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ZAN : quelle traduction dans les évaluations environnementales des projets ?

La faisabilité juridique, sociale et environnementale des projets soumis à évaluation environnementale peut être améliorée à travers la démarche ERC intégrant l'objectif de lutte cotre l'artificialisation des sols.

DROIT  |  Étude  |  Aménagement  |  
Droit de l'Environnement N°321
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°321
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ZAN : quelle traduction dans les évaluations environnementales des projets ?
Laura Ceccarelli et Vianney Cuny
Respectivement avocate associée et avocat, DS Avocats
   

II.  Éviter les secteurs sensibles, optimiser sa consommation d'espace, valoriser et restaurer les fonctions des sols, comment repenser la démarche ERC à l'aune de la sobriété foncière et du ZAN

1. Moins impacter pour mieux réaliser

Récemment, de nombreux projets nationaux ou locaux ont été abandonnés, annulés ou sérieusement retardés en raison de leur impact sur des terres agricoles, des zones humides, des milieux maritimes ou des habitats naturels d'espèces protégées.

Parallèlement à l'élévation de la conscience collective sur les enjeux climatiques et écologiques, le juge administratif adopte une approche de plus en plus technique du génie environnemental d'un projet, n'hésitant pas à remettre en cause les méthodologies employées par les maîtres d'ouvrages, s'appuyant sur les critiques formulées par l'Autorité environnementale.

Cette dernière, en particulier la formation d'autorité environnementale de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD (1) ), sollicite dans ses avis des justifications de plus en plus développées de la nécessité d'impacter un milieu écologiquement sensible, demandant très fréquemment des précisions sur l'absence de solutions alternatives et critiquant la faiblesse des démarches d'évitement en amont de la conception du projet, allant parfois jusqu'à remettre indirectement en cause son opportunité.

Enfin, sur le terrain, les instances consultées sur les dossiers d'autorisation environnementale (Commission locale de l'eau (CLE), Conseil national de la protection de la nature (CNPN), Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN), Office français de la biodiversité (OFB)…) et les services instructeurs sont de plus en plus exigeants sur l'évaluation des impacts et le dimensionnement des compensations, les maîtres d'ouvrages devant fréquemment rechercher en cours d'instruction des sites compensatoires supplémentaires, ce qui provoque des allongements de délais, des coûts additionnels mais aussi des risques juridiques importants.

Concevoir en amont du dépôt des dossiers de demandes d'autorisation, dans le cadre de l'évaluation environnementale, un « projet de moindre impact » environnemental constitue non seulement un préalable nécessaire pour s'assurer que le projet passera sans difficulté majeure les étapes administratives de l'instruction, des avis des autorités indépendantes et de la participation du public, mais également qu'il surmontera un éventuel contentieux.

C'est également un moyen de réduire le volume de compensations écologiques, forestières ou agricoles pour le maître d'ouvrage, et donc les difficultés inhérentes aux recherches foncières et aux coûts financiers de ces compensations sachant qu'elles sont marquées par des conflits d'usages de plus en plus vifs.

Enfin, pour le décideur, disposer du projet de « moindre impact » est un élément de sécurisation de son action sur le long terme mais également un argument crucial dans la discussion avec les éventuels opposants.

Au centre de cette logique de « moindre impact », se situe la démarche « Éviter, réduire, compenser ».

2. « Éviter, réduire, compenser », un impératif juridique

La démarche « Éviter, réduire, compenser » (ERC) dispose désormais d'une large portée juridique au sein du code de l'environnement. Rubrique obligatoire d'un rapport d'incidences environnementales (2) ou d'une étude d'impact (3) , mais également condition de la légalité d'une autorisation environnementale ou des procédures au titre de la directive « Habitats », elle implique, à titre principal, d'éviter les incidences sur l'environnement, de réduire celles qui ne peuvent être évitées puis, à titre subsidiaire, de compenser celles qui n'ont pu être ni évitées ni suffisamment réduites (incidences dites « résiduelles »).

