Plus de 40 hectares d'une ancienne plaine maraîchère, recouverts par des dépôts d'ordures illégaux… Depuis une dizaine d'années, des entreprises du BTP peu scrupuleuses préfèrent laisser leurs gravats aux abords de Carrières-sous-Poissy (Yvelines), plutôt que de payer des frais de déchèterie. Le phénomène s'est accéléré depuis un an, aidé par les dépôts de toute nature de particuliers. Des milliers de tonnes de détritus attendent d'être évacués. Il faudra pour cela débloquer plus d'un million d'euros.
Le cas très médiatisé de Carrières-sous-Poissy a remis sur le devant de la scène un mal français : les dépôts sauvages de déchets qui défigurent les paysages, et empoisonnent le territoire. Zones agricoles, forestières, péri-urbaines ou même littorales, chaque parcelle de territoire, pour peu qu'elle soit à l'abri des regards, semble menacée par ces dépôts illégaux d'ordures.
En Île-de-France, région particulièrement touchée par le phénomène, l'Office Nationale des Forêts (ONF) a annoncé, fin septembre, l'arrêt du ramassage des dépôts sauvages dans les forêts domaniales de Saint-Germain et Marly. L'enlèvement des déchets dans ces deux forêts revenait, respectivement en 2016, à 78 500 € et 23 500 €, et les dépôts n'ont cessé d'augmenter ces derniers mois. Des dépenses que l'ONF Île-de-France Ouest ne souhaite plus assumer. Au niveau national, l'ONF ramasse chaque année 1 500 tonnes de déchets pour un coût de 900 000 €.
Impacts environnementaux, sociaux et économiques
La secrétaire d'État Brune Poirson a lancé, en mai dernier, un groupe de travail réunissant élus, associations, administration ainsi que l'Ademe, pour lutter contre ces dépôts. "Les décharges sauvages génèrent des impacts environnementaux, sociaux et économiques importants. Le coût de leur ramassage régulier est une charge lourde à supporter pour les collectivités", explique-t-elle. Le groupe de travail devra, en priorité, proposer des outils de contrôle et de sanction renforcés pour "trouver enfin des solutions concrètes à ce fléau environnemental".
Amendes et répression
Pour l'association Robin des Bois, membre de ce groupe de travail, l'heure n'est plus à la sensibilisation et à l'information. "La seule solution est de s'en prendre à ce qui compte le plus pour beaucoup de gens : leur porte-monnaie", estime Jacky Bonnemains, porte parole de l'ONG, qui attend des amendes plus dissuasives pour les pollueurs et plus de répression de la part des maires et des polices municipales. Le code de l'environnement fixe aujourd'hui à 75 euros d'amende le fait de jeter une poubelle pour un particulier, à 1 500 euros en cas de dépôt depuis un véhicule. S'il s'agit de déchets professionnels, l'amende peut atteindre 75 000 euros, assortie d'une peine de deux ans de prison. Mais les verbalisations sont rares, car les pollueurs sont souvent discrets.
Il est difficile de recenser le nombre de dépôts qui polluent les sols français. Certaines ONG avancent qu'il en existerait au moins un dans chacune des 36 000 communes françaises. Le groupe de travail "décharges sauvages" doit remettre ses conclusions finales de manière échelonnée jusqu'en avril 2019.