La filière viticole française se livre à un exercice innovant : définir une stratégie d'adaptation aux changements climatiques (1) . En s'appuyant sur une étude prospective définissant plusieurs scénarios d'adaptation (2) possibles à l'horizon 2050, la filière a lancé un groupe de travail national et mis en débat les travaux dans les régions pour consulter les acteurs. Le scénario misant sur les innovations technologiques est plébiscité. A contrario, celui s'appuyant sur une relocalisation des vignobles en fonction des conditions climatiques est rejeté, les acteurs redoutant un effacement des terroirs, des paysages et des typicités des vins.
Des changements déjà perceptibles
L'étude prospective, réalisée par l'Institut national de recherche en agriculture, alimentation et environnement (Inrae) dans le cadre du métaprogramme Laccave en 2012-2016, est le point de départ de ces travaux. Elle a permis d'identifier les impacts futurs du climat sur les vignes. D'ici 2050, les conditions de production des vins, leurs caractéristiques organoleptiques et leurs marchés seront modifiés. « L'augmentation de la température enregistrée ces dernières décennies a déjà provoqué des changements observables sur la physiologie de la vigne : avancement de sa phénologie (floraison, véraison) et de la période de récolte (près de deux semaines en moyenne par rapport à la période avant 1980) ; augmentation du degré alcoolique ; baisse de l'acidité du raisin à la récolte ; modification des profils aromatiques et polyphénoliques ; évolution du rendement dans certaines régions… », liste la synthèse de l'étude prospective.
Déplacer les vignobles pour retrouver de bonnes conditions pédoclimatiques ?
Des mesures d'atténuation
Le projet de stratégie prévoit également des mesures d'atténuation des changements climatiques. Pratiques favorisant la captation du carbone par les sols, réduction de la consommation de carburants fossiles et éco-conception des bâtiments et des matières sèches, font partie des actions identifiées.
L'une des stratégies d'adaptation est donc de relocaliser les vignes, soit dans le périmètre des vignobles actuels, soit à travers un déplacement beaucoup plus important. Il s'agirait d'abandonner les régions viticoles actuelles et d'en créer de nouvelles pour retrouver un contexte pédoclimatique favorable, détaille l'étude de l'Inrae, qui propose quatre stratégies d'adaptation.
Mais ce scénario est, sans surprise, rejeté par l'interprofession. Lui est préféré celui s'appuyant sur les innovations technologiques viticoles et œnologiques (3) pour maintenir les terroirs. C'est sur cette voie que devrait donc s'appuyer la stratégie d'adaptation de la filière.
Choix techniques, réserves foncières et irrigation
Ces travaux pourraient aboutir à la réalisation d'une cartographie pédoclimatique des zones viticoles dans un but précis : « favoriser la constitution de réserves foncières et rendre opposable les cartographies pédoclimatiques établies dans les documents d'urbanisme ». Ces documents distinguent d'ores et déjà les zones naturelles (N) et agricoles (A), où il est, en principe, interdit de construire. Cependant, ils ne peuvent pas être prescriptifs sur l'utilisation des sols (cultures, pratiques agricoles…).
Enfin, le projet de stratégie souligne qu'il faut favoriser « dans les territoires viticoles l'accès à l'eau et l'irrigation, tout en revoyant les modes de gestion de l'eau et l'irrigation ». Mais si le Gouvernement est favorable au stockage hivernal d'eau pour favoriser l'irrigation, des arbitrages devront être faits à l'avenir entre usages et filières. Dans certaines régions où l'état de la ressource est tendu, pas dit que la viticulture soit jugée prioritaire...