La France est en retard en matière d'utilisation du gaz naturel comme carburant, ont constaté les intervenants du débat BIP Enerpresse du 24 janvier 2014. Pourtant ce combustible présente de nombreux avantages aux yeux de ses promoteurs : des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote (NOx) divisées par près de 10 par rapport au diesel, des émissions de CO2 réduites d'environ 10% par rapport au diesel, une forte réduction du bruit des véhicules, des réserves relativement abondantes et la perspective de voir la production de biogaz et l'offre de "bioGNV" se développer.
En France, l'usage du gaz naturel pour véhicule (GNV) reste limité à quelques flottes captives et celui du gaz naturel liquide (GNL) est anecdotique. Pourtant, "les pouvoirs publics accompagnent la filière GNV depuis longtemps", rappelle Florence Tordjman, adjoint au directeur général de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de l'Ecologie, regrettant que "cela reste peu connu".
Un marché de niches
Les chiffres de consommation de GNV illustrent pleinement le retard français. Selon les données relatives au marché européen présentées par Eugène Pronin, spécialiste export chez Gazprom, il se vend environ 13.000 millions de mètres cubes (M m3) de GNV par an en France. Dans le même temps, il s'en vend 823.000 M m3 en Italie, 388.000 M m3 en Ukraine, 244.000 M m3 en Albanie et 96.000 M m3 en Allemagne. Au niveau mondial, l'Iran domine le marché à plus de 3 millions M m3.
La forme la plus connue et la plus répandue est le gaz naturel pour transport (GNV) qui est du gaz comprimé. Il est particulièrement adapté aux transports urbains. Par contre, pour le transport sur grandes distances, sa faible densité énergétique nécessite un bon maillage du territoire par les installations de recharge ou l'installation de grands réservoirs sur les véhicules.
Le gaz naturel liquide (GNL) est quant à lui du gaz liquéfié par cryogénie. Sa bonne densité énergétique offre de nouvelles perspectives pour les trajets longues distances, que ce soit par route ou par mer et voie fluviale. Par contre les installations de recharge sont plus complexes à développer du fait de son stockage à très basse température.
Au final, les principaux utilisateurs de GNV en France sont des flottes de véhicules de propreté, notamment des camions poubelle, et de transport public. Les tentatives d'équiper certaines flottes publiques de livraison se sont avérées être des échecs et les expériences similaires dans le secteur privé restent trop peu fréquentes.
Trois raisons expliquent ce faible développement, selon la DGEC. En premier lieu, les Français ne connaissent pas ce carburant et l'offre de véhicules n'est pas française. Ensuite, comme pour l'électricité, le réseau de distribution est trop peu développé. Enfin, le modèle économique est fragile car il est difficile d'anticiper le prix du gaz et, faute de demande sur le marché de l'occasion, le prix de revente du véhicule est quasi-nul.
Des perspectives à concrétiser
Reste que pour la représentante de la DGEC, sur le plan environnemental, "le gaz naturel est le plus prometteur des hydrocarbures". Ainsi des scénarios de transition énergétique, et notamment celui de l'Ademe, s'appuient sur le gaz. D'ailleurs, l'Ademe juge possible qu'à terme le gaz soit majoritaire dans les transports.
Les freins seront assez facilement levés "si la filière le veut". Cela d'autant plus, explique la représentante du ministère, que le secteur des transports est "le maillon faible" de la politique climatique française et que les pouvoir publics souhaitent dédieséliser le secteur. Donnant l'exemple du "bonus malus" automobile, Florence Tordjman juge que le gaz à une bonne marge de progression dans les transports avec l'aide des bonnes politiques publiques. D'ailleurs, il semblerait, selon Jean-Marc Celsa, responsable marketing chez Iveco, que le marché se diversifie. Il indique qu'en 2013, le segment benne à ordure ne représentait "que" 40% du marché français, contre 93% deux ans plus tôt.
Le principal espoir des participants au débat est la dédiésélisation du parc automobile compte tenu des enjeux de qualité de l'air mais aussi des difficultés croissantes en matière d'approvisionnement français en diesel. De même, l'arrivée de la norme Euro 6 devrait renchérir le prix des véhicules diesel. Reste que pour l'instant la politique publique de lutte contre la pollution atmosphérique a maintes fois été reportée. Interrogée sur le retard de la mise en œuvre des Zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa), la représentante du ministère de l'Ecologie a estimé que "le gouvernement précédent, soyons clair, s'est heurté à des lobbies qui l'ont obligé à reculer". Une remarque qui, comme l'illustre l'actuel plan d'urgence, sonne comme un avertissement pour tous ceux qui misent sur la politique publique de réduction de la pollution atmosphérique pour faire progresser les carburants alternatifs.
L'essor du biogaz et l'intérêt pour les renouvelables devraient soutenir l'usage du gaz comme carburant. Le cadre règlementaire est maintenant finalisé et comprend des dispositions spécifiques à l'usage du biogaz comme carburant. De même, des villes s'intéressent à la mise en place de boucle misant sur la production de biogaz à partir des déchets pour alimenter les transports locaux.
Enfin, parmi les points les plus encourageants figure la proposition de directive européenne sur les infrastructures de recharge pour carburants alternatifs. Ce texte, proposé en janvier 2013 pourrait faire l'objet d'un accord au premier semestre 2014. Il vise, entre autres, à installer, dans l'Union européenne et d'ici 2020, une station GNV ouverte au public tous les 150 km et une station GNL tous les 400 km. Il y aurait alors en France 105 stations GNV et 18 stations GNL. Mais les discussions sont compliquées et les Etats membres aimeraient reporter l'objectif de 2020 à 2030, a expliqué un représentant de la Commission européenne...