La suffisance des mesures ERC au regard des enjeux environnementaux d'un projet conditionne son respect du principe de prévention figurant à l'article L. 110-1 II 2° du code de l'environnement, principe fondamental du droit de l'environnement, directement opposable aux autorisations environnementales (Iota (4) et ICPE) mais également aux déclarations d'utilité publique ou aux permis de construire. Il implique de justifier que les mesures ERC aboutiront à une « absence de perte nette de biodiversité », voire un « gain de biodiversité ».

Pour vérifier l'attente de cette obligation d'équivalence écologique, la qualité du génie environnemental des projets est étroitement contrôlée par le juge administratif (5) . Si le juge estime que les mesures ERC ne permettent pas de démontrer le respect du principe d'absence de perte nette de biodiversité, il annule l'autorisation dont la légalité est contestée. À titre d'illustration, récemment, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé (6) pour méconnaissance du principe de prévention et de l'article L. 163-1 du code de l'environnement un projet dont les compensations des milieux naturels et des zones humides ne justifiaient pas la restauration des fonctionnalités écologiques par le projet.

En outre, le juge vérifie que les étapes de la démarche ERC sont respectées. Ainsi, si l'étude d'impact du projet ne justifie pas que des solutions d'évitement et de réduction ont été envisagées avant que ne soient adoptées des mesures de compensation, l'autorisation du projet encourt l'annulation. La compensation est toujours résiduelle et ne doit jamais être envisagée à titre principal. C'est pourquoi, en matière d'évaluation environnementale, il convient uniquement de compenser les « incidences résiduelles notables (7) » d'un projet, soit les incidences qui subsistent après évitement et réduction.

3. L'évitement, sélectionner la solution alternative de moindre impact

L'évitement procède directement d'une logique de sobriété foncière. En effet, en consommant moins d'espaces naturels, forestiers ou agricoles, parallèlement, le projet évite l'ensemble des incidences environnementales qui sont propres à ces milieux qui concentrent généralement les plus forts enjeux en matière d'habitats naturels, de continuités écologiques et de zones humides. Par rapport à un projet sur un espace non artificialisé, un projet de requalification du tissu urbain existant sera beaucoup moins exposé à de tels enjeux écologiques et aux risques juridiques qu'ils impliquent.

Juridiquement, l'évitement a longtemps été conçu comme une « option », pris sous le prisme de la notion de « solutions de substitution raisonnables » envisagées par le maître d'ouvrage, rubrique certes obligatoire de l'étude d'impact et d'un dossier au titre de la loi sur l'eau (DLE), mais qui a été fortement limitée dans sa portée par le juge administratif qui considère (8) que ces solutions alternatives ne doivent être décrites que lorsqu'elles ont été effectivement envisagées par le maître d'ouvrage.

Néanmoins, certains régimes juridiques imposent des logiques d'évitement beaucoup plus contraignantes.

Dans le cadre de la dérogation au titre des espèces protégées, les dispositions de l'article L. 411-2 4° du code de l'environnement imposent notamment de démontrer le fait qu'il n'existe pas d' « autre solution satisfaisante ». En outre, certains schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage), avec lesquels les autorisations environnementales au titre de la loi sur l'eau entretiennent un rapport juridique de conformité par rapport à leur règlement et ses documents graphiques, imposent un principe d'évitement des zones humides, n'autorisant que par exception leur destruction sauf pour certains projets d'intérêt général et sous réserve qu'ils démontrent l'absence de solution alternative à la destruction de la zone.

L'absence d'alternative satisfaisante consiste à vérifier (9) si une autre implantation ou une autre solution moins impactante pour les espèces protégées ne pouvait pas être envisagée de manière satisfaisante pour remplir les objectifs du projet : en d'autres termes, le porteur doit présenter dans le dossier d'autres implantations (évitement géographique) ou d'autres solutions techniques (variantes de conception) pour vérifier si elles pourraient avoir une incidence moindre sur la biodiversité protégée tout en permettant la réalisation de l'ensemble des objectifs d'intérêt public majeur du projet.

