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Actu-Environnement

“OGM : il y a ceux qui entretiennent la peur et ceux qui les croient”

Alors que le parlement européen vient de valider une nouvelle procédure d'autorisation de culture des OGM en Europe, Yvette Dattée, secrétaire générale de l'Association française des biotechnologies végétales estime que les craintes suscitées par les plantes transgéniques sont d'ordre "idéologique".

Interview  |  Agroécologie  |    |  A. Sinaï
   
“OGM : il y a ceux qui entretiennent la peur et ceux qui les croient”
Yvette Dattée
Secrétaire générale de l'Association française des biotechnologies végétales (AFBV)
   

Actu-environnement : Quelle est votre position sur la nouvelle réglementation européenne sur les OGM ?

Yvette Dattée : Ces nouvelles dispositions, après leur adoption par le Parlement européen, laissent aux Etats-membres la possibilité de refuser, sur tout ou partie de leur territoire, la culture d'une plante génétiquement modifiée évaluée sans danger pour la santé et l'environnement par les instances scientifiques d'évaluation communautaires. Les autorités européennes ont donc décidé de renationaliser les autorisations de mise en culture des plantes génétiquement modifiées. Pour l'Association française des biotechnologies végétales (AFBV), ce refus de mise en culture, n'ayant plus besoin d'aucun fondement scientifique pour se justifier, est contraire à la législation actuelle sur les OGM. Elle fera de nombreux perdants mais peu de gagnants.

AE : L'objectif de cette réglementation est de donner les moyens aux Etats membres de prendre en compte le rejet des OGM par leur population. Qu'en pensez-vous ?

YD : Ceux qui rejettent les OGM et la filière des semences transgéniques défendent une position qui correspond à ce qu'ils ressentent, mais pas à une position scientifique et technique. Parfois, ils sont scientifiques eux-mêmes, mais le côté militant l'emporte, contre l'économie dans laquelle on vit, contre le commerce. Il y a ceux qui entretiennent la peur et ceux qui les croient, ces derniers sont généralement mal informés.

AE : Parce que, d'après votre groupement, il n'y a aucun fondement à ces craintes environnementales ?

YD : Je n'irais pas jusque là. En fait, tout doit être analysé au cas par cas, espèce par espèce, le maïs ne va pas se comporter comme le colza ou comme la betterave. Dans chacun des cas, il faut aussi considérer le caractère introduit, donc si on parle de maïs résistant à la pyrale, les craintes environnementales sont nulles puisque le maïs ne se croise avec aucune autre plante présente en France et sur le territoire européen, même s'il peut éventuellement se croiser avec un autre maïs cultivé.

AE : Les craintes portent sur les résistances que certains OGM pourraient induire parmi les insectes...

YD : Oui, en effet, lorsqu'on cultive le maïs Bt - résisant à la pyrale -, on préconise des zones refuges, c'est-à-dire des zones dans lesquelles on cultive un maïs qui n'est pas résistant à la pyrale, qui permettent aux pyrales de se réfugier et de se développer, ce qui veut dire qu'il n'y a pas une pression de sélection trop forte sur ces insectes. Les retours d'expérience nous rassurent puisqu'on n'a pas aujourd'hui d'exemple de culture de maïs en champ qui aurait rendu des populations de pyrales résistantes. Et pourtant il y a beaucoup d'hectares cultivés avec ce maïs en Europe et dans le monde. Quand on cultive une variété tolérante à une maladie ou à un insecte, on sait qu'il peut toujours arriver que cette résistance soit contournée, donc c'est un mécanisme qui peut être normal et qu'on limite au maximum en créant ces zones refuges qui sont obligatoires.

AE : Qu'en est-il de la question des flux de gènes et de la coexistence avec les cultures conventionnelles et biologiques ?

YD : Quand deux champs de maïs conventionnel sont séparés par une route ou se trouvent côte à côte, il y a toujours des croisements entre les plants de maïs, c'est aussi vrai pour le colza. Il y a dans le pollen du maïs transgénique un gène qui a été ajouté, dont on a étudié la toxicité, qui va aller féconder le champ de maïs conventionnel qui lui est proche, ce qui fait qu'on aura effectivement ce gène à l'état hétérozygote dans le noyau des cellules de l'embryon. On a fait des études scientifiques pour étudier la dispersion du pollen du maïs : on sait comment il se disperse et à quelle distance il va, et on peut dire que si on veut respecter un seuil de 0,9% il faut se placer à telle distance. La coexistence est possible si les autorités disent : voilà le seuil acceptable. Quant aux cultures biologiques, elles sont soumises aux mêmes règles que les cultures conventionnelles. C'est l'agriculture biologique qui dit "moi je ne veux pas, je ne veux pas de flux de gènes entre mon maïs et le maïs transgénique", mais au niveau de la réglementation, l'agriculture biologique est soumise à la même réglementation que l'agriculture conventionnelle.

