
Directeur du pôle innovation sociale et énergies renouvelables chez Wiseed
Actu-environnement : Wiseed a organisé plusieurs collectes participatives pour des projets retenus dans le cadre du dernier appel d'offres (CRE4) pour le photovoltaïque. Quelle leçon en avez-vous tiré ?
Jean-Marc Clerc : Nous avons effectivement travaillé avec plusieurs porteurs de projets qui avaient choisi de faire du financement participatif. Selon le cahier des charges de l'appel d'offres, défini par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), ces collectes sont limitées au département d'implantation du projet et aux départements limitrophes. Cette exigence est compréhensible, les autorités souhaitent faire participer le territoire et créer une dynamique avec les citoyens. Mais en créant ce focus sur un territoire donné, cela peut engendrer des difficultés. Pour certains territoires, la collecte sera aisée alors que dans les zones moins denses, elle sera moins évidente.
AE : Avez-vous rencontré des difficultés sur certaines collectes en zone rurale ?
JMC : La première collecte que nous avons organisée dans le cadre de l'appel d'offres CRE4 portait sur onze centrales photovoltaïques sur bâtiment, implantées dans l'Allier. C'est une zone rurale, avec une population peu connectée, … On retrouve ce même contexte dans les départements riverains : le Cher, la Nièvre… Nous avons finalement collecté près de 100.000 €, grâce à des actions de communication en numérique mais aussi en ayant une présence forte sur le terrain. Nous avons organisé des réunions publiques, des permanences locales pour présenter le projet et le financement participatif. Cela prend du temps mais c'est obligatoire pour les plateformes de financement participatif, surtout dans ce type de zone.
AE : Les conditions du financement participatif sont pourtant plutôt incitatives…
JMC : Dans les énergies renouvelables, le financement participatif est facilité : les valeurs portées touchent au développement rural et à la transition écologique, les citoyens y sont sensibles et cela facilite leur adhésion. Et puis, cela ressemble à du prêt même si le capital n'est pas garanti. Le chiffre d'affaires des projets est garanti par les contrats d'achat de l'électricité mais cela reste néanmoins des contrats non garantis. Les taux sont généralement situés dans une fourchette entre 5 et 7%, pour récompenser la prise de risque du "prêteur". Leur niveau doit être suffisamment intéressant pour débloquer l'épargne locale sans compromettre l'équilibre financier du projet.
AE : Vous souhaitez néanmoins voir évoluer le cahier des charges en vue des futurs appels d'offres ?
JMC : Il a déjà pas mal évolué et cela peut être anxiogène pour les porteurs de projets. Nous avons besoin de visibilité et donc d'un cahier des charges stable. Notre syndicat, Financement participatif France, échange avec la DGEC et les syndicats de développeurs pour pourvoir organiser des collectes ambitieuses qui permettent aux citoyens de participer au financement de la transition énergétique. Pour cela, il faut rendre les exigences adéquates et prendre notamment en compte ce que peuvent faire les plateformes de financement participatif dans les territoires ruraux, qui n'ont pas forcément la richesse pour financer le photovoltaïque ou l'éolien.
Il serait illogique de ne pas financer les énergies renouvelables dans des territoires où il y a un réel potentiel solaire ou éolien, mais pas la richesse. Il faut que les territoires qui ont moins de pouvoir d'achat puissent y avoir accès aussi. Le financement participatif a toutes les cartes en main pour financer les énergies renouvelables dans ces territoires mais il faut créer les conditions propices. Nous conseillons également aux développeurs de se tourner au plus tôt vers les plateformes de financement pour décider de la pertinence d'une collecte ou pas, plutôt que de cocher de manière aveugle ce critère lors de la candidature aux appels d'offres. Nous avons acquis, depuis un an ou deux, une bonne connaissance des citoyens sur ce sujet.