S'il s'avère que plusieurs autres solutions (tracés, option technique, périmètres...) permettraient d'atteindre les objectifs du projet, c'est la solution la moins impactante examinée qui doit impérativement être retenue sous peine d'illégalité de la dérogation (10) au titre des espèces protégées, étant précisé que l'analyse du maître d'ouvrage ne doit pas se limiter (11) aux terrains sur lesquels il dispose de la maîtrise foncière.

Pour justifier avoir sélectionné la variante de moindre impact, le maître d'ouvrage devra nécessairement justifier avoir réfléchi à la manière de mobiliser l'existant plutôt que d'impacter de nouveaux espaces naturels ou agricoles comprenant des espèces protégées ou des zones humides.

En effet, pour un projet urbain, le juge impose (12) au maître d'ouvrage de s'interroger sur la possibilité de réaliser la programmation par densification du tissu urbain existant plutôt que sur des secteurs comprenant des habitats naturels d'espèces protégées. Pour un projet de parc d'activités, il doit examiner (13) la capacité résiduelle des parcs existants pour accueillir les activités économiques souhaitées au sein de la zone. Pour un projet d'infrastructure nouvelle, il doit vérifier (14) si une adaptation ou une augmentation capacitaire d'une infrastructure existante ayant le même usage ne répondrait pas aux objectifs d'intérêt public majeur du projet. Enfin, récemment, dans le cadre de l'affaire de la centrale électrique du Larivot, impliquant d'importants travaux de déforestation au sein d'une Znieff (15) et d'une continuité écologique, le tribunal administratif de Guyane a estimé (16) qu'EDF, maître d'ouvrage du projet, ne démontrait pas qu'une implantation alternative sur une zone d'activités du Grand port maritime de Guyane, au sein d'un secteur déjà partiellement déboisé et artificialisé, n'aurait pas permis de répondre aux objectifs d'intérêt public majeur du projet.

Éviter un espace naturel en mobilisant soit l'existant soit en s'implantant sur des terrains déjà artificialisés, dont les enjeux écologiques sont présumés comme plus faibles, permet ainsi de considérablement faciliter l'obtention et la sécurisation de l'autorisation.

Pointons toutefois une situation juridique paradoxale. La politique de sobriété foncière impulsée au niveau national incite les porteurs de projets à s'implanter sur des friches et à les reconvertir. Divers dispositifs ont été introduits par loi Climat et Résilience, dont la possibilité de pouvoir déroger à certaines règles d'urbanisme afin de majorer les droits à construire disponibles (17) . Pour autant, la politique de reconversion des friches est rendue plus ardue par le fait que ces espaces sont fréquemment colonisés par des espèces protégées, ce qui conduit à devoir solliciter des dérogations au titre des espèces protégées, avec l'ensemble des risques induits, pour un projet pourtant vertueux sur le plan de la consommation d'espace.

Récemment, une décision de la cour administrative d'appel de Nancy (18) a estimé que la réalisation du projet sur une friche ne dispensait pas le porteur de projet de vérifier l'absence de solution alternative de moindre impact sur d'autres terrains, dont des implantations sur des terres agricoles proches du site du projet en cause. Cette approche nous semble critiquable car le fait de reconvertir une friche plutôt que de consommer des espaces agricoles devrait être considéré comme procédant d'un intérêt public majeur, eu égard aux objectifs législatifs nationaux sur la diminution de la consommation d'Enaf (19) , justifiant a minima que le maître d'ouvrage puisse borner son analyse des solutions alternatives uniquement sur d'autres friches sans qu'il ne doive inclure dans le champ de cette analyse des terres non artificialisées comme des terres agricoles.

4. La réduction, valoriser au sein des projets les fonctions des sols

Les sols non artificialisés jouent des fonctions environnementales importantes : infiltration des eaux pluviales pour assurer la recharge de la nappe, régulation des températures de surfaces, habitats naturels… Diminuer les incidences du bâti sur les fonctions des sols implique d'optimiser sur l'unité foncière l'emprise au sol du bâti pour augmenter le coefficient d'espaces verts du projet.

