux de la thématique 3 du Varenne, président du Comité National de l'Eau. Nous avons intérêt à garder la main sur cette ressource. Insister sur ce point lors du processus du Varenne devrait permettre de donner du poids à l'État dans son dialogue [avec la Commission européenne]».

La mobilisation des ressources existantes constitue en effet le sujet de l'un des sous-groupes de travail. Ce dernier s'attèlera à quantifier les potentiels des ressources existantes (6) puis analyser les conditions de leur mobilisation et leur accessibilité (7) ainsi que les besoins en études et recherches.

Le PTGE, un outil à consolider

Ces travaux en groupe élargi ont également été l'occasion pour la mission d'appui aux PTGE lancée en mars dernier de présenter ses avancées. Celle-ci s'est penché sur 15 PTGE dans les bassins Rhône méditerranée Corse, Adour-Garonne et Seine Normandie qui présentent des situations très diverses concernant leur ancienneté (du démarrage à 10 ans), l'importance du déséquilibre de la ressource, le point de l'irrigation, les options retenues, l'articulation ou pas avec un Sage. « Seulement quelques Sages ont défini dans leurs réglements un volume prélevable et sa répartition entre usagers, a détaillé Claude Gitton, membre permanent du CGEDD. Par ailleurs, pour six projets situés à l'ouest, des autorisations ont été annulées par des contentieux ».

La mission d'appui au PTGE a identifié plusieurs points clefs pour réussir une concertation dans un délai raisonnable : l'implication des acteurs et la mise en place de la gouvernance, la qualité du dialogue entre acteurs, les liens entre la planification de l'eau (Sdage, Sage) et le projet de territoire, la connaissance incomplète ou non partagée du territoire ainsi que son fonctionnement, l'élaboration et la mise en œuvre du projet de territoire.

« Compte tenu de la complexité et la multiplicité des acteurs, la mission ne pourra que contribuer à éclairer la connaissance et le choix des actions mais nous ne disposerons pas de baguette magique pour débloquer les situations », a toutefois pointé Gérard Fallon, membre du CGAAER. La mission poursuit son travail de suivi. La présentation de la boîte à outil pour accompagner les PTGE est prévue mi-décembre.

1. Un lien vers un autre accès au direct a ensuite été proposé par les organisateurs2. Hydrosystèmes Continentaux Anthropisés – Ressources, Risques, Restauration3. Suite à la sollicitation d'associations de protection de l'environnement, le tribunal de Pau avait en effet annulé à partir de mai 2022 l'autorisation unique de prélèvement (AUP) d'Irrigadour au motif d'un déséquilibre quantitatif. Une période transitoire avec des prélèvements plafonnés avait été prévue durant l'été 2021. Finalement la Cour administrative d'appel de Bordeaux a suspendu ces plafonnements. L'OUGC a formulé une demande similaire pour ses prélèvements en 2022.4. Télécharger le rapport « Changement climatique, eau, agriculture : quelles trajectoires d'ici 2050 ? ».
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-36778-cgaer-cgedd-gestion-eau-changement-climatique-doctrine-partagee.pdf
5. Lire La privatisation des barrages hydrauliques français : une équation complexe à résoudre<br />
https://www.actu-environnement.com/blogs/timothee-lafaurie/293/privatisation-barrages-hydrauliques-france-edf-europe-414.html
6. Parmi les pistes explorées : la gestion des sols et des couverts agricoles, les solutions fondées sur la nature, les économies d'eau en irrigation, économie d'eau par l'amélioration des infrastructures (barrages, canaux), les réservoirs hydroélectriques et autres parcs hydrauliques, les possibilités de stockages hivernaux (réalimentation, substitution), les projets existants des grands opérateurs hydrauliques, la réutilisation des eaux usées traitées, la mobilisation de nappes libres, dessalement hydro rétenteurs, etc, des solutions diffuses locales7. Quatre filtres seront examinés : le climat futur ; territorial ; économique et financier ; l'allocation équilibrée entre les différents usages et le milieu

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