Parmi le bouquet de textes présentés par la Commission européenne le 14 juillet en vue d'atteindre la neutralité climatique du continent en 2050, ceux portant sur le transport routier ne passent pas inaperçus. « Les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports représentent actuellement pas moins d'un quart des émissions totales de l'UE et, contrairement à d'autres secteurs, ces émissions continuent d'augmenter. D'ici à 2050, les émissions dues aux transports devront diminuer de 90 % », explique l'exécutif européen.
Ce dernier propose par conséquent une réduction des émissions de CO2 des voitures neuves de 55 % (50 % pour les camionnettes) à compter de 2030 par rapport à 2021, puis de 100 % à partir de 2035. « En conséquence, toutes les voitures neuves immatriculées à partir de 2035 seront des véhicules à émissions nulles », annonce la Commission. C'est-à-dire que la vente de véhicules thermiques (essence, diesel ou gaz) ne sera plus possible. Seuls les véhicules électriques pourront l'être.
En complément de ce projet de règlement, Bruxelles propose de réviser la directive portant sur le déploiement d'infrastructures de recharge en carburants alternatifs. L'objectif est d'installer des points de recharge électriques tous les 60 kilomètres et des points de ravitaillement en hydrogène tous les 150 kilomètres sur les grands axes routiers.
La Commission propose également d'inclure les émissions liées aux carburants utilisés dans le transport routier dans un nouveau système d'échange de quotas d'émission. L'objectif est d'inciter les producteurs à proposer des carburants moins émetteurs pour les voitures comme pour les camions. Mais, parce que ce projet risque d'avoir des répercussions importantes sur les automobilistes, Bruxelles propose un règlement instaurant un fonds social pour le climat.
« Outil inefficace sur le plan climatique »
« Après avoir été l'un des premiers pays au monde à fixer une date de fin des ventes de véhicules thermiques en 2040, la France partage l'objectif d'accélération de cette trajectoire », réagit le ministère de la Transition écologique dans un communiqué. Et ce, alors que la France assurera la présidence du Conseil de l'UE au premier semestre 2022. « Il apparaît nécessaire de conserver une approche technologique ouverte qui n'exclut pas les véhicules hybrides rechargeables performants et de prévoir un accompagnement pour la filière automobile, en particulier pour les sous-traitants et les salariés », tempère toutefois l'Hôtel de Roquelaure.
L'inclusion du transport (et du bâtiment) dans un nouveau marché carbone suscite des réserves plus franches de Paris qui pointe les potentielles conséquences du dispositif sur les ménages et petites entreprises. « Je suis contre car c'est un outil inefficace sur le plan climatique et très risqué sur le plan social et politique », estime également Pascal Canfin, président de la commission environnement du Parlement européen. L'eurodéputé se félicite en revanche des objectifs relatifs à la décarbonation des véhicules et au déploiement des bornes de recharge qu'il qualifie de « bon équilibre entre une action trop rapide pour les industries et trop lente pour le climat ».
« Chantiers indispensables ouverts par la Commission »
Les ONG environnementales se disent plutôt satisfaites de ces propositions même si elles pointent aussi des risques sociaux, de même que des incohérences dans la politique de l'Union européenne et de la France.
Concernant la date de fin de vente des véhicules thermiques, il s'agit « d'une avancée par rapport à celle fixée en France (2040), sans pourtant être alignée avec les scénarios énergétiques de 1,5 °C », relève le WWF France.
« Les nouvelles règles de l'UE démocratisent les voitures électriques et donnent une impulsion majeure à la recharge, se félicite aussi Diane Strauss, directrice France de l'association Transport & Environnement. Pour autant, la position de la France dans le processus décisionnel a été particulièrement regrettable. Le gouvernement français a cherché à limiter l'ambition de la Commission européenne en soutenant des véhicules hybrides rechargeables. Ni les constructeurs français, ni l'emploi en France n'ont besoin de cette technologie controversée pour réussir la transition ».
L'ONG pointe également « une grande occasion manquée » avec la proposition de directive sur les énergies renouvelables en ce qui concerne les biocarburants. « Nous devrions nous débarrasser du diesel de palme et de soja qui saccage actuellement la forêt tropicale. Et au lieu de proposer des quotas totalement irréalistes pour les biocarburants dits avancés, l'UE devrait promouvoir pleinement l'électricité renouvelable dans les voitures et les camions », réagit William Todts, directeur exécutif de Transport & Environnement.
Reste à voir comment vont évoluer ces propositions de textes au fil de leur examen par les États membres et par le Parlement européen au cours des mois prochains.