À cet égard, l'article L. 300-1-1 du code de l'urbanisme impose désormais pour l'ensemble des actions et opérations d'aménagement soumises à évaluation environnementale de faire l'objet d'une « étude d'optimisation de la densité des constructions dans la zone concernée, en tenant compte de la qualité urbaine ainsi que de la préservation et de la restauration de la biodiversité et de la nature en ville ».

Le décret du 27 décembre 2022 prévoit que l'étude d'impact intègre les conclusions de cette étude ainsi qu'une description de la façon dont il en est tenu compte (20) , mais il n'apporte aucune précision sur le contenu de cette étude.

Pour satisfaire l'objectif recherché par le législateur à travers l'institution de cette étude, il revient au maître d'ouvrage de démontrer que sa programmation a une densité optimisée, avec des élévations et un gabarit suffisant tout en dédiant le maximum d'espaces possibles pour les espaces verts. En d'autres termes, il doit justifier que les objectifs du projet ont été réalisés en artificialisant le moins possible sur le périmètre de l'unité foncière afin de ne pas impacter plus que de besoin les sols et les fonctions qu'ils assurent.

Outre la suffisance de l'étude d'impact du projet, l'optimisation des surfaces bâties pour ménager des espaces non artificialisés assure une meilleure intégration des projets au sein des orientations et prévisions des schémas de planification, ce qui les renforce sur le terrain juridique et politique.

À titre d'illustration, le plan stratégique d'action du schéma régional de cohérence écologique (SRCE) d'Île-de-France, qui doit être pris en compte par l'ensemble des projets publics (21) , prend comme orientation de « développer une nouvelle approche de la nature en ville (22)  », qui permet d' « assurer le maintien de la biodiversité en ville et l'interconnexion des espaces verts ou naturels au sein du tissu urbain » ou de « préserver la fonctionnalité des espaces naturels et agricoles en lisière d'urbanisation ». Les mesures consistant à concevoir les espaces publics comme des liaisons écologiques, à imposer la végétalisation du bâti et des toitures, à prévoir des gîtes pour la biodiversité au sein des îlots et à imposer aux constructeurs des surfaces élevées de pleine terre participent de la constitution d'une sous-trame verte à l'échelle du projet, contribuant à attester de la prise en compte des orientations du SRCE.

En outre, l'optimisation des densités bâties permet de diminuer les surfaces imperméabilisées du projet pour favoriser une gestion intégrée des eaux pluviales. Sur la base des orientations des Sdage (23) , dont le Sdage du bassin Seine-Normandie 2022-2027 qui impose l'infiltration de l'ensemble des petites pluies et la neutralité hydraulique jusqu'aux pluies trentennales, les services de la police de l'eau tendent désormais systématiquement à exiger que les dossiers d'autorisations environnementales déposés au titre de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature Iota démontrent l'absence d'alternative à l'infiltration eu égard aux contextes locaux (pollution des sols et des eaux souterraines, perméabilité de la nappe, topographie). Ils exigent, en outre, pour les rejets dans les milieux ou les réseaux qui ne peuvent être évités, que l'ensemble des dispositifs de rétention et de limitation des débits de fuite les plus performants soient adoptés pour limiter l'impact de ces rejets, en particulier vis-à-vis des risques de pollution des milieux et des risques d'inondation. Les maîtres d'ouvrages ont donc intérêt à anticiper ces questions en proposant la gestion des eaux pluviales la plus intégrée possible par une limitation stricte des imperméabilisations nouvelles, voire une désimperméabilisation du site, par exemple par l'aménagement d'espaces type « jardins de pluies ».

