« L'écosystème du vélo étant relativement dynamique dans notre pays, il apparaît que l'économie française gagnerait à ce que la production de cycles sur le territoire français soit renforcée (…). Pour autant, le secteur économique du vélo est souvent perçu comme un secteur anecdotique, parcellisé et à faible valeur ajoutée », relevait Jean Castex dans la lettre de mission adressée, en octobre dernier, à Guillaume Gouffier-Cha. Le député LReM du Val-de-Marne a remis, mardi 8 février, au chef du gouvernement, son rapport sur la filière économique de la petite reine.
Après avoir rencontré plus d'une centaine d'acteurs industriels et économiques et visité de nombreux sites, en France et au Portugal, l'élu dit croire à « une nouvelle histoire économique » basée sur le vélo. Son optimisme vient, en premier lieu, du constat d'un changement des usages. « Pour de plus en plus de Français, le vélo devient un mode de déplacement du quotidien », a constaté M. Gouffier-Cha. Une reconnaissance aidée par le Plan vélo, présenté, en septembre 2018, par le Premier ministre de l'époque, Édouard Philippe, qui vise à tripler la part modale de la bicyclette, pour atteindre 9 % des déplacements en 2024. Mais aussi par la crise sanitaire, qui a remis les vélos sur les routes et poussé à la création de nouvelles pistes cyclables.
Essor du VAE et du vélo cargo
Selon l'Union Sport et cycle, le marché du VAE représente déjà 56 % du marché total en valeur en 2021, compte tenu de son prix de vente beaucoup plus élevé (2 079 euros en moyenne).
Le souci vient du fait que la production des vélos a été délocalisée en Asie depuis plusieurs décennies. « L'économie du vélo est un exemple parmi d'autres des erreurs de notre politique de désindustrialisation ces cinquante dernières années et des perspectives nouvelles qui s'ouvrent à nous aujourd'hui », estime M. Gouffier-Cha. « Malgré une histoire industrielle forte du vélo, la France produit à ce jour l'équivalent du quart des vélos vendus sur son territoire », déplore le parlementaire. Soit 690 000 vélos assemblés en France sur les 2,7 millions vendus en 2020. Sachant que ce nombre pourrait atteindre 5 millions en 2030.
Opportunités dans les vélos moyen et haut de gamme
Le rapport voit dans les vélos de moyen ou haut de gamme « de réelles opportunités de développement pour les industriels français ». Pour reconstruire cette industrie, Guillaume Gouffier-Cha fait une série de propositions au Premier ministre. Celles-ci portent notamment sur la modernisation des usines. « Une mission vélo pourrait être créée, soit au ministère de l'Industrie, soit à la Banque publique d'investissement, afin que les acteurs aient un contact simplifié avec l'État et un accompagnement renforcé pour leurs projets de développement », suggère le rapport.
Le député insiste aussi sur l'investissement dans l'innovation. « Le vélo est une technologie qui évolue en permanence. Il est de plus en plus électrifié et connecté. Il est capital que notre industrie du vélo ait la maîtrise de ces nouvelles technologies », insiste le rapport. Ce dernier propose de soutenir la production en France de batteries et de motorisation des VAE, ainsi que de vélos cargos.
« Au regard des enjeux d'approvisionnement en matières premières et en pièces détachées, la filière industrielle du vélo doit se développer en prenant absolument en compte les enjeux de réparabilité et de réutilisation des pièces et des matériaux », juge également le député. « L'extension en 2022 de la responsabilité élargie du producteur (REP) aux articles de sport va conduire à des changements importants de conception chez les fabricants qu'il faut accompagner, dans un contexte de pénurie de matières premières », estime le rapport. Ce dernier prône la standardisation de certains composants, et notamment des chargeurs et batteries de VAE.
Pour se protéger de la concurrence déloyale, M. Gouffier-Cha souligne également la nécessité de maintenir les mesures anti-dumping européennes, qui ont permis d'éviter que le marché européen ne soit complètement submergé par la production asiatique, en particulier chinoise. Il appelle également de ses vœux la mise en place d'une taxe carbone aux frontières, qui se trouve être au programme de la présidence française de l'Union européenne. Enfin, la création d'un label France Vélo permettra de reconnaître la production de vélos dans l'Hexagone, estime l'élu.
Créer un comité de filière
Afin de structurer la filière, le député propose aussi de créer un comité de filières rassemblant l'ensemble des acteurs économiques, comme il en existe dans d'autres secteurs, comme celui de l'eau ou du nucléaire. Le député préconise, en effet, de développer la coopération, pour l'heure très faible, entre les différents acteurs de la filière. Mais il recommande d'établir aussi des partenariats avec d'autres filières, en particulier sur la production de composants avec les secteurs automobile et aéronautique, ou l'industrie des pièces métalliques (décolletage). « Plusieurs acteurs participent aujourd'hui à la création de ces ponts, comme Valeo, Actia, Savoy international ou bien encore le groupe Bontaz », se félicite l'élu.
Au-delà de la seule industrie, le rapport souligne la nécessité de développer les secteurs « des services, de la réparation et de la maintenance, de la cyclologistique et du vélo tourisme ». « Plus de 100 000 emplois pourraient y être créés d'ici à 2050 selon certaines estimations », rapporte M. Gouffier-Cha. L'ensemble des entreprises rencontrées pendant la mission recrutent actuellement, indique ce dernier. En d'autres termes, « le vélo est un secteur d'emploi en plein boom ».
D'après le rapport, le nombre d'entreprises de réparation de vélos inscrites au répertoire national des métiers a doublé entre 2018 et 2021. Sur la seule année 2020, + 35 % de réparateurs labellisés ont été enregistrés dans le cadre du « coup de pouce vélo », une aide financière mise en place par le gouvernement pour réparer sa monture. Le rapport préconise une meilleure formation des réparateurs afin de monter en compétence et « rendre la réparation rentable ». « Si l'on considère le vélo comme un mode de déplacement, il est primordial de disposer de réparateurs bien formés. C'est pourquoi, il nous semble important de rendre obligatoire la détention a minima d'un certificat de qualification professionnelle « réparateur cycle » au sein de l'équipe d'un vélociste », estime le député.
Les propositions du député semblent avoir fait mouche. Dans un communiqué commun, les ministres de la Transition écologique, des Transports et de l'Industrie saluent « un travail indispensable pour poursuivre la reconnaissance du vélo comme un mode de transport à part entière ». Et de préciser : « Il en va ainsi des préconisations visant à consolider les acquis du Plan vélo, comme le fonds mobilités actives ou les aides à l'achat, à soutenir les innovations industrielles, à développer la réparabilité des vélos et le marché d'occasion. » Reste à transformer ces préconisations en actes.