Après cinq semaines de procès, qui se sont achevées le 17 octobre dernier, le jugement avait été mis en délibéré. Le tribunal correctionnel des Sables d'Olonne a rendu aujourd'hui 12 décembre sa décision sur les responsabilités pénales dans le drame de la commune de La Faute-sur-Mer (Vendée) où 29 personnes avaient péri noyées le 28 février 2010 après le passage de la tempête Xynthia.
Verdict ? Quatre ans de prison ferme pour l'ancien maire de la commune, René Marratier, reconnu coupable d'homicides involontaires et de mises en danger de la vie d'autrui. Son ancienne adjointe à l'urbanisme, Françoise Babin, est condamnée à deux ans et 75.000 euros d'amende. Le fils de cette dernière, agent immobilier, à 18 mois. Des condamnations plus lourdes que les réquisitions du ministère public, jugées déjà sévères par les avocats de la défense. Quant à Alain Jacobsoone (1) , seul représentant de l'Etat sur le banc des prévenus, il est relaxé par le tribunal qui n'a retenu qu'une faute simple à son encontre.
Débat sur les responsabilités de l'Etat et des élus locaux
Derrière ces condamnations et cette relaxe pointe le débat sur les responsabilités respectives des élus locaux et de l'Etat. "En condamnant M. Marratier, vous condamnerez tous les maires de France", avait prévenu Maître Seban, avocat de l'ancien maire, qui estimait avec d'autres avocats de la défense que la responsabilité de l'Etat était oubliée.
Si la faute caractérisée des élus a été retenue dans la gestion de la crise, le tribunal a toutefois relevé plusieurs manquements des services de l'Etat, qui avaient accepté que la zone soit rendue constructible et délivré des avis favorables à des permis de construire.
Peut-on dire aujourd'hui que les leçons ont été tirées de ce drame ? France Nature Environnement (FNE) estime que des progrès notables ont été réalisés en matière de prévision, de vigilance et d'alerte depuis la tempête Xynthia. Mais la fédération d'associations de protection de l'environnement déplore "le retard considérable" pris dans la mise en oeuvre des plans de prévention des risques naturels et les attaques récurrentes contre la loi littoral. Dernier exemple en date signalé par l'ONG : l'annonce par Ségolène Royal, le 4 décembre dernier, du report de l'enquête publique concernant le plan de prévention des risques de submersion marine de la baie du Mont-Saint-Michel contesté par des élus locaux.
"Fausse politique de protection"
Si des élus locaux commettent des erreurs en matière de prévention des risques naturels, il est en effet indispensable que l'Etat puisse les corriger et se positionner en garant de la sécurité des populations. Problème : "Les représentants des services de l'Etat sont perçus comme venant de l'extérieur, n'ayant aucune connaissance de la réalité communale dont seuls les élus seraient détenteurs", déplore Thierry Lataste, ancien préfet de Vendée et actuel directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, cité par Le Monde. "L'Etat peut être tenté d'abdiquer", pointe aussi FNE qui prône la fermeté en matière d'urbanisation.
"Ce procès doit initier la rupture avec une fausse politique de « protection » reposant exclusivement sur la création et l'élévation à outrance des digues, pour s'engager dans des mesures de prévention durables qui interdisent l'urbanisation dans les secteurs exposés à un aléa fort", estime la fédération. D'autant que le changement climatique multiplie les risques de submersion. La dernière étude du BRGM, publiée il y a moins d'un mois, montre que 27% du littoral français subit une érosion côtière et qu'une augmentation du niveau de la mer comprise entre 50 cm et 1 m est attendue d'ici 2100, rappelle l'ONG.