Préserver la fonctionnalité hydrique des sols sera un sujet majeur des prochaines années. Certaines expérimentations recourant à la valorisation et la restauration de zones ou milieux humides au sein de projets urbains pour assurer la gestion des eaux pluviales ont récemment été relevées. Ce type d'initiatives ne peut qu'être encouragé étant donné qu'une des fonctions principales des zones humides est d'assurer la recharge de la nappe et l'épuration des eaux de surfaces tout en renforçant globalement la résilience des milieux face au changement climatique.

5. Compenser, renaturer, restaurer la fonction écologique des sols

Pour respecter le « zéro artificialisation nette » (24) (ZAN), il faut que le solde des altérations durables de toute ou partie des fonctions écologiques, biologiques, hydriques, climatiques et agronomiques des sols (« artificialisation ») soit intégralement compensé par des actions de restauration et d'amélioration de la fonctionnalité d'autres sols, les faisant sortir de la catégorie de sols artificialisés (« renaturation »).

La logique diffère de celle prônée par la sobriété foncière, là où la densification cherche l'économie des sols (logique d'évitement / réduction), le ZAN veut compenser la perte pour établir un bilan neutre(logique de compensation).

C'est l'initiation d'une nouvelle vision de la législation qui envisage désormais le « retour en arrière (25)  », l'artificialisation n'est plus considérée comme immuable, elle devient un élément sur lequel les acteurs du territoire peuvent (doivent) désormais agir. La renaturation est entendue comme le flux inverse de l'artificialisation, c'est-à-dire le passage d'un espace artificialisé à un espace naturel, forestier ou agricole.

En effet, l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme dispose que « la renaturation d'un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé ». Le code de l'urbanisme relie donc expressément la notion de « renaturation » avec celle de « restauration » d'une fonctionnalité perdue. En cela, le concept de « renaturation » est très proche du principe d'« absence de perte nette de biodiversité » de l'article L. 163-1 I du code de l'environnement, qui impose aux mesures de compensation des incidences résiduelles sur la biodiversité une obligation d'équivalence écologique, c'est-à-dire une équivalence entre les pertes de biodiversité résultant de la mise en œuvre d'un projet et les gains obtenus sur un site compensatoire.

Schématiquement, ce principe d'équivalence implique de sélectionner des sites compensatoires montrant des caractéristiques fonctionnelles initiales comparables aux milieux impactés (milieux mésophiles, hygrophiles, xérophiles…), suffisamment proches de ces derniers et qui disposent d'un potentiel de restauration avéré au regard de leur état de conservation, suffisant pour faire bénéficier mesures compensatoires d'une plus-value écologique :

À titre d'illustration, lorsqu'un projet impacte une zone humide supérieure ou égale à un hectare, son autorisation environnementale doit être compatible avec les orientations Sdage et conforme aux dispositions du règlement du Sage. Les orientations fondamentales des Sdage et les règlements des Sage fixent fréquemment des obligations de compensation en matière de zones humides imposant des ratios surfaciques de compensation mais surtout l'atteinte d'un principe d' « équivalence fonctionnelle ». Le juge contrôle sur la base de ce principe que les compensations proposées par le maître d'ouvrage sont susceptibles de restaurer les fonctions perdues des zones humides parmi les fonctions « hydrologiques » (recharge de la nappe, lutte contre les inondations), « biogéochimiques » (dépollution des eaux de surfaces, stockage du carbone…) et « écologiques » (habitats naturels). Pour assurer sa légalité, l'autorisation environnementale, sur la base de la méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides (MNEFZH), doit prescrire des compensations garantissant que les différentes sous-fonctions rattachées à ces trois grandes fonctions sont compensées à équivalence sur les sites compensatoires (26) .