AE : Donc, pour vous la question de l'innocuité est tranchée ?

YD : C'est toujours du cas par cas et on continue à faire des études au cas par cas. Par contre, une fois l'OGM expertisé par l'EFSA (Autorité européenne de la sécurité des aliments) qui émet des avis importants, scientifiquement fondés, on peut se fier à son avis. Ce qui est gênant, c'est que les autorités publiques remettent parfois en question ces avis. Pourquoi ? Parce qu'elles n'ont pas le courage politique d'assumer une position idéologique qui cherche à ménager des électeurs mal informés.

AE : Les procédures d'autorisation des OGM pesticides sont souvent mises en cause. Faut-il les réformer ?

Yvette Dattée : Le Roundup est homologué sur un certain nombre de cultures, par exemple sur le soja, ce sont des procédures très lourdes et coûteuses et cela demande des efforts considérables en matière de recherche-développement car il faut que d'un côté le pesticide soit autorisé, d'un autre côté que la plante soit autorisée et que le pesticide soit autorisé sur la plante en question.

De mon point de vue, il faudrait réformer ces procédures car on cherche vraiment la petite bête... L'EFSA donne des guidelines pour les pétitionnaires, mais ces guidelines se complexifient car les militants écologistes en demandent toujours plus... Il en va de même pour l'étiquetage. La France, qui veut toujours faire mieux que les autres, a défini un seuil encore plus bas, mais quand on arrive à la limite de détection, on n'a plus aucune précision. Il faut un encadrement réglementaire qui demande un étiquetage qui soit fiable. Même si un jour on pourra banaliser tout ça, à condition d'avoir confiance dans les experts de l'EFSA et des agences équivalentes.

AE : En termes de santé publique, l'objectif de réduire le volume des pesticides est-il atteint par les plantes transgéniques ?

YD : L'intérêt du maïs Bt par exemple est qu'il produit lui même un pesticide qui n'a que deux cibles : la pyrale et la sésamie. La plante le synthétise et l'insecte meurt quand il l'ingère. Sur le coton, une espèce particulièrement sensible aux ravageurs et qui nécessite une vingtaine de traitements, on peut introduire d'autres gènes qui limiteront considérablement le nombre de traitements.

Pour l'exemple du soja génétiquement modifié pour résister à l'herbicide Roundup, la question se pose un peu différemment. Il peut y avoir des inconvénients car si on l'utilise de façon trop répétitive, on va voir apparaître des espèces adventices tolérantes au Roundup. Tout cela est une question de bonnes pratiques agronomiques. Il faut quand même faire des rotations, il faut périodiquement utiliser d'autres herbicides. Maintenant, si on veut vraiment se prémunir de tout herbicide, il faut que tout le monde ait une binette à la main... Or la pénibilité du travail agricole a été limitée depuis une cinquantaine d'années...

AE : Certains questionnent l'uniformité de monocultures qui ne plaide pas en faveur de la résilience des écosystèmes...

YD : C'est une question de bonnes pratiques. On ne peut pas revenir à un modèle de petites parcelles, à cause de la mécanisation, ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas améliorer la rotation et réintroduire des légumineuses dans l'assolement. Aujourd'hui, il n'y a pas de lien de cause à effet entre la culture OGM et la monoculture. Si les biotechnologies nous permettent d'avoir des pois résistants à leurs parasites, on sera très contents.

Réactions1 réaction à cet article

Bravo ! Questions pertinentes et réponses claires et conformes aux données actuelles de la science, constats de réalité. Méthodes suggérées pour rassurer l'opinion publique adéquates selon moi, à l'attention des ministères concernés et de l'industrie: Nécessité de débat public, contradictoire et informatif. Comprendre et se faire une opinion réaliste demande la clarté dans l'expression et l'accessibilité au savoir pour tous. C'est ici le cas. Un toast à votre santé (au crémant de Bourgogne, économie oblige !).

Euplectes

Euplectes | 16 janvier 2015 à 18h38 Signaler un contenu inapproprié

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