Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie
Chantal Jouanno : Sur le sujet de l'écologie en général, deux sujets sont structurants. Tout d'abord, la partie ville et urbanisme, c'est-à-dire comment conçoit-on le vivre ensemble, et ensuite la partie consommation. Dans les deux cas, jusqu'à présent, nous avons eu une approche produit. On a conçu l'urbanisme comme un empilement de petites maisons sans prendre en compte les besoins des habitants Dans la ville de demain, il faut partir de ces besoins et concevoir la ville autour de l'homme. L'homme a besoin de travailler, de se loger, de se nourrir… Faire des kilomètres pour combler ces besoins lui complexifie l'existence, consomme beaucoup d'énergie et impacte l'environnement. La lutte contre l'étalement urbain doit être ré humanisée : elle sert à vivre sur un espace plus rassembleur, plus collectif. À ce titre, Les dimensions urbanisme et transports sont donc complètement liées, on ne peut plus les déconnecter l'une de l'autre.
A-E : Face à une urbanisation toujours plus marquée, comment concilier densité et qualité de vie ?
C.J. : Il faut sortir de l'idée que le bonheur est dans le pavillon uniforme où tout se ressemble ! Le bonheur peut être aussi dans de nouvelles formes de vie collectives. Ce qui est fabuleux dans cette réflexion sur la ville de demain, c'est que l'on a vu émerger beaucoup de projets d'écoquartiers, beaucoup plus à l'étranger qu'en France, qui partent d'abord de communautés d'habitants qui ont envie de vivre ensemble et qui, à partir de ce désir, construisent leur ville. Cette réflexion part de l'homme, de son besoin de vivre en communauté. Il faut repenser dans la ville les services. Par exemple, la ville de demain peut être une ville où, dans les immeubles, on partage les lieux de services : les garages, les ateliers pour réparer, la laverie … On peut imaginer reconstruire des tours au-dessus des centres commerciaux alors qu'auparavant, les centres commerciaux étaient loin de l'habitat. On peut réimaginer des espaces verts collectifs… Au Pays-Bas, l'un des pays européen qui a la densité la plus forte, chacun a son espace de vie collectif et son espace vert. Il y a là-bas un réel plaisir de vivre ensemble. La réflexion sur la ville de demain anticipe en fait beaucoup sur ce que doit être la société de demain, une société où nécessairement, on réapprend à vivre avec l'autre. La question écologique est complètement liée à cette nouvelle forme d'organisation de la société.
A-E : Concrètement, quelles sont les mesures mises en œuvre pour concevoir une ville plus durable ?
C.J. : Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, un certain nombre de mesures techniques tendent à lutter contre l'étalement urbain. On réfléchit désormais en terme d'artificialisation des sols. L'agriculture tendra vers plus de proximité, elle se développera aux franges des villes. Les plans de déplacement seront conditionnés par les plans d'urbanisme. Nous menons également des réflexions pour savoir quelle doit être la hiérarchie des documents entre eux, est-ce que le SCOT (schéma de cohérence territoriale) doit être le document dominant, est-ce qu'il doit être intercommunal ?… Il y a ensuite les mesures conceptuelles. Le Grand Paris, par exemple, est une illustration de la ville de demain. Paris doit être la région post Kyoto ou plutôt post Grenelle ! La réflexion menée par les architectes, non pas en cercle clos mais en collaboration avec d'autres acteurs, a abouti à de grands projets extrêmement concrets et réalistes. Il est normal que la France porte cette réflexion avec un peu plus de vigueur qu'elle l'a fait jusqu'à présent : notre pays a conçu l'organisation des villes d'hier, ce serait bien qu'elle conçoive la ville de demain !