En faisant référence au concept de restauration des fonctionnalités des sols, la notion de renaturation telle qu'elle figure à l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme implique une démarche intellectuelle et juridique identique, c'est-à-dire la démonstration que les bénéfices environnementaux liés à un sol seront restaurés dans le cadre des opérations de restauration par rapport aux fonctions initiales des sols artificialisés. Les planificateurs ont donc intérêt à flécher les compensations écologiques des projets structurants d'un territoire sur les compensations ZAN. Pour autant, dès lors qu'il convient de compenser des fonctions et non des surfaces, les compensations ZAN, au titre des opérations de renaturation, auront très certainement un objet plus large que la seule compensation des fonctions écologiques d'un milieu impacté puisque les sols assurent des fonctions autres que de simples fonctions écologiques, comme une capacité à assurer l'infiltration des eaux pluviales pour recharger la nappe ou une valeur agronomique s'agissant de terres agricoles.

Les compensations ZAN méritent en cela une réflexion approfondie en termes de génie environnemental et une anticipation forte sur le caractère adapté des secteurs de renaturation sélectionnés par rapport aux secteurs artificialisés. À titre d'illustration, restaurer une fonction de recharge de nappe d'un sol fortement perméable en raison de la géologie du sous-sol impliquera de localiser la renaturation au sein du document d'urbanisme sur un sous-sol disposant de potentialités identiques, sauf à prendre le risque que les exigences que posent l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme ne soit pas considérées comme respectées. Identiquement, la compensation ZAN d'un terrain agricole impliquera de flécher les secteurs de compensation sur des sites disposant d'un potentiel agronomique offrant la possibilité d'une restauration des fonctions perdues. Cette réflexion est en outre une nécessité pour que les maîtres d'ouvrages puissent présenter des mesures de compensations écologiques « pré-fléchées » par les documents d'urbanisme de manière cohérente et pertinente par rapport aux milieux et fonctions impactés sur les périmètres de projet.

En cela, éviter au maximum l'urbanisation des Enaf, inciter à densité et à la préservation des fonctions des sols au sein des projets et planifier les opérations de renaturation sur des sites disposant d'un potentiel de restauration avéré par rapport aux secteurs impactés sont autant d'anticipations participant de la faisabilité, de la sécurisation et de la pérennité des projets stratégiques d'un territoire.

1. Anciennement Conseil général de l'environnement et du développement durable, CGEDD2. C. env., art. 122-20 II 6°3. C. env., art. R. 122-5 II 8°4. Installations, ouvrages, travaux et activités5. CAA Nantes, 22 juill. 2022, n° 18NT03666. CAA Nantes, 21 oct. 2022, n° 21NT018847. CAA Lyon, 18 oct. 2016, n° 14LY018488. CAA Nantes, 21 mai 2019, n° 17NT039279. CE, 3 juill. 2020, n° 430585 et n° 432446 (espèces protégées) ; TA Rennes, 4 déc. 2020, n° 190058510. CAA Marseille, 1er juin 2018, n° 17MA0279911. CAA Nancy, 8 févr. 2022, n° 18NC02361

12. CAA Paris, 8 juill. 2021, n° 21PA0090913. TA Lyon, 7 oct. 2021, n° 200448014. CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT0238615. Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique16. TA Guyane, 28 avr. 2022, n° 210023717. C. urb., art. L. 152-6-218. CAA Nancy, 8 févr. 2022, n° 18NC0236119. Espaces naturels, agricoles ou forestiers

20. L'article 5 du décret précise que ces dispositions sont applicables aux actions et aux opérations d'aménagement pour lesquelles la première demande d'autorisation faisant l'objet d'une évaluation environnementale a été déposée à compter de l'entrée en vigueur du décret, le 29 décembre 2022. Pour les opérations d'aménagement faisant l'objet d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), il convient de prendre en compte la date d'ouverture de la participation du public par voie électronique préalable à la création de la ZAC, sauf si l'opération a fait l'objet d'une première demande d'autorisation avant cette date.21. C. env., art. L. 371-322. SRCE, IDF, sept. 201323. Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux24. C. urb., art. L. 101-2-125. Carpentier E., Loi Climat, documents d'urbanisme et lutte contre l'artificialisation des sols, JCP N 2021, n° 44, 1310, p. 30 et suiv.26. CAA Nantes, 21 oct. 2022, n° 21NT01884

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